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Bolivie - Evo Morales président: réactions en Amérique latine et en Espagne
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Evo Morales (à gauche) et Alvaro Garcia Linera, élus président et vice-président de la Bolivie - Photo MAS |
BUENOS AIRES / MADRID, mardi 20 décembre 2005 (LatinReporters.com)
- En Amérique latine et en Espagne, on souligne la victoire "écrasante"
à l'élection présidentielle, dimanche en Bolivie, du
leader indien de gauche Evo Morales, mais l'incertitude domine les commentaires
sur les conséquences de ses promesses de nationaliser les ressources
naturelles, dont le gaz et le pétrole, et de légaliser la coca.
La Cour nationale électorale de
Bolivie affichait mardi soir
les résultats de 72% des bureaux de vote, octroyant à
Evo Morales
une majorité absolue de 52,99% des bulletins dépouillés,
contre 29,67% à son principal adversaire, l'ex-président Jorge
Quiroga (droite libérale), 8,25% au conservateur et "roi du ciment"
Samuel Doria Medina et 5,64% à Michiacki Nagatani, candidat du MNR
(Mouvement nationaliste révolutionnaire) de l'ex-président
ultra-conservateur Gonzalo Sanchez de Lozada.
Le Mouvement vers le socialisme (MAS) d'Evo Morales serait minoritaire au
Sénat et n'obtiendrait que deux ou trois des neuf gouverneurs de département.
L'investiture présidentielle, pour un mandat de cinq ans, est fixée au 22 janvier 2006.
"C'est la première fois qu'un indigène authentique parvient
à la présidence d'un pays d'Amérique latine. Sa victoire
est celle de secteurs historiquement discriminés" commente le vice-président
du Venezuela, José Vicente Rangel. Selon Ali Rodriguez,
ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Evo Morales
permettra "d'approfondir la démocratie, de renforcer la souveraineté de nos pays et
de stimuler les processus d'intégration [des pays d'Amérique latine]".
Evo Morales s'est déclaré à diverses reprises "admirateur"
des deux adversaires notoires des Etats-Unis que sont le président
vénézuélien Hugo Chavez et son allié
cubain Fidel Castro.
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Soldats boliviens détruisant la coca par arrachage... Image du passé? Photo Jeremy Bigwood |
A Cuba, les principaux médias, tous gouvernementaux, titrent "Evo
Morales, vainqueur à la majorité absolue" ou "Victoire écrasante
du peuple bolivien".
Le gouvernement argentin voit dans le triomphe d'Evo Morales "une leçon
de démocratie pour toute l'Amérique latine". Eduardo Sigal,
sous-secrétaire à l'Intégration économique américaine
au ministère argentin des Relations extérieures, conseille
"de ne pas se presser" à commenter les éventuelles mesures
que pourrait prendre Evo Morales dans la vente de gaz naturel à l'Argentine.
Les réserves de gaz naturel de la Bolivie sont les plus importantes
d'Amérique du Sud après celles du Venezuela et le Brésil
et l'Argentine sont les principaux clients du gaz bolivien. Dans une interview
au quotidien argentin Clarin, Carlos Villegas Quiroga, qui est peut-être
le futur ministre bolivien des hydrocarbures, estime que le gaz est vendu
au Brésil et à l'Argentine à des prix "extrêmement
bas" qui devront être révisés.
Au Brésil, l'influent journal Folha de Sao Paulo affirme que la compagnie
nationale Petrobras, principal investisseur étranger dans le gaz bolivien,
a décidé de geler tout nouvel investissement en Bolivie dans
l'attente d'une définition claire des orientations d'Evo Morales.
Inquiétudes économiques en Espagne également. Après
Petrobras, c'est la société espagnole Repsol (en baisse de
2,3% lundi à la bourse de Madrid) qui a investi le plus dans l'exploitation
des gisements boliviens d'hydrocarbures. Selon l'éditorialiste du
journal madrilène El Mundo (centre droit), "le temps dira si Morales
optera pour le modèle de Lula [le président du Brésil]
ou pour celui de Chavez [le président du Venezuela]. S'il entraîne
son pays dans une politique de nationalisations et de répression contre
la droite, la Bolivie ne pourra rien en attendre de bon".
L'autre grand quotidien espagnol, El Pais (centre gauche), écrit que
"Morales, qui aime souligner son amitié avec Fidel Castro et Hugo
Chavez, renforce de manière indubitable le virage indigéniste
et vers la gauche d'une partie du sous-continent... Mais Morales, dont les
projets sont un anathème pour les riches régions orientales
du pays, assises sur le gaz et le pétrole, devra mettre en oeuvre
son agenda explosif en assurant aussi la gouvernance de la Bolivie".
Evo Morales s'est déjà prononcé en faveur d'une révision de
tous les contrats conclus en Bolivie avec les multinationales des hydrocarbures, contrats qu'il juge
"illégaux", notamment pour n'avoir pas été ratifiés par le
Congrès (Parlement) bolivien.
A propos de la promesse d'Evo Morales de légaliser la feuille de coca,
dont on extrait la cocaïne, El Pais prévient que l'aide des Etats-Unis
à l'éradication de la coca "suppose le dixième du PIB bolivien"
[en réalité, un pour cent; ndlr].
Leader syndical des cocaleros, Evo Morales souhaite développer
la commercialisation des propriétés médicinales et alimentaires
de la coca, source de revenus de dizaines de milliers de paysans. Il prétend,
sans convaincre ses adversaires, qu'il combattra le trafic de stupéfiants.
Selon lui, les Etats-Unis utiliseraient le prétexte de la lutte contre
la drogue pour établir des bases militaires à l'étranger.
Des analystes latino-américains croient qu'accélérer
une pleine adhésion de la Bolivie au Mercosur (marché commun
sud-américain) tempérerait le nationalisme économique
d'Evo Morales. D'autres notent que l'élection d'un président
amérindien en Bolivie influencera le Pérou et l'Equateur, pays
andins à forte composante indienne et où des élections
présidentielles et législatives auront lieu en 2006.
La puissante Confédération de nationalités indigènes
d'Equateur (CONAIE) voit dans la victoire d'Evo Morales "un coup à
l'arrogance des Etats-Unis" et le reflet du virage politique de l'Amérique
latine. "C'est la victoire contre le néo-libéralisme des mouvements
sociaux de toute l'Amérique latine, en particulier ceux de la région
andine" précise l'un des leaders de la CONAIE, Humberto Cholango.
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