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Argentine: la Cour suprême abroge les lois d'amnistie de crimes de la dictature
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Le président Kirchner (au micro) applaudit. L'armée s'inquiète. Archives - Presidencia de la Nación |
BUENOS AIRES, mardi 14 juin 2005 (LatinReporters.com) - La Cour suprême d'Argentine a
déclaré mardi inconstitutionnelles les deux lois d'amnistie qui ont
empêché de poursuivre en justice plus de mille militaires et policiers
impliqués dans la répression politique, avec atteintes aux droits de l'homme,
sous la dernière dictature (1976-1983). "L'impunité, c'est terminé en
Argentine" s'est exclamé le président Nestor Kirchner.
Le verdict, appuyé par 7 des 9 juges de la Cour (une voix contre
et une abstention), permettra d'ouvrir ou de relancer de nombreux procès
empêchés ou gelés par les lois du "Point final" (1986) et
du "Devoir d'obéissance" (1987), approuvées par le premier
gouvernement démocratique qui succéda à la dictature,
sous la présidence de Raul Alfonsin.
Leader de l'Union civique radicale (UCR, sociale-démocrate,
membre de l'Internationale socialiste), Alfonsin estimait que
la pression de l'armée, dont des éléments se mutinaient, ne lui laissait pas le choix.
La loi du "Point final" fixait une limite temporelle aux poursuites. Celle du "Devoir
d'obéissance" exemptait de responsabilités dans la répression les
militaires qui avaient obéi à des ordres supérieurs.
Entre 11.000 -selon des sources officielles- et 30.000 personnes -selon
des organisations humanitaires- ont péri ou disparu en Argentine pendant
les sept années de la dictature militaire, la plus sanglante parmi
celles qui dominaient de nombreux pays d'Amérique latine dans les années
1970 et 1980.
Les parents de victimes et leurs avocats soulignent l'importance de l'annulation
des lois d'amnistie pour éviter l'impunité de violations de
droits de l'homme commises dans le passé, vu que la nouvelle Cour pénale
internationale de La Haye n'est pas habilitée à connaître
de crimes contre l'humanité commis avant juillet 2002, date de son
installation.
En août 2003 déjà, sous l'impulsion
du nouveau président péroniste Nestor Kirchner, investi chef de l'Etat trois mois
plus tôt, le Parlement argentin avait aboli les deux lois d'amnistie. Le verdict de
la Cour suprême était toutefois nécessaire pour débloquer
les procédures en justice.
"C'est un cri d'air frais! Le verdict nous redonne confiance en la justice... L'impunité,
c'est terminé en Argentine" s'est exclamé mardi le président Kirchner.
Quoique concernant le dossier particulier de l'enlèvement et la disparition,
en 1978, d'un Chilien et d'une Argentine, couple dont la fille de huit mois
disparut aussi après lui avoir été ravie, le verdict
de la Cour suprême établit une jurisprudence qui annule de fait
les lois d'amnistie. Dans ce sens, la Cour a validé les verdicts d'instances
judiciaires inférieures qui, dès mars 2001, s'étaient
prononcées contre les lois du "Point final" et du "Devoir d'obéissance".
Le ministre argentin de la Défense, José Pampuro, reconnaissait
quelques heures avant le verdict de la Cour suprême "l'inquiétude
et la préoccupation" des militaires. "Il y en a plutôt beaucoup qui devront déclarer. L'armée s'attendait
à ce verdict" admet le ministre.
Diverses sources estiment que 1.000 à 1.500 militaires et policiers
(en 2003, on les évaluait généralement à plus de 2.000),
dont 10% seraient encore en service actif, pourraient être
cités à comparaître devant les tribunaux, risquant l'emprisonnement
pour implication présumée dans des assassinats, disparitions,
tortures et autres crimes contre l'humanité.
Les chefs de la dictature emprisonnés en 1983 et condamnés
en 1985, donc avant l'adoption des lois d'amnistie, furent graciés en 1990 par
le président péroniste Carlos Menem. Plusieurs d'entre eux,
dont le général Jorge Videla, ex-président-dictateur
aux arrêts à domicile, sont toutefois retombés sous le
coup de la justice pour rapt de bébés, délit que l'Argentine
considère imprescriptible et pour lequel ils n'avaient pas été
jugés.
Le 19 avril dernier, la justice espagnole, qui se prévaut d'une compétence
universelle en matière de droits de l'homme, condamnait à 640 (bien 640)
ans de prison l'ex-capitaine de corvette argentin Adolfo Scilingo, reconnu
coupable d'avoir jeté vivants dans l'Atlantique, du haut d'un avion,
30 opposants à la dictature.
Venu à Madrid en 1997 et se croyant
protégé tant par les lois d'amnistie que par la distance, Scilingo
avait été incarcéré -et il l'est donc toujours-
sur ordre du célèbre juge espagnol Baltasar Garzon.
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