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Chili - Pinochet, l'inculpé jamais jugé (Condor, Caravane de la mort, Riggs)

Augusto Pinochet
Photo Fundacion Pinochet
SANTIAGO DU CHILI, jeudi 9 juin 2005 (LatinReporters.com) - Non-lieu, mardi, pour son rôle présumé dans l'opération Condor... Comme en 2002 à propos de la Caravane de la mort, l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet a pu être inculpé, mais non jugé pour raison de santé. Une nouvelle levée de son immunité, pour fraude fiscale supposée dans le dossier dit de la Banque Riggs, débouchera-t-elle sur la même clémence?

Dans chacune des actions ouvertes en justice contre le général Pinochet, son immunité d'ex-président doit être préalablement levée par un tribunal. Jusqu'à présent, elle a été levée dans trois dossiers.

D'abord celui de la Caravane de la mort, instruit en 2000 par le juge Juan Guzman Tapia. Retraité depuis le mois dernier et resté célèbre pour avoir été "le tombeur de Pinochet", le juge Guzman avait inculpé l'ex-dictateur en tant qu'auteur intellectuel présumé de 57 assassinats et 18 enlèvements perpétrés en 1973 au Chili par des militaires.

Mais en juillet 2002, la Cour suprême suivait la défense d'Augusto Pinochet, alors âgé de 86 ans, le déclarant inapte à affronter un procès pour "démence subcorticale légère irréversible". Le dossier de la Caravane de la mort était ainsi définitivement clôturé.

Ce précédent a été invoqué mardi par les trois juges de la quatrième salle de la Cour d'appel de Santiago pour refermer le deuxième dossier, celui de l'Opération Condor, dans lequel l'ex-dictateur avait perdu son immunité.

L'affaire fut instruite aussi par le juge Guzman, qui inculpait en décembre 2004 Augusto Pinochet de neuf enlèvements et disparitions et d'un homicide de victimes du réseau Condor, organisé de manière coordonnée dans les années 1970 et 1980 par les dictatures d'Amérique du Sud pour éliminer physiquement leurs opposants de gauche.

Malgré le diabète, l'arthrose, les problèmes cardiaques et autres affections du général Pinochet, le juge Guzman l'estimait en décembre "mentalement apte à être soumis à toutes les étapes d'un procès criminel au Chili".

La Cour d'appel, puis la Cour suprême rejetaient alors le recours des défenseurs de l'ex-dictateur contre son inculpation et son assignation à résidence. L'un des principaux avocats des familles des victimes, Eduardo Contreras, qualifiait ce rejet "d'historique". Jamais Pinochet n'avait semblé autant menacé d'être enfin jugé.

C'est cette perspective qui a été effacée mardi par la Cour d'appel, saisie cette fois sur l'aptitude de Pinochet à être jugé et non plus, comme en décembre, sur le bien-fondé de son inculpation.

La Cour d'appel s'est appuyée sur l'arrêt de la Cour suprême de juillet 2002 pour estimer à nouveau Augusto Pinochet inapte, pour raison de santé, à affronter un procès pénal. L'ex-dictateur "souffre d'affections neurologiques qui le rendent incapable de se défendre lors d'un procès... Dans ces conditions, poursuivre la procédure porterait préjudice à son droit à un juste procès légal" affirment de concert les trois juges de la quatrième salle.

Ils reprochent en outre au juge Guzman d'avoir contredit cette réalité qu'ils estiment établie. Il est peu probable que leur sentence soit cassée lors d'un éventuel recours devant la Cour suprême.

Peu auparavant, mardi aussi, une troisième levée de l'immunité d'Augusto Pinochet était octroyée par l'assemblée plénière de la même Cour d'appel dans le dossier dit de la Banque Riggs.

Le juge Sergio Muñoz peut ainsi aller de l'avant dans son enquête sur les accusations de fraude fiscale qui visent Augusto Pinochet, sa famille et des militaires. Ils auraient caché au fisc chilien 13 millions de dollars déposés sur plus de 120 comptes dans différentes banques américaines, dont la banque Riggs.

Commentaire désabusé de l'avocat Eduardo Contreras: "Il semble qu'aux yeux des juges, Pinochet n'ait pas le droit d'être un voleur, mais peu leur importe qu'il soit un assassin. C'est comme si des millions de dollars valaient beaucoup plus que le sang des Chiliens victimes de l'opération Condor".

La plupart des médias estiment que le dossier dit de la Banque Riggs aurait terni l'image d'honnêteté à laquelle croyaient encore les partisans de Pinochet. Selon un porte-parole du gouvernement, la nouvelle levée d'immunité prouverait qu'aucun citoyen chilien ne peut se soustraire à la justice. Mais le dossier Riggs confirmera-t-il que la justice chilienne, peut-être relativement égalitaire au moment d'inculper, est plus sinueuse lorsqu'il s'agit de juger?

Le Rapport Rettig de 1991 estime que pendant les 17 années (1973-1990) de la dictature du général Pinochet, 3.197 victimes de violences du régime sont mortes ou ont disparu. Le Rapport Valech diffusé en novembre 2004 à Santiago relève, lui, 35.000 cas de torture, dont 28.000 considérés comme avérés. Il en déduit que, sous la dictature, la torture fut une politique systématique des forces armées chiliennes.

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