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"Réduire la vitesse" de la révolution après la défaite référendaire
Venezuela - Chavez s'autocritique : inflation, criminalité, corruption, pénuries alimentaires

CARACAS, mardi 8 janvier 2008 (LatinReporters.com) - "Révision, rectification et relance" de la "révolution bolivarienne" sont les mots d'ordre du président Hugo Chavez du Venezuela pour l'année 2008. Un mois après sa première défaite électorale en neuf ans de pouvoir, au référendum du 2 décembre sur son projet de réforme socialiste de la Constitution, il fait son autocritique en reconnaissant la priorité de problèmes quotidiens tels que l'inflation, la criminalité, la corruption et les pénuries alimentaires.

Hugo Chavez, président du Venezuela, reconnaît les flous de sa révolution bolivarienne qu'il propose de ralentir et de "rectifier" avant de la relancer.
Photo Alfonso Ocando (6 janvier 2008) - Prensa Presidencial

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Dossier VENEZUELA
"J'admets que je dois réduire la vitesse [de la révolution]. Je préfère nous consolider pour reprendre ensuite le rythme" annonçait Hugo Chavez le 6 janvier pendant les trois heures, durée statistiquement très courte, de son "Aló Presidente", le one man show hebdomadaire que doivent diffuser obligatoirement en direct les médias audiovisuels vénézuéliens publics et privés.

Battu le 2 décembre par 50,7% et 51,05% de non au référendum sur les deux blocs de son projet de réforme visant à constitutionnaliser son "socialisme du 21e siècle", Hugo Chavez a invité ses ministres (12 sur 27 ont été remplacés la semaine dernière) à "accepter la réalité" et à garder "les pieds sur terre".

Il a admis qu'en 2007 son administration "a été recalée" ("reprobó") en diverses matières. Il a cité l'inflation, chiffrée officiellement à 22,5% l'an dernier, l'un des taux les plus élevés de la planète et le double de celui escompté. Le lancement le 1er janvier du "bolivar fort", valant 1.000 bolivars antérieurs, s'inscrit officiellement à la fois dans la lutte contre l'inflation et dans la recherche d'un prestige monétaire.

Hugo Chavez a mentionné aussi "la pègre débordante". Avec plus de 12.000 homicides par an, la criminalité est en effet l'une des principales préoccupations des 27 millions de Vénézuéliens. Le taux d'homicides à Caracas détient le record d'Amérique latine. Il est près de cinq fois plus élevé qu'à Bogota, capitale de la Colombie voisine. En outre, le gouvernement chiffre à 382 le nombre de Vénézuéliens séquestrés en 2007. L'opposition et l'Eglise reprochent au président de ne se soucier que de séquestrés Colombiens, dont Ingrid Betancourt, aux mains de la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie).

Selon Hugo Chavez, "l'insécurité et la corruption sont des maux hérités que nous devons empêcher de s'étendre, sinon ils deviendront le plus grand ennemi de notre révolution". Les adversaires du président soulignent toutefois, pour expliquer l'ampleur actuelle de la corruption, l'absence de contrôles budgétaires dans diverses administrations et dans des programmes sociaux financés par la manne pétrolière. Le classement 2007 de Transparency International présente le Venezuela comme le pays le plus corrompu des Amériques après Haïti.

Quant aux pénuries alimentaires, que le président Chavez a reconnues en soulignant le "désapprovisionnement" ("desabastecimiento"), elles concernent notamment le sucre, le lait, l'huile, la viande, la farine et certains légumes. Les queues de consommateurs s'allongent lorsqu'un point de vente est momentanément approvisionné. Le contrôle des prix en vigueur depuis 2003 sur quelque 400 produits et services, au bénéfice théorique des plus démunis, a découragé les producteurs et réduit leur activité, car les coûts, grossis par l'inflation, surpassent désormais souvent les prix de vente imposés. Les disettes sectorielles, auxquelles échappent les véhicules de luxe américains et européens, n'ont même pas l'alibi du blocus américain invoqué à Cuba.

L'énumération par Hugo Chavez de failles dans sa révolution a le mérite implicite de ridiculiser, en la contredisant, la propagande diffusée depuis des années par les médias publics vénézuéliens et par la nébuleuse de sites Internet, notamment francophones, voués à la gloire de la révolution bolivarienne.

Le 31 décembre dernier, le président Chavez avait même estimé que la charge excessive d'idéologie expliquait le peu d'audience de chaînes publiques de télévision. "Quasi personne ne la voit, cela me fait mal de le dire, mais c'est vrai, j'ai les rapports en mains" précisait alors le chef de l'Etat à propos de TVES, la chaîne publique installée le 27 mai 2007 sur la fréquence de Radio Caracas Televisión (RCTV). Accusée d'avoir soutenu le putsch antichaviste d'avril 2002, RCTV, chaîne privée la plus populaire du Venezuela, s'était vue refuser le renouvellement de sa concession. La communauté médiatique occidentale avait alors, comme Reporters sans Frontières, crié à la censure.

C'est peut-être aussi pour alléger la charge idéologique après son premier échec électoral (Chavez le qualifie de "grande leçon") que le président vénézuélien vient d'octroyer une amnistie pour certains délits (liés notamment au putsch de 2002) et qu'il appelle à la formation d'un "Pôle patriotique" au sein duquel "les révolutionnaires" côtoieraient "la classe moyenne, des secteurs patronaux et des mouvements sociaux".

Mais auparavant, avec en point de mire les élections régionales de décembre 2008, Hugo Chavez veut concrétiser son projet de Parti socialiste unifié du Venezuela. Ce PSUV devrait enfin être porté sur les fonts baptismaux le 12 janvier. En juin 2007, Chavez en évaluait le nombre de préaffiliés à 5,6 millions de Vénézuéliens. Mais à peine 4,3 millions d'électeurs appuyaient sa réforme constitutionnelle au référendum perdu le 2 décembre.

En conférence de presse télévisée et entouré de l'état-major militaire, le leader bolivarien qualifiait le 5 décembre sa défaite référendaire de "victoire de merde" ("victoria de mierda") de l'opposition. Et aujourd'hui, tout en estimant opportun de "réduire la vitesse" de son "socialisme du 21e siècle", il appelle ses partisans à ne pas laisser pas le champ libre aux "contre-révolutionnaires".

Le mandat de Hugo Chavez expire en janvier 2013. L'échec de sa réforme constitutionnelle l'empêchera théoriquement de se représenter à l'élection présidentielle de décembre 2012. Mais aujourd'hui déjà, neuf ans de pouvoir font de la présidence de Chavez la plus longue en exercice des Amériques si l'on excepte les 49 ans de dictature de son allié cubain Fidel Castro. Et dans la plupart des démocraties, neuf ans suffisent à mettre à jour des indices d'une usure naturelle du pouvoir. Il serait logique que des élections libres inversent à moyen terme l'effet de balancier qui a favorisé ces dernières années la gauche en Amérique du Sud.

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