Dauphine du président Arias favorite de l'élection présidentielle
Costa Rica: la centriste Laura Chinchilla, 1ère femme présidente?
SAN JOSÉ, vendredi 5 février 2010 (LatinReporters.com)
- Laura Chinchilla, 50 ans, jusqu'il y a peu vice-présidente et ministre
de la Justice du Costa Rica, pourrait devenir ce dimanche 7 février
la première femme élue à la présidence de ce
pays de 4,5 millions d'habitants, le plus stable et, avec le Panama, le plus
riche (ou le moins pauvre) d'Amérique centrale. L'élection
de cette dauphine du président sortant Oscar Arias signifierait le
maintien d'un centrisme libre-échangiste prisé à Washington.
La présidentielle costaricaine, ainsi que l'élection simultanée des 57 députés de l'Assemblée législative (Parlement monocaméral) et
des édiles municipaux ne modifieraient donc pas la complexe équation
idéologique latino-américaine.
En suivant l'agenda électoral 2010 de l'Amérique latine, il faudra attendre l'élection présidentielle en Colombie (30
mai) et au Brésil (3 octobre), ainsi que les législatives au
Venezuela (26 septembre) pour enregistrer peut-être, vers la gauche
ou vers la droite, des secousses d'une magnitude éventuellement comparable
à celle qui marqua, le 17 janvier dernier, le retour démocratique
et historique de la
droite à la tête d'un pays aussi symbolique que le Chili.
La Constitution du Costa Rica autorise la réélection présidentielle,
mais après un intervalle d'au moins huit ans, soit deux législatures.
Le président sortant Oscar Arias, prix Nobel de la Paix 1987 et déjà
chef de l'Etat de 1986 à 1990, ne peut donc pas briguer sa propre
succession. Sa protégée Laura Chinchilla devrait néanmoins
maintenir le cap au centre, voire sur un libéralisme moins centriste, car
la privatisation d'entreprises publiques n'est plus depuis longtemps un péché
aux yeux d'Oscar Arias et de son Parti de libération nationale. Ce
PLN, toujours membre de l'Internationale socialiste, se définit encore
comme "social-démocrate". Des analystes le situent plutôt au
centre-droit.
Costa Rica et crise du Honduras
La crise du Honduras consécutive au coup d'Etat du 28 juin 2009 a
permis au président du Costa Rica de confirmer son talent d'équilibriste
idéologique. Oscar Arias a condamné le putsch, mais
l'Accord
Tegucigalpa / San José inspiré de son apparemment infructueuse
médiation fut l'outil facilitant l'élection à
la présidence du Honduras du conservateur Porfirio Lobo et, dans la
foulée, la victoire du camp pro-américain face à la
gauche radicale régionale menée par le Venezuela, qui soutenait
le président hondurien déchu Manuel Zelaya.
Ni Hugo Chavez ni son allié Daniel Ortega, président sandiniste
du Nicaragua voisin du Costa Rica, n'apprécieraient donc le triomphe
de la dauphine d'Oscar Arias à la présidentielle costaricaine.
Un dernier sondage de l'Institut Unimer, diffusé le 3 février,
présente toutefois ce triomphe comme probable en attribuant à
Laura Chinchilla 41,9% des intentions de vote. Un score décisif, car
la Constitution octroie la victoire dès le premier tour de la présidentielle
à celui ou celle qui, tout en surpassant ses adversaires, franchit la barre des 40% des suffrages,
sans besoin d'une majorité absolue.
Parmi les neuf candidats à la présidence du Costa Rica, seuls
deux autres, déjà dans la course présidentielle en 2002
et 2006, peuvent conserver l'espoir d'affronter Laura Chinchilla lors d'un
éventuel second tour : Otto Guevara, du Mouvement Libertaire (ML,
droite; 22,9% des intentions de vote) et Otton Solis, du Parti d'action citoyenne
(PAC, dissidence de centre-gauche du PLN; 19,9%).
En 2006, Otton Solis obtint 39,8% des voix, empêchant presque l'élection
au premier tour d'Oscar Arias, auquel il reproche l'abandon de postulats
de l'Etat-providence, la promotion de privatisations et l'adhésion
au Traité de libre commerce (TLC) avec les Etats-Unis.
Ce traité, connu aussi sous le nom de CAFTA (Central American Free
Trade Agreement), régit le libre-échange entre, d'une part,
les Etats-Unis et, d'autre part, la République dominicaine et 5 pays
d'Amérique centrale (Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras et
Nicaragua). Conclu en 2004, sa ratification fut bloquée au Costa Rica
jusqu'en octobre 2008, lorsque le premier référendum de l'histoire
du pays imposa le traité par 51,58% de oui.
Glissement à droite ?
