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Ingrid Betancourt séquestrée depuis 4 ans: pas d'idolâtrie en Colombie
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Vidéo des FARC du 15 mai 2002: Ingrid Betancourt (à droite) et Clara Rojas, séquestrées ensemble le 23 février 2002. Photo LatinReporters.com |
BOGOTA, mardi 21 février 2006 (LatinReporters.com)
- La Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, ex-candidate à la présidence
de la Colombie, entamera le 23 février, à 44 ans, sa 5e année
aux mains de la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires
de Colombie), qui refusent de négocier avec le président Alvaro
Uribe un échange d'otages contre des guérilleros emprisonnés.
Le sort d'Ingrid Betancourt mobilise plus les Français que les Colombiens.
Les entorses aux règles diplomatiques et à la souveraineté
colombienne plusieurs fois commises par le gouvernement français pour
tenter d'obtenir la libération
d'Ingrid Betancourt
en contactant directement les FARC sans en aviser Bogota ont créé en
Colombie
une image négative de
la France dont pâtit aussi celle d'Ingrid. De nombreux Colombiens sont
excédés par l'attention quasi exclusive de Paris à l'égard
d'une seule otage, alors que quelque trois mille Colombiens -hommes, femmes
et enfants- sont séquestrés par des groupes armés illégaux.
D'une cruauté égalée seulement par leurs adversaires paramilitaires d'extrême droite, utilisant leurs prisonniers comme des boucliers humains ("si vous tentez de les libérer, ils seront tués"), les rebelles n'envisagent la libération éventuelle des séquestrés qu'en échange d'avantages politiques, tactiques ou financiers.
A la une, au-dessus d'une grande photo d'Ingrid Betancourt, l'influent quotidien
colombien "El Tiempo" titre mardi "AUMENTA LA INGRIDMANÍA EN FRANCIA"
(L'Ingrid-maniaquerie augmente en France). L'article, en pages intérieures,
est signé de Paris par María Camila Morales. LatinReporters l'a traduit (ci-dessous), car il reflète avec modération ce que peuvent ressentir de nombreux Colombiens. Il eut
été facile de trouver des opinions plus tranchées, voire franchement
agressives.
El Tiempo - (Article publié le 21 février 2006):
La France se souvient d'Ingrid Betancourt en lui rendant hommage
au terme de la quatrième année de sa séquestration
Le 23 février, en France, pourrait finir par s'intégrer dans
le calendrier des commémorations nationales.
L'opinion de LatinReporters
Comme Mauricio Garcia Villegas, professeur de droit à l'Université
nationale de Colombie, et comme l'avocat Rafael Nieto Loaiza, ancien vice-ministre
de la Justice du président Uribe, LatinReporters croit que les familles
des personnes séquestrées et les défenseurs des droits
de l'homme accentueraient l'efficacité de leurs manifestations publiques
et de leurs exigences en visant en priorité les preneurs d'otages,
soit, dans le cas d'Ingrid Betancourt, la guérilla des FARC.
Il est paradoxal et attristant que les familles des otages semblent elles-mêmes
séquestrées, du moins psychologiquement, en exerçant,
comme le demande la guérilla, des pressions continues et critiques
sur un gouvernement élu démocratiquement pour l'inciter à
céder devant des mouvements rebelles considérés comme terroristes par
les 25 pays de l'Union européenne.
Le président colombien et pro-américain Alvaro Uribe a été
élu à la majorité absolue et il a autant de légitimité
que, par exemple, le président vénézuélien et
pro-cubain Hugo Chavez, élu lui aussi au suffrage universel. Ni même
la France ne peut l'ignorer.
Il faut néanmoins saluer l'idéalisme et les efforts de la majorité de ceux -Français,
Canadiens, Belges, etc.- qui se sont mobilisés hors de Colombie dans la conviction qu'ils
pourraient peut-être contribuer à la libération d'Ingrid Betancourt et
d'autres otages.
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Ce jour-là s'accompliront 4 ans de séquestration de la Franco-Colombienne
et ses compatriotes français ont organisé plus de 30 événements
dans tout le pays.
Les partisans de celle qu'on appelle la "Jeanne d'Arc des Andes" se réuniront
à partir de la frontière belge en passant par Lyon, Montpellier
et Bordeaux pour demander sa libération et exiger un accord humanitaire
pour tous les séquestrés.
A Rouen, un concert réunira des chanteurs renommés tels que
Renaud, Yannick Noah et Carla Bruni. A Paris, quatre équipes de football
comprenant des stars comme Dominique Rocheteau et d'ex-joueurs du Paris
Saint-Germain disputeront un tournoi au stade Pierre de Coubertin.
Sport et musique s'uniront à la campagne initiée le 20 février
par les humoristes les plus réputés de France, qui invitent
à "rire contre les larmes", car "quatre ans, c'est trop".
C'est que personne n'a dit aux Français que beaucoup d'autres sont
depuis plus de 7 ans dans la forêt. Aussi l'histoire de la Franco-Colombienne
Aïda Duvaltier, enlevée en 2001 par l'EPL [Armée
populaire de libération, maoïste] et dont les restes furent
découverts la semaine dernière, n'a-t-elle provoqué
aucune réaction massive de ses compatriotes. Et la mort du major
Julian Guevara aux mains des FARC [séquestré depuis 1998, il est décédé
le 28 janvier dernier] n'a même pas été commentée en France.
La séquestration en 2002 de l'ex-candidate à la présidence
à réussi, en fait, à restaurer dans ce pays [la France]
la vision romantique des guérillas sud-américaines, idéalisées
depuis l'époque du Che Guevara.
Image médiatique
Aujourd'hui, la Colombie est aux yeux de nombreux Français un sanctuaire
de corrompus, de narcotrafiquants et de mafias, grâce à "La
rage au coeur", le livre de Betancourt dont la vente surpasse 300.000 exemplaires,
qui explique la réalité nationale [colombienne] dans la perspective
de quelqu'un qui se voit elle-même comme la justicière solitaire
luttant contre la corruption.
Une image qu'a consolidée sa famille lors d'interviews et de reportages,
dans une campagne qui l'a convertie en citoyenne d'honneur de 1551 municipalités
françaises et en idole d'artistes assoiffés d'une cause qui
restaure leur foi humaniste.
Renaud, dont la chanson "Dans la jungle" s'écoute sur les stations
de radio du pays, exprime dans ses paroles la vision simpliste qu'on a de
la Colombie sous ces latitudes. Il traite de "fascistes" tant le président
Alvaro Uribe que les FARC et il affirme qu'Ingrid est la seule qui combatte
un double ennemi.
Pareille version de l'histoire de la Colombie a été corrigée
pour la première fois par un Français, Jacques Thomet, ex-chef
de l'AFP [Agence France Presse] à Bogota, dans son livre "Ingrid Betancourt: histoire de coeur ou raison d'Etat?", comprenant des affirmations
qui ne sont pas passées inaperçues sur les liens de la famille
d'Ingrid avec de hauts fonctionnaires français.
Les enfants de la côtière Boulogne-Sur-Mer, qui formeront
ce jeudi sur la plage le mot "Ingrid" avec des chemisettes blanches, ne
sauront rien de cette polémique. Pour eux et pour la majorité
des Français, elle continuera à être l'héroïne
moderne qu'on ne peut démystifier. Ce qui permet de présumer
qu'au moins jusqu'à sa libération le fléau de la séquestration
en Colombie ne sera pas oublié des Français.
María Camila Morales - Paris
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