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Contre un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, les communautés indiennes bloquent les routes
L'Equateur semi-paralysé: "risque de coup d'Etat" selon le président Palacio
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Alfredo Palacio, président de l'Equateur, et la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice Photo Presidencia de la República |
QUITO, jeudi 16 mars 2006 (LatinReporters.com) - Un
appel télévisé dramatique à la "défense
de la démocratie" menacée par "une ambiance de chaos propice
à de nouveaux coups d'Etat" a été lancé mercredi
soir par le président de l'Equateur, Alfredo Palacio. Neuf provinces sont paralysées
par les communautés indiennes, hostiles à un
accord de libre-échange avec les Etats-Unis.
"Citoyens, je vous convoque à serrer les rangs pour protéger
la démocratie" a imploré le président Palacio. Selon
lui, "on a réactivé la démolition criminelle de nos
institutions fondamentales... On fomente une ambiance de chaos, qui peut
être un terrain propice à de nouvelles ruptures constitutionnelles
et à des coups d'Etat".
Erigés à l'appel de la CONAIE (Confédération
de nationalités indigènes d'Equateur), des barrages bloquent
depuis lundi, dans la Sierra andine, les routes de 9 des 22 provinces du
pays. La panaméricaine, qui court du nord au sud, est coupée
en divers points par des troncs d'arbres, des pierres et des tranchées.
En Equateur, dont la monnaie est le dollar américain et où les pauvres sont majoritaires,
le tiers au moins des 13 millions d'habitants sont Indiens. La CONAIE affirme représenter
les trois quarts d'entre eux. Selon cette confédération, 25.000 Indiens participent au
blocus. Un début de pénurie s'installe sur les marchés de plusieurs
villes, y compris et surtout à Quito, la capitale. Le prix de certaines
denrées alimentaires a grimpé de 25% en trois jours.
Avec son slogan "TLC firmado, Palacio derrocado"
("Traité de libre commerce signé, Palacio renversé"),
la CONAIE menace explicitement de faire tomber le gouvernement, au besoin
en marchant sur Quito, si le président Palacio n'abandonne pas la
négociation, avec les Etats-Unis, d'un traité de libre-échange
similaire à ceux déjà signés par Washington avec le Pérou
et la Colombie, les deux et seuls voisins de l'Equateur. Le prochain round
de cette négociation devrait s'ouvrir le 23 mars.
Disant vouloir éviter un effondrement de l'économie équatorienne
au seul profit des Etats-Unis, la CONAIE exige un référendum
sur le TLC. Elle réclame aussi la nationalisation du pétrole et le départ
de la société américaine Oxy (Occidental Petroleum), qui exploite 115.000 des
532.000 barils quotidiens de brut produits en Equateur. Le pétrole
assure 35% du budget de l'Etat. Dans la province amazonienne de Pastaza,
des militaires ont repoussé à coup de grenades lacrymogènes
et de balles en caoutchouc des manifestants indiens qui voulaient occuper
des champs pétroliers.
A Quito, mercredi, des forces anti-émeute de la police ont également
utilisé des gaz lacrymogènes contre des groupes d'étudiants
qui lançaient des pierres lors d'une manifestation contre le TLC et
Oxy.
La CONAIE se prononce en outre contre la cession aux Etats-Unis, depuis 1999
et jusqu'en 2009, de la base aérienne de Manta. Située
sur la côte du Pacifique, à une demi-heure de vol de la Colombie,
la base militaire de Manta est l'une des quatre utilisées par les
Etats-Unis dans la région pour surveiller le narcotrafic aérien,
terrestre et maritime en Amérique du Sud. Le Salvador, ainsi qu'Aruba
et Curaçao (îles des Antilles néerlandaises proches
du Venezuela) abritent les trois autres.
Dans son message télévisé, le président Alfredo
Palacio a accusé la CONAIE de lancer "des consignes clairement politiques"
qui n'auraient "aucune explication" sociale.
Le chef de l'Etat a affirmé que le TLC avec les Etats-Unis ne serait
signé que s'il était avantageux pour l'Equateur. Il a indiqué
que le cas d'Oxy est actuellement analysé, une demande d'annulation
du contrat avec cette société pétrolière américaine
ayant été présentée par l'entreprise publique
Petroecuador et par le procureur général. Il est officiellement
reproché à Oxy d'avoir vendu sans en informer l'Etat équatorien
40% de ses actions à une société canadienne, qui les
a revendues à son tour le mois dernier à un consortium pétrolier
chinois.
A l'issue d'une réunion avec Alfredo Palacio au Palais présidentiel
de Carondelet, le président du Parlement, Wilfrido Lucero, a émis
lui aussi, mercredi, un diagnostic alarmiste. "Le pays est plongé
dans une véritable convulsion. La situation est très critique.
Nous allons vers l'anarchie et probablement vers la dissolution", disait-il
à la presse, sans préciser si la "dissolution" se rapporte
au gouvernement, au Parlement, ou aux deux à la fois.
Le ministre de l'Intérieur, Alfredo Castillo, a alourdi ce climat
de crise politique grave en annonçant mercredi sa démission.
Selon lui, les Indiens "ont raison... Le TLC n'a pas été débattu
au Congrès de la République... Pris par un appareil financier
et spéculatif, l'Etat équatorien est conduit et déterminé
par un système d'endettement et de contrôle du pétrole
et de nos ressources, ainsi que par notre signification géopolitique"...
Le président Alfredo Palacio avait succédé le 20 avril 2005
au président et ex-militaire putschiste Lucio Gutierrez, destitué par un vote du Parlement.
Des élections présidentielles et législatives auront
lieu en principe le 15 octobre prochain.
Comme dans les deux autres pays de la région à forte composante
indienne, la Bolivie et le Pérou, l'opposition est vive en Equateur
au libre-échange avec les Etats-Unis. Au Pérou, l'un des favoris
de l'élection présidentielle du 9 avril prochain est le nationaliste
autochtone Ollanta Humala (autre ex-militaire putschiste), proche des présidents bolivien, Evo Morales, et vénézuélien, Hugo Chavez.
De telles figures de proue électorales n'ont pas encore surgi en Equateur
au sein du camp nationaliste et autochtone... A moins que Lucio Gutierrez,
revenu d'exil et libéré le 3 mars dernier après 140 jours
d'emprisonnement à Quito, ne récupère -ce serait difficile- la
confiance des Indiens, qu'il avait rapidement déçus après son
élection à la présidence en 2002.
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