Dans un communiqué émis lundi, la compagnie pétrolière
assure avoir adressé
"à des autorités de l'Equateur et
des Etats-Unis" la documentation et des vidéos, diffusées avec
leur retranscription sur le
site
Internet de Chevron, prouvant la collusion
entre le juge Juan Evangelista Nuñez Sanabria et l'entourage présidentiel.
Chevron identifie notamment
"Carlos Patricio Garcia Ortega, coordinateur politique
d'Alianza Pais" et
"Juan Pablo Novoa Velasco, avocat représentant
le gouvernement équatorien".
La compagnie américaine prétend que lors de quatre réunions
tenues en mai et juin derniers, dont deux à Quito au siège d'Alianza
Pais, le juge et les proches supposés du président Rafael Correa
ont été filmés à leur insu par un Equatorien,
Diego Borja, et un Américain, Wayne Hansen, qui se présentaient
comme des hommes d'affaires cherchant à conclure des contrats avec
le gouvernement.
Les vidéos ainsi réalisées permettraient, selon Chevron,
d'entendre le juge Nuñez affirmer qu'il rendra en octobre
ou novembre prochains sa sentence, déjà prédéterminée
malgré l'apport de nouvelles pièces au procès. Le magistrat
déclarerait Chevron coupable et la contraindrait à
verser au gouvernement équatorien une indemnisation de 27 milliards
de dollars [bien 27 milliards; ndlr]. Toujours selon Chevron, le juge, sur les vidéos, assurerait
à ses interlocuteurs qu'un recours probable de la société américaine
serait rapidement rejeté.
Chevron, qui absorba Texaco en 2001, est poursuivie pour d'importants dommages
à l'environnement dus aux extractions de pétrole de Texaco entre
1972 et 1995 dans l'Amazonie équatorienne. La population locale attribue
une augmentation des cas de cancer à cette pollution, dont Chevron-Texaco
rejette néanmoins la responsabilité sur la compagnie publique
équatorienne Petroecuador. Représentant en principe des milliers d'affectés,
les plaignants dans le procès contre Chevron sont regroupés dans un Front de Défense de l'Amazonie.
Pour réparer les dommages et notamment purifier l'eau de la région,
le gouvernement de Quito fera probablement appel à des entreprises
privées et c'est dans ce contexte que l'Equatorien Diego Borja et l'Américain
Wayne Hansen cherchaient apparemment à conclure des contrats avec
l'administration équatorienne.
Chevron souligne que les vidéos réalisées par ces deux
hommes prouveraient qu'en contrepartie d'éventuels contrats, à conclure après
la condamnation espérée de la multinationale pétrolière, les proches
du gouvernement équatorien réclament des pots-de-vin totalisant
trois millions de dollars,
"se distribuant comme suit: un million pour le juge
Nuñez, un million pour des représentants de la présidence
de la République et un million pour les plaignants".
Charles James, vice-président de Chevron, demande en conséquence
la récusation du juge Nuñez, l'annulation des décisions antérieures du
magistrat et l'ouverture d'une
"enquête exhaustive".
La porte-parole du Front de Défense de l'Amazonie, Karen Hinton,
souhaite également une enquête, mais pour déterminer
si les accusations de Chevron
"sont fondées ou si elles sont le produit
d'une campagne sale conçue et financée par la compagnie", d'autant
que l'Equatorien Diego Borja travailla autrefois pour Chevron, qui le reconnaît.
Le juge Nuñez a démenti toute implication dans la trame de
corruption. Au nom du gouvernement équatorien, le secrétaire
juridique de la Présidence de la République, Alexis Mera, estime
dans un communiqué que
"Chevron tente de dévier le cours du
procès" en utilisant des
"conversations interceptées de manière
délictueuse" dans la crainte d'une sentence défavorable.
D'autres dossiers gênent le président Correa
Le dossier Chevron rebondit au moment où le contrôleur général
de l'Etat, Carlos Polit, examine encore la légalité des contrats,
d'un montant global de plus de 80 millions de dollars, conclus avec des entreprises publiques
par Fabricio Correa, frère du président Rafael Correa. Cette
enquête a été ouverte suite à la révélation
par les médias des liens d'affaires privilégiés entre
Fabricio Correa et l'Etat.
Socialiste radical et allié de son homologue vénézuélien
Hugo Chavez, le président Rafael Correa est d'autre part régulièrement
prié par le principal parti d'opposition, la Société
Patriotique de l'ex-président Lucio Gutierrez, de laisser la justice
enquêter sur l'apport présumé de 400.000 dollars
de la guérilla marxiste colombienne des FARC (Forces armées
révolutionnaires de Colombie) à sa campagne présidentielle
de 2006.
Attribuant généralement, comme Hugo Chavez, les critiques
à une campagne de "l'impérialisme" ou de la "droite fasciste",
Rafael Correa a toujours nié ce financement que la Colombie voisine
affirme avoir découvert par des messages contenus dans des ordinateurs
saisis au nº2 des FARC, Raul Reyes. Ce chef rebelle fut abattu lors
d'un raid mené le 1er mars 2008 par l'armée colombienne contre
un camp permanent de la guérilla au nord de l'Equateur.