|
AI estime que la loi « Justice et paix » profitera aux responsables d’atteintes aux droits humains
Colombie: Amnesty contre l'impunité de guérilleros et paramilitaires
|
Démobilisation des paramilitaires du bloc Heroes de Granada (1er août 2005) Photo Prensa Alto Comisionado para la Paz |
|
Colonne de guérilleros des FARC Photo FARC-EP |
MADRID, mercredi 14 septembre 2005 (LatinReporters.com) -
Plus de 9.000 paramilitaires, soit la moitié des effectifs des Autodéfenses
unies de Colombie (AUC, extrême droite) ont déposé les
armes en 2004 et 2005. Ils bénéficieront d'une réinsertion
régie par la loi "Justice et paix" promulguée en juillet par
le président Alvaro Uribe. Dans un communiqué envoyé
au siège madrilène de LatinReporters, Amnesty International
(AI) critique l'impunité qu'offrirait cette loi aux responsables d'atteintes
aux droits humains, qu'il s'agisse de paramilitaires ou de leurs adversaires
des guérillas d'extrême gauche.
Pour tenter de pacifier la Colombie, ensanglantée par son conflit
intérieur depuis 1964, le président Uribe prétend appliquer
la loi "Justice et paix" à tous les combattants illégaux. A
la surprise de la majorité des observateurs, les premiers bénéficiaires
de cette loi seront 38 membres emprisonnés de la guérilla marxiste des FARC. Ce
mouvement détient en otage depuis le 23 février 2002 la Franco-Colombienne
Ingrid Betancourt.
Texte du communiqué d'Amnesty international:
Le manque de transparence dans l’application du texte de loi « Justice
et paix » ne fera qu’aggraver l’impunité en Colombie : selon
certaines informations, 38 membres du groupe de guérilla Fuerzas Armadas
Revolucionarias de Columbia (FARC, Forces armées révolutionnaires
de Colombie) seront les premiers bénéficiaires de ce nouveau
texte de loi.
Le texte de loi « Justice et paix » accorde des avantages procéduraux,
comme d’importantes réductions de peines de prison, aux membres de
groupes armés illégaux impliqués dans des atteintes aux
droits humains et qui ont accepté d’être démobilisés.
Ce texte de loi ne donne aux enquêteurs chargés de l’information
judiciaire que 36 heures pour inculper des suspects, et 60 jours pour enquêter
sur une affaire, même en cas de crimes de guerre ou de crimes contre
l’humanité.
Ces limitations dans le temps imposées par le texte de loi risquent
de conduire à l’abandon des enquêtes, même si les combattants
concernés sont impliqués dans des atteintes aux droits humains.
Cela reviendrait à accorder des amnisties de fait à de nombreux
guérilleros ou paramilitaires démobilisés.
Les noms des 38 personnes concernées n’ont pas été
révélés. Ce manque de transparence implique que leurs
identités ne sont pas pleinement vérifiables, et que leur rôle
éventuel dans des atteintes aux droits humains ne sera pas ouvert
à une enquête publique.
Dans l’intérêt de la transparence, et pour faire en sorte que
les victimes des atteintes aux droits humains et leurs familles reçoivent
vérité et justice, la liste des membres de la guérilla
qui bénéficient du texte de loi doit être rendue publique.
Les autorités colombiennes doivent également confirmer au public
que les auteurs d’atteintes aux droits humains ne figurent pas parmi les bénéficiaires
de ce texte de loi.
En outre, l’application des dispositions à plusieurs prisonniers
des FARC ne garantira pas la démobilisation des FARC dans leur ensemble,
ni leur adhésion au droit international humanitaire.
L’application des textes de loi « Justice et paix » à
ces 38 membres des guérillas ne garantira pas non plus des enquêtes
approfondies et impartiales sur les unités auxquels ils appartenaient,
sur la responsabilité de ces unités dans les atteintes aux droits
humains, et l’identification éventuelle des autres responsables d’atteintes
aux droits humains faisant l’objet d’une enquête.
Amnesty International, la Commission interaméricaine des droits de
l’homme de l’Organisation des États américains, le Haut-commissariat
des Nations unies aux droits de l’homme ainsi que d’autres groupes internationaux
et colombiens de défense des droits humains expriment leur inquiétude
de voir ce texte de loi violer le droit des victimes d’atteintes aux droits
humains : le droit à la vérité, à la justice et
à des réparations. Amnesty International demande au gouvernement
colombien d’abroger le texte de loi « Justice et paix ».
Contexte
Le texte de loi « Justice et paix » a été approuvé
par le congrès colombien le 21 juin et ratifié par le gouvernement
en juillet. Il s’agissait officiellement de faciliter l’actuelle « démobilisation
» des paramilitaires soutenus par l’armée, mais ce texte est
aussi conçu, en théorie, pour s’appliquer aux membres de la
guérilla désireux d’être démobilisés.
Toutes les parties du conflit armé interne de Colombie (forces de
sécurité, paramilitaires et guérillas) violent systématiquement
les droits humains et le droit international humanitaire ; cependant, ces
dernières années, les paramilitaires se sont rendus responsables
de la plupart des homicides de civils, des « disparitions » et
des actes de torture ; la guérilla, elle, s’est rendue responsable
de la plupart des enlèvements à caractère politique.
[Fin du communiqué d'Amnesty International]
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS
Colombie - L'adieu aux armes des paramilitaires servira-t-il la paix?
Dossier Colombie
Dossier Ingrid Betancourt
Tous les titres
|
|