- "Je ne partage pas vos idées... vous portez une lourde responsabilité" - "Aucune lutte n'a de sens sans le respect de la dignité de l'être humain" Nicolas Sarkozy au chef des FARC : libérez Ingrid Betancourt avant Noël
ÉDITORIAL (suivi du texte intégral de deux messages du président français)
Paris, jeudi 6 décembre 2007 (LatinReporters.com) - Son message
télévisé appelant le 6 décembre le chef
présumé des FARC, Manuel Marulanda, à libérer Ingrid Betancourt et
son message radiophonique de soutien aux autres otages de cette guérilla
marxiste colombienne font du président français Nicolas Sarkozy
non seulement la principale source d'espoir des familles des séquestrés,
mais aussi la référence morale quant à la manière d'intervenir
dans ce drame humain.
Nicolas Sarkozy s'adresse à Manuel Marulanda, chef présumé de la guérilla marxiste colombienne des FARC (extraits, 1m 12sec)
Sauf peut-être en d'autres termes le président colombien Alvaro
Uribe, dont la qualité de juge et partie dans le conflit intérieur
et les soupçons intéressés sur ses anciens liens supposés
avec les paramilitaires minent la vertu apparente du discours, jamais un
chef d'Etat n'avait, comme Nicolas Sarkozy, dit publiquement aux FARC "Je condamne vos méthodes... aucune lutte n'a de sens sans le respect de la dignité de l'être humain".
La franchise et l'honnêteté morale de Nicolas Sarkozy, que toutes
les télévisions et radios du monde peuvent répercuter,
rendent dérisoires, voire indécents, de nombreux discours appelant
aussi à la libération d'otages des FARC, mais adressés
paradoxalement aux dirigeants de la Colombie, comme s'ils étaient
les ravisseurs. Cette longue supercherie, due à l'idéologie ou au romantisme
suranné que peuvent encore engendrer des terroristes (reconnus comme tels par l'Union
européenne) ancrés dans une extrême gauche exotique, a trop
longtemps conforté les FARC et prolongé d'autant le calvaire
de la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, séquestrée depuis
le 23 février 2002. La perception d'un soutien extérieur ou pour le moins d'une
bienveillante compréhension, notamment au Venezuela et parfois
en Europe, a incité la guérilla à la surenchère
d'avantages politiques qu'elle prétend arracher contre la libération
de ses principaux otages.
Le président Sarkozy, lui, s'adresse au chef présumé
des terroristes, Manuel Marulanda. Présumé, car cet homme âgé
en principe de 77 ans est médiatiquement invisible depuis 2002 et
sa mort est une hypothèse parmi d'autres. Nicolas Sarkozy le met devant
sa "lourde responsabilité". Puissent tous ceux qui réclament
la libération des otages des FARC concentrer désormais leurs
pressions dans cette direction. Cela n'équivaudrait pas nécessairement
à signer un chèque en blanc au président colombien Alvaro
Uribe. Il ne s'agit pas d'appuyer ou de combattre une idéologie, mais
de condamner les atrocités des FARC avec la même conviction
que l'ont été les cruautés de leurs adversaires paramilitaires
d'extrême droite.
"Maintenant la balle est dans le camp des FARC, il faut qu'ils répondent",
estime Fabrice Delloye, ex-époux d'Ingrid Betancourt et père
de ses deux enfants. "C'est une opportunité historique sans précédent
pour les FARC de montrer au monde entier qu'ils ont une face humanitaire"
ont déclaré pour leur part Yolanda Pulecio et Astrid Betancourt,
respectivement mère et soeur de l'otage, dans un communiqué
commun envoyé de Caracas.
Elles croient encore à l'efficacité des bons offices du président
vénézuélien Hugo Chavez, sur la même longueur
d'onde idéologique que les FARC. Mais même si Ingrid Betancourt
était amenée et libérée à Caracas par
la guérilla, la dignité trouverait-t-elle son compte dans les
suppliques et sourires au président Chavez? Entouré hier à
la télévision de son état-major militaire, il qualifiait
en direct de "victoire de merde" de l'opposition ("victoria de mierda") sa
première défaite électorale, au référendum
du 2 décembre sur sa réforme socialiste de la Constitution
du Venezuela.
Enfin, on notera que Nicolas Sarkozy s'engage non seulement à s'impliquer
"personnellement dans la recherche d'une solution humanitaire" pour la libération
de tous les séquestrés, mais aussi "à redoubler d'efforts,
si cela est souhaité, pour contribuer à trouver une issue au
conflit colombien". Le président français se propose donc comme
médiateur dans le dossier global d'une guerre intérieure qui
a fait plus de 200.000 morts et déplacé trois millions de Colombiens
depuis 1964. Même les Nations unies ont renoncé à relever
un tel défi.
Message télévisé du Président
de la République française à Manuel Marulanda, chef
des FARC (Mis en images par TF1, sous-titré en espagnol et
injecté le 6 décembre à 00h00 dans le réseau
mondial d'images Serpe, il est accessible aux chaînes qui veulent le
retransmettre - Texte intégral)
"Je veux m'adresser à Manuel Marulanda, le chef des FARC.
