MEXICO, mercredi 24 février 2010 (LatinReporters.com)
- A l'issue du "Sommet de l'Unité" réuni les 22 et 23 février sur
la Riviera Maya, au sud de Cancun (Mexique), les chefs d'Etat et de gouvernement
des pays d'Amérique latine et des Caraïbes (ALC) ont confirmé,
mais non concrétisé vu l'absence de charte constitutive, leur
décision de former une entité continentale sans les Etats-Unis
ni le Canada. Déjà prise
en
décembre 2008 au Brésil, cette décision était alors, comme
aujourd'hui, qualifiée d'"historique".
Se gardant de rappeler qu'il s'agissait d'une répétition, le
président conservateur mexicain Felipe Calderon a annoncé mardi
que les chefs d'Etat et de gouvernement de l'ALC, y compris le président
cubain Raul Castro, "ont
décidé de constituer la Communauté
des Etats latino-américains et des Caraïbes en tant qu'espace
régional propre unissant tous les Etats" concernés, soit
les 600 millions d'habitants de 33 des 35 pays des Amériques.
Principal promoteur avec Felipe Calderon du nouveau bloc en gestation, le
président socialiste brésilien Luiz Inacio Lula da Silva célèbre
l'affranchissement de la région de toute "tutelle étrangère".
Ses homologues radicaux Hugo Chavez (Venezuela) et Evo Morales (Bolivie)
parlent de défaite de "l'impérialisme yankee" puisque, selon
eux, la nouvelle communauté rejetterait dans l'ombre l'Organisation
des Etats américains (OEA), installée à Washington et
dominée par les Etats-Unis.
Toutefois,
l'appellation "Communauté des Etats latino-américains
et des Caraïbes", ou CELAC, est inexistante dans le document final,
approuvé par consensus et intitulé
"
Déclaration
du Sommet de l'Unité de l'Amérique latine et des Caraïbes". Le nom
définitif -Communauté, Union ou Organisation- n'est pas encore
défini expliquent des diplomates, qui citent à ce propos le président Calderon.
Ce dernier a parlé devant la presse d'étapes à franchir "tant que n'aura pas
culminé le processus de constitution" de la nouvelle entité.
Aussi la déclaration finale reflète-t-elle
plus une promesse qu'une
réalité. Elle manie prudemment l'expression "espace commun", qu'il s'agit de "construire
pour approfondir l'intégration politique, économique, sociale
et culturelle de notre région". Et cela dans "un cadre d'unité,
de démocratie, de respect sans restriction des droits de l'homme...".
Raul Castro aura apprécié cette dernière expression
quelques heures avant l'annonce de la mort, à 42 ans, du dissident
cubain
Orlando
Zapata, décédé au terme d'une grève
de la faim suivie pendant 85 jours pour réclamer des autorités
de la Havane le statut de prisonnier de conscience que lui reconnaissait
Amnesty international. Utilisant comme Lula da Silva le mot "historique",
Raul Castro, frère de Fidel, souligne surtout le droit de tout Etat
à son propre système politique que garantira, affirme-t-il,
la future union des pays de l'ALC. Faut-il déjà craindre que
cette union ne préserve les droits humains aussi peu efficacement que
le fait, malgré sa Charte rassurante, l'Union africaine?
Pour construire ce que la déclaration finale du sommet appelle aussi
"une instance de concertation politique renforcée" assurant mieux
l'influence internationale des pays de l'ALC, il faudra, reconnaît
cette déclaration, "impulser un agenda intégré" coordonnant
"les mécanismes et groupes d'intégration, de coopération
et de concertation déjà existants". Cela signifierait une remise
en ordre du fouillis institutionnel régional que forment en Amérique
latine l'Unasur, le Mercosur, l'Alba, le Groupe de Rio, la Communauté
andine, l'Association des Etats Caraïbes, le Système d'intégration
centraméricain, le Système économique latino-américain
et des Caraïbes, l'Association latino-américaine d'intégration
et un long etc.
