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Impact médiatique renforcé par l'expulsion de parlementaires et de journalistes européens
Paradoxe à Cuba: congrès de dissidents toléré, mais expulsion d'observateurs étrangers
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Dans un verger proche de La Havane, 160 dissidents ont animé le 1er Congrès pour la démocratie à Cuba - Photo APSC |
LA HAVANE, lundi 23 mai 2005 (LatinReporters.com) - Ignoré des médias
cubains, le premier congrès de dissidents jamais toléré
par le pouvoir castriste, vendredi et samedi à La Havane, a joui d'un
impact médiatique international renforcé par l'expulsion de
parlementaires et de journalistes européens qui voulaient y assister.
Ce mélange de tolérance et d'expulsions semble paradoxal.
Organisé par l'Assemblée pour la promotion de la société
civile à Cuba (APSC), créée en 2000 et qui regroupe
365 petits mouvements divers sous la houlette des dissidents Marta Beatriz
Roque, René Gomez Manzano et Félix Bonne Carcassés,
le 1er Congrès pour la démocratie était annoncé
depuis plusieurs mois. Le lieu de réunion, avec plan, figurait sur
Internet. La police de Fidel Castro pouvait donc facilement torpiller, comme
elle le fait d'ordinaire, une initiative hostile au régime.
Mais ce congrès de dissidents, tenu dans un verger, a donc été toléré. C'est sans doute cela l'événement essentiel, au-delà
des résolutions adoptées par les congressistes. Pourquoi cette
soudaine tolérance?
-Ouverture partielle du régime? Ce serait l'hypothèse
la plus optimiste. Elle semble démentie par le maintien en prison
de plus de 300 prisonniers politiques (chiffre généralement
avancé par la dissidence) et par l'expulsion, la semaine dernière,
d'au moins onze parlementaires et journalistes de divers pays européens.
Néanmoins, malgré les expulsions qu'il juge "inacceptables",
le secrétaire d'Etat espagnol aux Affaires étrangères,
Bernardino Leon, estime que la tenue effective du congrès "est un
fait sans précédent à Cuba et nous l'évaluons
comme un résultat de la politique européenne".
L'Espagne est à l'origine de la reprise du dialogue entre l'Union européenne
et Cuba. En janvier dernier, l'UE a "suspendu temporairement" des sanctions
diplomatiques prises après l'arrestation, au printemps 2003, de 75
dissidents cubains condamnés à des peines allant de 6 à
28 ans de prison.
-Tactique de Fidel Castro pour diviser davantage la dissidence? Compatible
avec l'expulsion d'observateurs étrangers, cette hypothèse
est appuyée par l'absence et les critiques de dissidents emblématiques
qui ont boudé le congrès.
Oswaldo Paya, Prix Sakharov des droits de l'homme du Parlement européen
et promoteur du Projet Varela de démocratisation de Cuba (avalisé
par la signature de 25.404 Cubains), juge les organisateurs du congrès
trop proches de la dissidence cubaine radicale exilée à Miami.
Dirigeant du Mouvement chrétien de libération et partisan d'une
démocratisation basée plus sur la réconciliation entre
Cubains que sur l'affrontement, Oswaldo Paya a qualifié le congrès
de "fraude" bénéficiant au régime castriste, intéressé
à donner une image négative de la dissidence.
Les dissidents sociaux-démocrates Eloy Guttierez Menoyo et Manuel
Cuesta Morua ont également refusé d'assister au congrès.
Comme Oswaldo Paya, ils ont critiqué sa principale organisatrice,
Marta Beatriz Roque. Economiste de 60 ans, parfois surnommée "la dame
de fer" de la dissidence, Marta Beatriz Roque fut l'unique femme parmi les
75 dissidents incarcérés en 2003. Condamnée à
20 ans de prison, elle est au nombre des 14 dissidents libérés
ces derniers mois pour raison de santé.
-Tolérance feinte pour identifier un plus grand nombre de dissidents
désormais menacés par la répression? Cette hypothèse
est la plus pessimiste. Elle pourrait s'appuyer sur le précédent
du "printemps noir" de 2003. La majorité des 75 dissidents alors emprisonnés
avaient signé un an plus tôt, sans représailles immédiates,
le Projet Varela d'Oswaldo Paya.
Les gouvernements allemand, italien, espagnol, tchèque, polonais et
français, ainsi que l'Union européenne ont protesté
contre l'expulsion par la police cubaine de deux eurodéputés
polonais, d'un sénateur tchèque, d'un député
allemand, de deux ex-sénatrices et d'un député espagnols,
ainsi que de trois journalistes polonais et d'un autre italien. Tous voulaient
assister au congrès de la dissidence.
Avant le mois de juillet, l'Union européenne doit réexaminer
sa politique à l'égard de Cuba. Les expulsions de la semaine
dernière risquent de déboucher sur un rétablissement
des sanctions diplomatiques. La position espagnole favorable à un
dialogue continu avec le régime castriste est désormais ouvertement
critiquée dans plusieurs capitales.
Appel à l'unité de la dissidence
Les 160 dissidents participant au 1er Congrès pour la démocratie
ont applaudi un discours de soutien du président George W. Bush. James
Cason, chef de la Section des intérêts américains à
La Havane (les Etats-Unis n'y ont pas d'ambassade proprement dite), avait
amené à la réunion l'ordinateur contenant le discours.
Le premier secrétaire de l'ambassade tchèque et un diplomate
hollandais représentant l'Union européenne étaient également
présents. On a entendu crier "Vive Bush!" et " A bas Fidel!"
Adoptée à l'unanimité, la longue résolution finale
du congrès plaide pour l'instauration à Cuba d'une démocratie
politique et économique. Elle déclare prioritaire la libération
immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques et
insiste sur "le caractère indissoluble" des liens avec les Cubains
exilés. La résolution traite le régime castriste de
"staliniste" et "totalitaire". Elle lance aussi un appel à "l'unité
de la dissidence interne".
Qu'il s'agisse du projet centriste de démocratisation défendu
par Oswaldo Paya ou du projet plus radical et plus proche des intérêts
américains soutenu vendredi et samedi par l'APSC de Marta Beatriz
Roque, toute réussite de la dissidence dépend peut-être
de sa capacité à se fédérer. Quoique les différences
idéologiques au sein de la dissidence puissent aussi être considérées
comme propres à une vision démocratique et non totalitaire
de la société.
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