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Le Râleur latino
Espagne / ETA - "Batasuna en prison, y'a bon pour les élections"

Dessin polémique du caricaturiste Tasio mêlant rose socialiste et serpent de l'ETA, publié dans le journal basque Gara le 7 juin 2006, lorsque Madrid et l'ETA négociaient.
MADRID, lundi 8 octobre 2007 (LatinReporters.com) - "Y'a bon Banania, le petit déjeuner familial" était, pour une poudre de cacao, un slogan perçu comme raciste et donc abandonné. Actualisé à la sauce basque dans l'Espagne de Zapatero à l'approche des législatives de mars 2008, ce slogan pourrait s'énoncer "Y'a bon Batasuna, le miam-miam électoral" ou "Batasuna en prison, y'a bon pour les élections".

Vitrine politique des artificiers indépendantistes de l'ETA, Batasuna signifie en basque Unité. A force de s'unir et de se réunir, c'est ensemble que 23 de ses dirigeants ont été pris dans le même coup de filet policier, le 4 octobre dans le rustique village basque de Segura.

Décapitée, la pieuvre séparatiste? Non, mais la voilà avec quelques tentacules et ventouses tranchées, comme des tapas de poulpe qui enrichissent l'apéro dans les bars ibériques. Un bon plat de gastronomie électorale à cinq mois des législatives.

Jusqu'au printemps dernier, le socialiste Zapatero (ZP, prononcer zétapé) ou ses émissaires préféraient déguster des hosties de paix à la même table qu'ETA-Batasuna. Mais ces agapes s'accompagnaient d'un vin jugé frelaté par les etarras-batasuneros, qui revendiquaient leur propre cru, et acide par au moins une bonne moitié d'Espagnols peu encline à l'ivresse sous-nationaliste. Les premiers réactivèrent la dynamite et les seconds le patriotisme espagnoliste.

Dans ces conditions et alors qu'est déjà lancée la pré-campagne électorale, ZP risquait la culbute en se prenant les pieds dans sa chasuble de pacificateur. Il s'en est débarrassé pour brandir l'épée de la Reconquista. Assurer l'éclat du défilé militaire du 12 octobre, jour de l'Hispanidad, et être vu au plus près du roi Juan Carlos, symbole d'unité, lui paraît désormais plus utile que de flatter Basques et Catalans en proclamant comme il y a relativement peu -et plusieurs fois- que "le concept de nation est discuté et discutable".

Dans sa nouvelle armure sang et or, les couleurs nationales, le chevalier ZP envoie donc aux oubliettes les dirigeants de Batasuna. "Déclaration de guerre" avertissent ces derniers, sachant que l'ETA s'ingéniera à les venger de manière explosive. Dire pourtant qu'au début encore de cette année, Zapatero et son gouvernement discernaient parmi eux des "hommes de paix".

Le coup de filet policier est couvert par le juge Baltasar Garzon. Il a ordonné les arrestations du 4 octobre et les justifie par le délit de participation à une réunion illégale d'un parti hors-la-loi (Batasuna) soumis aux terroristes de l'ETA. Pendant les récentes négociations frustrées entre gouvernement ZP et séparatistes, le juge Garzon avait pourtant fermé les yeux sur maintes assemblées et conférences de presse de Batasuna. Il mettait alors en avant le droit individuel de réunion et d'expression d'abertzales (patriotes) de la gauche basque. Célèbre persécuteur d'Augusto Pinochet et d'autres dictateurs sud-américains, Baltasar Garzon fut aussi quasi secrétaire d'Etat (chef du Plan national contre la drogue) d'un gouvernement socialiste. On lui prête volontiers de nouvelles ambitions politiques.

Le coup de balai politico-judiciaire est ouvertement qualifié de "pré-électoral" par la plupart des partis. Le ministre régional basque de la Justice, le nationaliste Joseba Azkarraga, parle "d'évident opportunisme politique". A droite, le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, principal challenger de Zapatero aux législatives, salue "ce pas dans la bonne direction", ajoutant qu'il aurait dû être franchi plus tôt et qu'il devrait aussi viser d'autres satellites de l'ETA.

Po-pom po-pom

De nouveau attentats des séparatistes basques, voire des islamistes d'Al-Qaida, qui menaçaient une nouvelle fois l'Espagne et la France le mois dernier, enfleraient davantage le patriotisme sous lequel tant les socialistes gouvernementaux que l'opposition conservatrice du PP placent désormais les législatives de mars 2008. Le tocsin patriotique ne cesse par ailleurs de résonner depuis que le président basque Ibarretxe a lancé, voici dix jours, son défi souverainiste appuyé sur un référendum anticonstitutionnel annoncé pour le 25 octobre 2008.

Mais ni Zapatero ni Rajoy ne chantent "Allons enfants de la patrie...". Et pour cause: l'hymne espagnol, la Marche Royale, est une pièce musicale dénuée de paroles. Un "comité des sages" tentera enfin d'y remédier dès novembre, en collaboration avec le Comité olympique espagnol. Peut-être donc bientôt la fin des "po-pom po-pom" ou "la la la la" gênés des footballeurs nationaux, sur fond de Marche Royale avant chaque rencontre internationale.

Les paroles attendues de l'hymne créeront sûrement l'événement lorsque les chantera le républicain, quoique juan carliste, Zapatero.

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