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Echec du président Lula
Brésil-référendum: le commerce des armes ne sera pas interdit
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Plus de 400.000 armes à feu avaient été recueillies en 2004 au Brésil - Photo OACP |
BRASILIA, lundi 24 octobre 2005 (LatinReporters.com) - "Le commerce d'armes
à feu et de munitions doit-il être prohibé au Brésil?"
En répondant "non" à cette question posée dimanche par
référendum, près de deux tiers des électeurs
brésiliens -63,92%- ont infligé une défaite au président
Luiz Inacio Lula da Silva, déjà fragilisé par des scandales
de corruption touchant son parti.
Le président Lula, son Parti des travailleurs (PT, le plus grand parti
démocratique de gauche d'Amérique latine) et le ministre de
la Justice, Marcio Thomaz Bastos, avaient appelé à voter "oui".
Ils étaient soutenus par l'Eglise catholique, le Mouvement des sans
terre et diverses organisations non gouvernementales.
Mais les Brésiliens semblent avoir estimé que mieux vaut être
armé lorsque les autorités sont incapables d'assurer l'ordre
public. Le verdict est d'autant plus tranchant que 78,16% des 122 millions
d'appelés aux urnes ont effectivement voté. En principe, le
vote était obligatoire.
"C'est un vote contre l'absence d'une politique de sécurité
publique " affirme le député fédéral Luiz Antonio
Fleury Filho, défenseur de la vente libre d'armes.
"Les Brésiliens ne se sentent pas protégés" confirme
le sociologue Benicio Schmidt, professeur à l'Université de
Brasilia. Il souligne le "non" particulièrement massif à la
prohibition de la vente d'armes -86,83%- enregistré dans l'Etat de
Rio Grande do Sul, qui jouit pourtant au Brésil de l'indice de développement
humain le plus élevé.
Avec 2,8% de la population mondiale (182 millions d'habitants), le Brésil
subit 11% des assassinats par arme à feu perpétrés sur
la planète. Le bilan, pour le seul Brésil, fut de 36.091 victimes
en 2004, contre 39.325 en 2003. Cette réduction s'explique peut-être
par la campagne de remise d'armes en échange d'argent lancée
en 2004 par le gouvernement, plus de 400.000 armes ayant alors été
recueillies.
La campagne référendaire des partisans du "non", donc des opposants
à la prohibition du commerce des armes, s'est appuyée sur des
slogans percutants tels que "Le gouvernement veut désarmer les victimes
de la violence" ou "Le oui réjouirait les narcotrafiquants et les
agresseurs face à une société désarmée".
En outre, comme aux Etats-Unis, le respect supposé des libertés
fondamentales, dont le droit à la légitime défense,
avait été invoqué par les adversaires de l'interdiction.
A ce titre, l'intellectuel Paulo Guedes avait vigoureusement défendu
le "non" dans l'influent quotidien O Globo (ce journal étant néanmoins
en faveur du "oui").
Le sociologue Benicio Schmidt croit que la victoire du "non" s'explique aussi
partiellement par la confusion créée par la question référendaire,
les adversaires de la vente libre d'armes devant répondre "oui" (à
la prohibition), alors qu'une volonté d'empêcher s'exprime plus
logiquement par un "non".
Mais de nombreux observateurs estiment que les Brésiliens ont utilisé
le référendum pour passer facture à la classe dirigeante
plongée dans d'interminables scandales de corruption, qui secouent
surtout le PT du président Lula.
Les sondages précédant le vote indiquaient en effet que les
Brésiliens les plus favorables au "oui" prôné par l'exécutif
étaient ceux qui approuvaient la politique gouvernementale. Au contraire,
les mécontents se prononçaient davantage pour le "non".
Le "non" a triomphé dans la totalité des 27 Etats brésiliens.
Déjà considérée comme incertaine avant le référendum,
la réélection du président Lula en 2006 n'en devient
que plus aléatoire. Toutefois, son principal adversaire dans les sondages en vue de la
présidentielle, José Serra, maire social-démocrate de Sao Paulo, a aussi fait
campagne pour le "oui" à l'interdiction du commerce des armes...
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