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Mandat d'arrêt international contre 40 militaires rwandais
Rwanda / Espagne : pour génocide, des généraux servant l'ONU poursuivis par la justice espagnole
MADRID, jeudi 7 février 2008 (LatinReporters.com) -
Parmi les 40 militaires rwandais, dont 11 généraux, que la
justice espagnole poursuit pour "génocide", "crimes contre l'humanité"
et/ou "terrorisme", plusieurs occupent aujourd'hui un poste diplomatique
ou servent l'Organisation des Nations unies (ONU), notamment au Darfour,
région de l'ouest du Soudan en rébellion et en proie à
une grave crise humanitaire. Sans son immunité, l'actuel président
du Rwanda, Paul Kagame, tomberait lui-même sous le coup de la compétence
universelle que l'Espagne reconnaît à ses tribunaux pour certains
délits graves.
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Le président rwandais Paul Kagame, reçu le 17 novembre 2006
à Bruxelles par Javier Solana, Haut représentant de l'Union
européenne pour la Politique extérieure et de Sécurité
commune. Sans son immunité présidentielle,
M. Kagame serait lui aussi poursuivi par la justice espagnole, pour génocide, terrorisme
et crimes contre l'humanité - Photo Conseil de l'Union européenne |
Dans un acte daté du 6 février
2008, Fernando Andreu Merelles, juge d'instruction à Madrid du tribunal
de l'Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole,
requiert un mandat international de "recherche et capture" des 40 militaires
rwandais qu'il incrimine sur la base des déclarations de 22 témoins
protégés, dont d'anciens collaborateurs du président
Kagame.
L'accusation de génocide vise 32 des 40 accusés. La plupart
doivent répondre aussi soit de crimes contre l'humanité, soit
de terrorisme. Certains seraient coupables de l'ensemble de ces délits
graves. Selon les "indices" dont fait état le juge Andreu, ce serait
le cas du président Paul Kagame. Il ne figure toutefois pas parmi
les accusés. Le juge explique dans son acte que l'immunité dont
jouit le président rwandais le met à l'abri de poursuites tant
qu'il sera chef d'Etat.
Commandant à l'époque l'APR/FPR (Armée patriotique rwandaise/Front
patriotique rwandais) des rebelles tutsis, Paul Kagame aurait notamment,
le 12 mai 1994, exécuté à la mitrailleuse antiaérienne
entre 30 et 40 hommes, femmes et enfants de l'ethnie rivale hutu. L'acte
du tribunal espagnol cite à ce propos le témoignage d'un ancien
"membre de la garde personnelle" de Paul Kagame qui aurait assisté
au mitraillage.
Les crimes attribués aux militaires poursuivis auraient été
perpétrés entre 1990 et 2000, soit donc aussi pendant les années
qui ont suivi la victoire, en juillet 1994, des Tutsis de l'APR/FPR et
l'avènement d'un régime dont Paul Kagame fut d'abord le vice-président,
avant d'accéder à la présidence en 2000.
L'exécution à cette époque par des membres ou des sympathisants de
l'APR/FPR de neuf Espagnols, six religieux
et trois membres de l'ONG Médecins du monde, fut à l'origine
de l'ouverture, en 2005, de l'enquête judiciaire qui débouche
aujourd'hui sur 40 inculpations.
Le juge Andreu donne crédit 'a "certaines sources", non identifiées,
selon lesquelles le nombre de morts découlant des affrontements ethniques
nés au Rwanda et qui ont aussi débordé sur certaines
franges du Congo (l'ancien Zaïre) "pourrait être proche de quatre
millions". Ce chiffre jusqu'à présent jamais évoqué
dépasse de loin les 800.000 morts attribués par l'ONU au génocide
rwandais.
En outre, l'acte de l'Audience nationale présente les Hutus comme
les principales victimes de ce génocide, contrairement à l'opinion
générale selon laquelle les Tutsis auraient été
les plus frappés par des exterminations massives attribuées
aux Hutus.
L'APR/FPR "a commis des attaques sélectives contre différents
leaders intellectuels hutus afin de les éliminer de la vie sociale,
provoquer la terreur et tester la réaction de la population civile"
indique l'acte, admettant qu'en représailles les Hutus massacraient
à leur tour.
Une fois installés au pouvoir, les militaires de Kagame ont "pris
le contrôle absolu de la structure de l'Etat, mettant en place un authentique
régime de terreur", ajoute le même acte du juge Andreu.
Parmi les 40 militaires rwandais poursuivis par l'Audience
nationale, le juge relève comme suit dans son acte, utilisant parfois le conditionnel,
ceux qui aujourd'hui exerceraient une fonction diplomatique ou serviraient
les Nations unies (ONU):
"KAYUMBA NYAMWASA, Général Major... Il occuperait actuellement
la fonction d'ambassadeur du Rwanda en Inde."
"KARENZI KARAKE, Général de Brigade... Actuellement, il
aurait été nommé, avec l'approbation des Nations Unies,
commandant adjoint du contingent hybride des Nations Unies et de l'Union
Africaine envoyé au Darfour, appelé UNAMID Force."
"RUGUMYA GACINYA, Lieutenant-Colonel... Actuellement, il serait Defense,
Military, Naval & Air Attaché de l'Ambassade du Rwanda aux Etats-Unis."
"WILSON GUMISIRIZA, Général de Brigade... Selon les dernières
informations disponibles, il commanderait le Secteur 1 des Forces Rwandaises
de Défense (FRD) destinées au Soudan par l'Union Africaine
sous mission des Nations Unies dans le programme du Soudan (UNAMIS), actuelle
force hybride unifiée sous le sigle UNAMID Force."
"KARARA MISINGO, Capitaine. Selon les dernières informations,
il a été nommé membre du groupe de trois qui dirige
le service de Gestion de Vérification et Enregistrement de la Mission
du Programme des Nations Unies pour le développement au Népal,
sous le sigle UNDP Nepal."
"FRANK BAKUNZI, Capitaine... Selon les dernières informations disponibles,
il est le porte-parole des Forces Rwandaises de Défense (FRD) à
Khartoum (Soudan) et est aussi actuellement capitaine du contingent de soldats
rwandais de l'Union Africaine sous mission des Nations Unies dans le programme
Soudan (UNAMIS), actuelle force hybride unifiée sous le sigle UNAMID
Force."
"CHARLES KARAMBA, Colonel... Selon les dernières informations disponibles,
son dernier poste connu est attaché militaire à l'Ambassade
du Rwanda en Erythrée, ainsi que directeur de recherche et développement
des Forces Rwandaises de Défense (FRD) auprès de l'Union Africaine
sous mission des Nations Unies dans le programme Soudan (UNAMIS), actuelle
force hybride unifiée sous le sigle UNAMID Force."
Ces sept personnalités sont accusées de génocide. Cinq
sont inculpées aussi de terrorisme. Trois cumulent les inculpations
de génocide, terrorisme et crimes contre l'humanité. Plusieurs
autres des 40 inculpés désormais sous le coup d'un mandat d'arrêt international occupent aujourd'hui des postes clés au sein de l'armée rwandaise.
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