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Colombie-Betancourt: la guérilla des FARC durcit ses exigences
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Membres de l'état-major des FARC. Au centre, le nº2, Raul Reyes. Le leader historique, Manuel Marulanda, n'a plus fait d'apparition publique depuis plus de deux ans - Photo FARC-EP |
BOGOTA, lundi 28 février 2005 (LatinReporters.com) - La libération
de "la totalité des guérilleros" emprisonnés est à nouveau réclamée
par la guérilla colombienne marxiste des FARC dans sa proposition
d'échange humanitaire dont bénéficierait notamment la
Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, séquestrée par les FARC
depuis le 23 février 2002. Mais la guérilla durcit en fait
ses exigences en prétendant que l'échange bénéficie
à trois de ses chefs capturés récemment, dont l'un a
été extradé vers les Etats-Unis.
"Les familles [des séquestrés] savent que, sans le retour de
Simon en Colombie, les possibilités de concrétisation d'un
accord d'échange [humanitaire] sont éloignées, à
cause d'Alvaro Uribe [le président colombien] et de son équipe
de gouvernement" écrit le secrétariat de l'état-major
central des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie)
dans un
communiqué diffusé dans la nuit de dimanche à lundi, quoique
daté du 25 février.
Simon Trinidad, de son vrai nom Juvenal Ricardo Palmera, a été
extradé le 31 décembre dernier vers les Etats-Unis par les
autorités de Bogota. Haute personnalité des FARC, au nom desquelles
il négocia dans le passé avec les autorités colombiennes,
"Simon" est accusé par la justice américaine de trafic de stupéfiants
et d'enlèvement de citoyens américains.
Réclamer la libération de Simon Trinidad, incarcéré
donc aux Etats-Unis, équivaut à prétendre que Washington
devienne partie obligée de la négociation d'un échange
humanitaire. Cela frise l'impossible, d'autant plus que l'administration
du président George W. Bush se refuse plus nettement que la France
à toute négociation avec des organisations dites "terroristes".
Les FARC sont officiellement considérées comme telles par la
Colombie, par les Etats-Unis et par les 25 pays de l'Union européenne.
Outre celle de "Simon", les FARC réclament aussi la libération
de "Ricardo Gonzalez et Sonia".
Considéré par la presse colombienne comme "le ministre des
Affaires étrangères des FARC", Ricardo Gonzalez, dont le nom
véritable est Rodrigo Granda, fut enlevé le 13 décembre
dernier à Caracas, capitale du Venezuela, par des chasseurs de primes
qui le livrèrent à la Colombie où il est actuellement
emprisonné. Selon le quotidien colombien "El Tiempo", il était
l'intermédiaire direct par lequel le gouvernement français
aurait tenté d'obtenir la libération d'Ingrid Betancourt. Paris
ne l'a pas démenti.
Quant à "Sonia", capturée également en 2004, il s'agit
d'Omaira Rojas Cabrera, dont le président Uribe a approuvé
vendredi dernier la prochaine extradition vers les Etats-Unis. Connue sous
le nom de guerre de "Commandante Sonia", elle est accusée de figurer
parmi les principaux responsables des finances et des opérations de
narcotrafic des FARC. La justice américaine l'a inculpée de trafic de drogue.
Le commandant des FARC Raul Reyes (nº2 théorique de cette guérilla
et nº1 de fait en l'absence de toute preuve de vie, depuis plus de deux
ans, du chef historique Manuel Marulanda) déclarait hier dans une
interview à
l'agence ANNCOL: "Nous maintenons notre pleine disposition à l'égard
d'un échange humanitaire. Il consiste en l'offre des FARC à
libérer un groupe d'échangeables en notre pouvoir, à
commencer par Ingrid Betancourt, les trois agents de la CIA, les congressistes
[élus du parlement national], les douze députés [du
département] de Valle et les commandants de l'armée et de la
police qui sont captifs depuis de nombreuses années sans que le gouvernement
se préoccupe d'eux".
La presse et le gouvernement colombien estiment que le nombre total de ces
otages de la guérilla dits "politiques" est de 63. Les FARC, elles,
évaluent à 500 le nombre de leurs guérilleros emprisonnés qui
devraient être libérés dans le cadre d'un échange humanitaire.
Le communiqué des FARC réitère une autre exigence des
rebelles: la démilitarisation préalable des municipalités
de Florida et de Pradera (800 km2) pour y négocier l'échange humanitaire.
Le président Uribe a déjà rejeté plusieurs fois une telle condition,
précisant que des émissaires du gouvernement pourraient rencontrer
des représentants de la guérilla dans l'une quelconque des
églises du pays si les rebelles libéraient auparavant un certain
nombre d'otages comme preuve de leur bonne foi.
En conclusion, l'éventualité d'un échange humanitaire
semble plus éloignée que jamais. Les FARC l'assument implicitement
en misant plus sur l'avenir que sur le présent. Dans son communiqué,
la guérilla exige en effet que "les futurs dialogues du nouveau gouvernement
[sans doute celui qui surgira des élections de 2006] avec les FARC
pour la recherche de la paix définitive et durable soient précédés
de la reconnaissance de notre condition d'organisation politique révolutionnaire
armée du peuple...". Les FARC n'aiment donc pas qu'on les appelle
"terroristes".
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