Les images des otages, les lettres à leur famille ont bouleversé
le monde. La vidéo d'Ingrid Betancourt, en particulier, la lettre
si profondément émouvante et désespérée
qu'elle a adressée à sa mère ne peuvent laisser personne
indifférent. La flamme est en train de s'éteindre dans cette
femme dont l'énergie, dont l'audace, dont le courage forcent l'admiration
de ceux qui la connaissent. Où est donc passé son sourire?
Cette femme est à bout de résistance.
Monsieur Marulanda, vous le savez, je ne partage pas vos idées et
je condamne vos méthodes, notamment les enlèvements qui plongent
tant de familles dans le malheur. Aucune lutte n'a de sens sans le respect
de la dignité de l'être humain, qui est la seule fin possible
de toute action politique.
Monsieur Marulanda je vous demande solennellement de relâcher Ingrid
Betancourt et de ne pas porter sur votre conscience le risque que ferait
peser sa disparition. C'est aujourd'hui une femme à bout de force.
Je m'engage de mon côté à continuer à m'impliquer
personnellement dans la recherche d'une solution humanitaire, pour la libération
de tous les autres séquestrés. Au-delà, je m'engage
à redoubler d'efforts, si cela est souhaité, pour contribuer
à trouver une issue au conflit colombien.
Mais pour l'heure, Monsieur Marulanda, il faut sauver une femme en danger
de mort.
Je forme un rêve : celui de voir Ingrid au milieu des siens pour Noël.
Monsieur Manuel Marulanda, vous pouvez réaliser ce rêve, vous
pouvez sauver cette femme, vous pouvez montrer au monde que les FARC comprennent
les impératifs humanitaires. Monsieur Marulanda, vous portez une lourde
responsabilité.
Je vous demande de l'assumer."
Message radiodiffusé du Président de la République
française pour les otages des FARC en Colombie (Diffusé notamment par Radio France Internationale,
RFI, qu'Ingrid Betancourt a dit pouvoir capter dans sa captivité - Texte intégral)
"Bonjour,
Je suis Nicolas Sarkozy, le Président de la République française.
Je m'adresse à vous qui êtes retenus en otages, je m'adresse
à vous en mon nom personnel, mais surtout au nom des 62 millions de
Français et, je crois pouvoir le dire, au nom de toutes les femmes
et de tous les hommes de bonne volonté qui, partout dans le monde,
à l'unisson, réclament votre liberté.
Avec eux, je refuse l'idée de vous laisser en perdition. Je me suis
engagé pour vous. Je me suis engagé à vous arracher
à un destin inhumain. Ceux qui vous détiennent font une erreur
tragique. Ils s'égarent. Ils s'isolent. La communauté internationale
est unanime à condamner leurs méthodes. Il est temps pour eux
de le comprendre et de faire preuve d'initiative.
Les documents qui viennent d'être publiés nous ont bouleversés.
Ils montrent le visage de la souffrance. Ils révèlent l'âme
du désespoir.
C'est pourquoi, je veux m'adresser à vous tous pour vous apporter
le message de solidarité de la France. Solidarité avec la Colombie,
qui vit une tragédie quotidienne dont plus personne ne perçoit
le sens; solidarité avec vous, retenus injustement, cruellement, en
otages ; solidarité avec vos familles, avec vos amis, qui mesurent
le temps perdu sur le calendrier des souvenirs.
A tous, je veux le dire: la France ne vous oubliera pas. Elle ne vous oubliera
jamais. En ce moment même la France recherche de nouveaux moyens pour
vous rendre à la liberté, pour vous rendre aux vôtres
et à la vie. L'urgence d'une solution est devenue encore plus évidente
aux yeux de tous. J'aurai, avec la discrétion qui s'impose, tous les
contacts nécessaires pour atteindre le seul objectif qui m'intéresse: votre liberté.
J'ai déjà eu de nombreux échanges personnels avec des
dirigeants qui, à un titre ou à un autre, peuvent nous aider
à avancer: en premier lieu, le Président Alvaro Uribe, avec
lequel j'entretiens un dialogue suivi; le Président Chavez, que j'ai
reçu à Paris; le Président des Etats Unis, dont trois
compatriotes figurent parmi vous. Je poursuivrai sans relâche cette
action en m'assignant une obligation de résultat.
Pour terminer ce court message d'amitié, de solidarité et
d'espoir, je veux m'adresser plus particulièrement à Ingrid
Betancourt, ma compatriote. Je veux vous dire, chère Ingrid, mon admiration
pour votre dignité, pour votre courage dans une situation où
des êtres plus faibles auraient perdu jusqu'à leur humanité;
je veux vous dire l'affection des vôtres, avec lesquels j'entretiens
une relation confiante et régulière; je veux vous apporter
le témoignage du refus de la France d'accepter l'inacceptable. Ingrid,
nous ne vous laisserons jamais tomber. Je vous supplie d'avoir confiance.
Nous y arriverons. Il faut que vous teniez parce que votre famille vous attend."