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Première visite du roi d'Espagne aux "presides" en 32 ans de règne
Ceuta-Melilla: Juan Carlos Ier et Zapatero capitalisent un patriotisme facile
MADRID, jeudi 8 novembre 2007 (LatinReporters.com) - Tant la couronne que
le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero tirent
profit du patriotisme facile dans lequel a baigné, les 5 et 6 novembre,
la première visite du roi Juan Carlos et de la reine Sofia d'Espagne
à Ceuta et Melilla, malgré la crise diplomatique avec le Maroc
surgie de cette visite.
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Le roi Juan
Carlos et la reine Sofia dans une foule brandissant des drapeaux espagnols, le 5 novembre 2007
à Ceuta (ci-dessus) et le lendemain à Melilla, ont accaparé pendant deux jours
en Espagne la première page des quotidiens |
Patriotisme facile, car maintenu à fleur de peau par la géographie
et l'histoire. A la fois villes de garnison et comptoirs commerciaux, les
deux "presides" ("villes fortifiées") sont enclavés sur la
côte méditerranéenne du Maroc, qui les revendique.
L'annexion de Melilla par l'Espagne remonte à
1496 et à 1580 pour Ceuta. Ces postes avancés contre l'expansionnisme
des Maures, refoulés d'Andalousie en 1492, étaient déjà
espagnols, dit-on à Madrid, avant même que n'existe l'Etat marocain.
Le Maroc réfute l'argument en invoquant de vieux sultanats. Il est
vrai que de multiples formes autochtones de souveraineté existaient
sur la planète avant que ne s'impose universellement la conception
occidentale de l'Etat.
Mais pourquoi Juan Carlos Ier, couronné en 1975, a-t-il attendu 32
ans avant de faire sa joyeuse entrée à Ceuta et Melilla? Peut-être
pour que le temps dissipe une imagerie pouvant associer couronne, "presides"
et dictature franquiste. Au moment du soulèvement militaire de 1936
contre la République, Melilla fut la première ville dominée
par les putschistes. L'armée d'Afrique était commandée
par Franco et c'est le dictateur qui prépara, avant sa mort en 1975,
la restauration de la monarchie.
Pourquoi, ensuite, le choix du moment actuel pour cette double visite? D'abord,
le souverain aura 70 ans en janvier prochain. La relève dynastique
en la personne du prince héritier Felipe en paraît plus proche
et clore un long règne sans avoir foulé, en qualité
de chef de l'Etat, le sol de deux villes nationales d'environ 70.000 habitants
chacune laisserait une impression d'inachevé ouverte à de multiples
interprétations.
En outre, depuis l'été dernier, l'institution monarchique subit
un feu mesuré, mais sans précédent, de critiques dans
divers médias. Coût de la famille royale, poursuites judiciaires
contre des publications se riant du palais et relance de l'indépendantisme
républicain catalan alimentent un climat dans lequel le roi Juan Carlos
est brûlé en effigie sur des places publiques en Catalogne,
tandis qu'y compris à Madrid les drapeaux républicains pullulent
lorsque les syndicats et la gauche manifestent.
Et même des secteurs conservateurs vont jusqu'à suggérer
au roi Juan Carlos d'abdiquer vu qu'il ne veut ou ne peut enrayer le supposé
éclatement de l'Espagne que favoriserait la politique fédéraliste
du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero.
Dans ces circonstances, un bain de foule patriotique dans deux villes, Ceuta
et Melilla, menacées par l'irrédentisme marocain a été
pour le roi Juan Carlos un puissant baume médiatique. Dans chacun
des deux "presides", quelque trente mille personnes, près de la moitié
de la population, ont ovationné les souverains en agitant une multitude
de drapeaux sang et or, les couleurs espagnoles. Rarement Juan Carlos aura
symbolisé à ce point l'unité nationale et la fierté
d'être Espagnol. La monarchie en redevient utile dans l'imaginaire
collectif, celui des indépendantistes basques et catalans excepté.
Par ailleurs, dans une monarchie parlementaire, un voyage des souverains
est organisé, souvent suggéré et en tout cas nécessairement
approuvé par le gouvernement en place. La responsabilité
du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero est donc associée
au succès de la visite royale. Il en incarne soudain, fût-ce
partiellement, un patriotisme que monopolisaient Mariano Rajoy et son Parti
populaire (PP, opposition conservatrice). A quatre mois des élections
législatives du 9 mars 2008, les socialistes misent apparemment plus
aujourd'hui sur le nationalisme espagnol qu'il y a peu sur les nationalismes
périphériques catalan et basque et la paix introuvable avec
les terroristes de l'ETA.
La première visite du roi à Ceuta et Melilla servait ainsi
à la fois les intérêts de la couronne et du socialisme
espagnols. Sans cette conjonction circonstancielle, les "presides"
attendraient peut-être encore leur souverain. Juan Carlos Ier et M.
Zapatero ont dû estimer leur bénéfice supérieur
à la perte au moins temporaire de l'amitié du Maroc. Jugeant la visite "inamicale" et
digne d'une vision "coloniale", Rabat a rappelé pour consultation
son ambassadeur à Madrid et le roi Mohammed VI a averti de "conséquences".
Bientôt une marche de centaines de milliers de civils Marocains sur
Ceuta et Melilla?... comme lors de la "marche verte" de novembre 1975 qui
donna de fait, sinon de droit, à la couronne alaouite le Sahara occidental
alors administré aussi par l'Espagne. L'Alliance des civilisations
entre Islam et Occident prônée par José Luis Rodriguez
Zapatero aurait-elle la force de la repousser? Manu militari?
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