Le 4 février 2008, près de 5 millions de Colombiens et quelque
100.000 personnes dans le reste du monde avaient manifesté pour dire
"
Non aux FARC" (Forces
armées révolutionnaires de Colombie),
s'insurgeant contre la violence de cette guérilla marxiste qui jouit
de la sympathie de Hugo Chavez. Internet assura et coordonna cette mobilisation
spectaculaire.
Avec le site
NoMasChavez.org
et ses extensions sur Facebook, Twitter et You
Tube, c'est également par Internet que quatre jeunes particuliers
colombiens, convaincus de surpasser le succès du "Non aux FARC", convoquèrent
la "Marche mondiale" du 4 septembre dernier sous le slogan "No mas Chavez"
(Assez de Chavez).
Mais ils le firent douze jours seulement avant l'événement
et sans appui institutionnel ni des grands médias. Le "Non aux FARC",
lui, bénéficia de plusieurs semaines de promotion de la part
des pouvoirs publics et des principaux médias colombiens, ainsi que
d'une forte sensibilité internationale découlant du fait qu'à
l'époque Ingrid Betancourt était encore otage des FARC.
Le lancement de la "Marche mondiale" contre Chavez fut décidé
le 23 août. Ce jour-là, à la télévision
vénézuélienne, qualifiant à nouveau de "traître"
le président colombien Alvaro Uribe, Hugo Chavez s'était écrié: "Peuple colombien, ne tombe pas dans le piège, joins-toi à nous pour faire la grande patrie de Bolivar, la Grande Colombie!"
Le nouvel accord militaire américano-colombien, qui permet aux Etats-Unis
d'utiliser sept bases colombiennes contre le narcotrafic et la guérilla,
alimente la fureur du maître de Caracas. "Ces sept bases sont
une déclaration de guerre contre la révolution bolivarienne
et c'est ainsi que nous l'assumons" avertissait-il.
Si un million de manifestants contre les FARC avaient submergé en
février 2008 la capitale colombienne, Bogota, ils n'y étaient
le 4 septembre que quelque 10.000 pour conspuer le président vénézuélien et son entêtement à exporter sa révolution. Dans d'autres villes colombiennes - Medellin, Cali, Bucaramanga, Cucuta, Cartagena, Barranquilla,
etc.- le millier de marcheurs était rarement surpassé.
Dans le reste du monde, on comptait deux mille manifestants à Miami
et quelques centaines, voire quelques dizaines seulement à Caracas,
New York, Madrid, Barcelone, Buenos Aires, Santiago du Chili, Panama, Managua,
Quito, La Paz, Paris ou Berlin.
Seule Tegucigalpa, capitale du Honduras, se mobilisa autant que Bogota, avec
une foule haranguée par le président hondurien en fonction,
Roberto Micheletti, successeur du président Manuel Zelaya, l'allié
de Hugo Chavez renversé le 28 juin dernier par un coup d'Etat. Chavez
a cru "qu'avec un peu de carburant, non le sien mais celui du peuple vénézuélien,
il pouvait acheter des consciences dans notre pays. Il s'est trompé.
Nous n'avons pas de pétrole, mais de la dignité" a déclaré
Roberto Micheletti, très applaudi.
En visite officielle à Téhéran, Hugo Chavez téléphona
au soir du 4 septembre à Caracas pour émettre en direct à
la télévision publique du Venezuela son
diagnostic sur la "Marche mondiale" qui le visait. "C'est un échec
et ils continueront à échouer", car "il s'agit de la lutte
entre le passé obscur, horrible et ténébreux dont nous
sortons et le nouveau jour qui se lève" estima Chavez. "Nous savons
que derrière cela se trouve la CIA, avec son grand pouvoir, beaucoup
d'argent et les ressources technologiques du capitalisme occidental" ajoutait
le président vénézuélien.
Malgré son échec numérique dans la rue, la "Marche mondiale"
offre plusieurs enseignements utiles:
- En moins de deux semaines un branle-bas de combat digital inédit, car dirigé
explicitement contre un chef d'Etat, a mis très visiblement un président sur la
défensive. Un précédent existe désormais. Il permet de spéculer
sur les conséquences potentielles de campagnes digitales plus longues
et très ciblées, par exemple pour soutenir la liberté
d'expression dans un pays déterminé.
- Des attributs de la démocratie telles que l'initiative et la liberté
individuelles, en l'occurrence de quatre jeunes particuliers colombiens,
semblent négligeables dans la vision politique de Hugo Chavez lorsqu'il
désigne la CIA comme organisatrice de la "Marche mondiale".
- Il existe une sensibilité internationale hostile aux ingérences
de Hugo Chavez dans les affaires intérieures d'autres pays et un effet
de répétition des protestations, si la "Marche mondiale" n'était
qu'un premier pas, pourrait accentuer cette sensibilité.
- L'impopularité de Hugo Chavez au Honduras est manifeste. Cela complique
le retour au pouvoir à Tegucigalpa de son allié Manuel Zelaya,
pourtant soutenu par la communauté internationale depuis le coup d'Etat
du 28 juin.