Cela sans oublier qui ni le Mexique ni l'Amérique centrale ni le Chili
ni le Pérou ni la Colombie n'envisagent de remettre en question leur
accord de libre-échange avec les Etats-Unis.
Le contrôle de la future union, nouvel enjeu du combat idéologique
Quand, dès lors, existera effectivement la nouvelle union des pays
de l'ALC? La déclaration finale du sommet n'avance aucune date et
il faut à nouveau s'en remettre aux estimations des diplomates entourant
les chefs d'Etat. A l'issue du premier sommet ALC, en décembre 2008
à Sauipe (Brésil), ils fixaient l'échéance à
"début 2010". Aujourd'hui, paraphrasant le président mexicain Felipe Calderon,
ils la reportent à de prochains sommets, "au Venezuela en 2011 ou au Chili en 2012".
D'ici là, le combat idéologique symbolisé sur la Riviera
Maya par une nouvelle empoignade verbale entre le président conservateur
colombien Alvaro Uribe et l'américanophobe Hugo Chavez aura pour nouvel
enjeu le contrôle de ce qui sera la Communauté, l'Union ou l'Organisation
des Etats de l'ALC. Le président Chavez a déjà proposé
d'en confier la présidence permanente à Luiz Inacio Lula da
Silva. En janvier prochain, Lula abandonnera la présidence du Brésil,
que la Constitution lui interdit de briguer une troisième fois consécutive.
Au moment où l'Amérique latine semble amorcer un retour au
centre droit marqué par les récentes élections au Panama,
en Argentine, au Honduras et surtout au Chili, retour marqué aussi
par l'avantage insistant dans les sondages du candidat José Serra
à l'élection présidentielle brésilienne d'octobre,
l'ampleur et la nature du combat idéologique dans la région
ont été soulignées au Sommet de l'Unité par
le social-démocrate Oscar Arias.
Président du Costa Rica et Prix Nobel de la Paix 1987 pour sa contribution,
à l'époque, à la pacification de l'Amérique centrale
ensanglantée par des guerres civiles, Oscar Arias a décrit
devant ses pairs l'Amérique latine comme une région que "beaucoup
veulent accrocher au wagon oxydé du passé, aux tranchées
idéologiques oxydées qui divisèrent le monde pendant
la Guerre froide".
Le président Arias, auquel succédera en mai sa dauphine Laura
Chinchilla, élue à la présidence du Costa Rica le 7
février, s'en est pris aux "gouvernements tentaculaires" qui se prévalent
de résultats électoraux pour justifier leur "désir de
restreindre les libertés individuelles et de poursuivre leurs adversaires".
Selon Oscar Arias, qui a aussi dénoncé la course aux armements
dans la région, un vrai démocrate "démontre son énergie
en combattant la pauvreté, l'ignorance et l'insécurité", mais non "des empires étrangers ni des conspirations imaginaires".
Manifestement visés sans être nommés, les présidents
du Venezuela (Hugo Chavez), de l'Equateur (Rafael Correa), de la Bolivie
(Evo Morales), du Nicaragua (Daniel Ortega) et de Cuba (Raul Castro) n'auraient, du moins que l'on sache,
pas réagi.
Vers l'alliance économique Brésil - Mexique
La décision peut-être la plus importante a été
annoncée après la clôture du Sommet de l'Unité
: les deux puissances latino-américaines, le Brésil et le Mexique,
qui représentent plus de la moitié des habitants des pays de
l'ALC et plus de 60% de leur produit intérieur brut, négocient
désormais une alliance économique stratégique bilatérale.
Sous le titre "Mexique et Brésil font plus que deux", l'éditorialiste
d'El Universal, principal quotidien mexicain, estimait le 24 février
que les deux pays pourraient jouer en faveur de l'union latino-américaine
le rôle joué par le couple franco-allemand dans l'évolution
de ce qui est aujourd'hui l'Union européenne.
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