L'analyste latino-américain Isaac Bigio note que, selon les sondages,
Otton Solis semblerait avoir perdu la moitié de son électorat
de 2006, tandis que son concurrent de droite, Otto Guevara, doublerait le
sien en réclamant une économie ouverte et dollarisée
et en affichant une ligne dure à l'égard de Cuba et d'autres
pays de l'ALBA. (Organisation politico-économique de la gauche régionale
radicale, cette Alliance bolivarienne pour les Amériques réunit
le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, l'Equateur, la Dominique, Antigua-et-Barbuda,
et Saint-Vincent-et-les Grenadines. Le Honduras en est sorti après
la défenestration du président Manuel Zelaya.).
Isaac Bigio voit dans la montée en popularité d'Otto Guevara
la confirmation du glissement à droite de l'électorat costaricain
déjà reflété par l'évolution du PLN gouvernemental.
Au pouvoir pendant 33 des 57 dernières années dans un pays où l'armée
est supprimée depuis 1948, le PLN a nationalisé des secteurs économiques
stratégiques et instauré un bien-être social enviable en Amérique latine
avant de promouvoir le libéralisme libre-échangiste, les privatisations et les relations
privilégiées avec Washington. Ce virage a coupé l'herbe sous le pied aux
sociaux-chrétiens, adversaires historiques du PLN, engloutis en outre
par des scandales de corruption.
Si Laura Chinchilla était élue présidente, Isaac Bigio croit qu'elle accentuerait
les liens commerciaux avec les Etats-Unis. Elle chercherait aussi à
aider le Honduras post-putschiste à sortir de son isolement international
et elle appliquerait une politique sociale plus conservatrice. Elle est ouvertement hostile
à l'avortement et à une légalisation de l'union entre homosexuels.
A noter enfin que le Costa Rica, le Salvador, le Guatemala, le Honduras,
le Nicaragua et le Panama rouvrent actuellement avec Bruxelles les négociations
qui pourraient aboutir à la signature de l'Accord d'association entre
l'Union européenne (UE) et l'Amérique centrale, en mai à
Madrid, sous l'actuelle présidence espagnole de l'UE.
Clip de campagne diversement apprécié d'0tto Guevara, candidat
du Mouvement libertaire (droite) à la présidence du Costa Rica.
Avant qu'apparaisse le candidat pour dénoncer l'insécurité
qu'il promet de réprimer durement, on voit un jeune Costaricain marcher
dans la rue en caleçon. Il explique à ceux qui s'en inquiètent
que c'est la seule façon de dissuader les délinquants de le
dévaliser.
Dernière heure LAURA CHINCHILLA ÉLUE PRÉSIDENTE DU COSTA RICA
SAN JOSÉ, lundi 8 février 2010 (LatinReporters) - Laura Chinchilla,
dauphine du président sortant Oscar Arias, a remporté dès
le premier tour l'élection présidentielle du 7 février
au Costa Rica. Jusqu'il y a peu vice-présidente et ministre de la
Justice, cette politologue de 50 ans est la première femme élue
présidente du pays le plus stable politiquement et économiquement
d'Amérique centrale.
Laura Chinchilla sera investie le 8 mai pour un mandat de quatre ans. Elle
était la candidate de l'historique Parti de libération nationale
(PLN, gouvernemental). Officiellement social-démocrate et affilié à
l'Internationale socialiste, ce parti est généralement considéré
aujourd'hui comme relevant du centre-droit après son virage vers un
libéralisme économique que la nouvelle présidente devrait
maintenir.
Le dépouillement de 94,18% des bulletins de vote octroie à
Laura Chinchilla 46,76% des suffrages, score très supérieur
à celui de ses adversaires les plus proches, Otton Solis (centre-gauche;
25,17%) et Otto Guevara (droite; 20,83%). Ces derniers ont rapidement reconnu
leur défaite et félicité la gagnante.
La participation électorale a été de 69,17%. La Constitution costaricaine octroie
la victoire dès le premier tour de la présidentielle à celui ou celle qui,
tout en surpassant ses adversaires, franchit la barre de 40% des suffrages valables, sans besoin
d'une majorité absolue.
"Nous sommes en train de faire l'histoire ... Merci Costa Rica pour ta confiance!"
s'est écriée Laura Chinchilla devant des centaines de partisans
qui l'acclamaient dans un hôtel de San José, la capitale du
pays. Elle s'est engagée à "écouter la voix de ceux
qui n'étaient pas avec nous lors de cette élection" et à
"ne pas trahir la confiance" déposée en elle, "agissant avec
une absolue rectitude, le regard porté exclusivement sur le bien-être
de mon pays".
Appelant au dialogue ses anciens rivaux et divers secteurs de la
société, la nouvelle présidente élue a réitéré
ses principales promesses de campagne concernant l'amélioration tant des
services de santé que de l'éducation et de la sécurité. La
criminalité est considérée dans les sondages
comme l'une des grandes préoccupations des 4,5 millions de Costaricains.
"Sécurité, sécurité et sécurité"
a insisté Laura Chinchilla.