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A Madrid, le secrétaire général de l'ONU met en garde contre le terrorisme nucléaire et biologique
Stratégie mondiale de Kofi Annan contre le terrorisme basée sur les droits de l'homme

Kofi Annan au sommet "Démocratie, terrorisme et sécurité", le 10 mars 2005 à Madrid. Photo Club de Madrid
MADRID, samedi 12 mars 2005 (LatinReporters.com) - Respect des droits de l'homme, définition claire du terrorisme et gel de débats politiques sur le "terrorisme d'État" ou le droit de "résister à l'occupation" sont les axes de la stratégie mondiale contre le terrorisme proposée pour la première fois, le 10 mars en Espagne, par le secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (ONU), M. Kofi Annan. Il a insisté à Madrid sur la gravité de la menace du terrorisme nucléaire et biologique.

Le plan de M. Annan est la première alternative globale à l'unilatéralisme musclé des États-Unis, non cités mais critiqués implicitement lorsque le secrétaire général de l'ONU affirme que "nombre de mesures qu’adoptent actuellement les États pour lutter contre le terrorisme constituent une atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales."

Kofi Annan s'exprimait à la tribune du sommet international "Démocratie, terrorisme et sécurité" organisé par le Club de Madrid à l'occasion du premier anniversaire des attentats de Madrid, qui firent 191 morts et 1.900 blessés le 11 mars 2004 dans quatre trains de banlieue éventrés par les bombes d'un commando islamiste se revendiquant d'Al-Qaïda.

La stratégie antiterroriste qu'il propose à la communauté internationale est définie par Kofi Annan comme celle des 5 D: décourager, dénier, dissuader, développer et défendre. La promotion de cette stratégie sera l'objet d'un suivi spécial au sein de l'ONU.

Ci-dessous, la traduction française d'extraits du discours prononcé en anglais par Kofi Annan à Madrid. LatinReporters.com est responsable du choix de ces extraits, ainsi que du soulignage et de la mise en gras de certains mots pour les mettre en valeur.




"... Il faut en particulier toujours respecter les droits de l’homme et la primauté du droit. Il me semble que le terrorisme est en soi une atteinte directe aux droits de l’homme et à l’État de droit. Si nous les sacrifions dans les mesures que nous prenons, nous faisons précisément le jeu des terroristes.

Comme le terrorisme est manifestement une des principales menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’humanité, il fallait qu’il fasse l’objet d’un examen détaillé dans le rapport intitulé « Un monde plus sûr – notre responsabilité commune » établi par le Groupe de haut niveau que j’ai constitué pour étudier les menaces mondiales et recommander les changements à apporter au système international.

Ce groupe m’a demandé de promouvoir une stratégie détaillée, fondée sur des principes. C’est ce que j’ai l’intention de faire. Le moment me semble venu d’exposer les principaux éléments de cette stratégie et le rôle de l’ONU dans sa mise en œuvre.

Il y a cinq éléments et je les appellerai les "cinq D" :

-D’abord, décourager les groupes de mécontents de choisir le terrorisme comme tactique pour atteindre leurs objectifs.
-Deuxièmement, dénier aux terroristes les moyens de mener à bien leurs attaques.
-Troisièmement, dissuader les États de soutenir les terroristes.
-Quatrièmement, développer la capacité des États de prévenir le terrorisme.
-Et cinquièmement, défendre les droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme...

Commençons par le premier « D », la nécessité de décourager les groupes de mécontents de choisir le terrorisme.

  • Ces groupes ont recours au terrorisme parce qu’ils sont convaincus que cette méthode est efficace et que les gens les approuveront, du moins ceux au nom de qui ils prétendent agir. Cette conviction est la vraie cause du terrorisme. Notre tâche est de montrer sans équivoque qu’ils sont dans l’erreur...

  • Toutes les autorités morales et politiques doivent affirmer clairement que le terrorisme est inacceptable dans toutes les circonstances et dans toutes les cultures...

  • Le moment est venu d’achever la rédaction d’une convention interdisant le terrorisme sous toutes ses formes... Nous n’avons pas à déterminer si les États peuvent ou non être reconnus coupables de terrorisme, car l’utilisation délibérée de la force armée par un État contre des civils est déjà formellement interdite en droit international. Quant au droit de résistance à l’occupation, il doit être compris dans son sens véritable. Il ne saurait en aucun cas inclure le droit de tuer ou de blesser délibérément des civils.

  • Le Groupe de haut niveau appelle de ses voeux une définition du terrorisme qui indiquerait clairement que tout acte constitue un acte de terrorisme si son intention est de causer la mort ou de blesser gravement des civils et des non-combattants dans le but d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire. Je suis convaincu de la force morale de cette proposition, et je demande instamment aux dirigeants du monde entier de s’y rallier....

    J’en viens au deuxième D: dénier aux terroristes les moyens d’accomplir leurs attaques. Cela signifie rendre difficiles leurs déplacements, les empêcher de recevoir un appui financier ou d’acquérir des matières fissiles ou radiologiques...

  • La chose la plus importante peut-être est d’interdire aux terroristes l’accès aux matières fissiles. Le terrorisme nucléaire est encore souvent traité comme relevant de la science-fiction. Je voudrais qu’il en soit ainsi. Mais malheureusement, nous vivons dans un monde où il y a surabondance de matières dangereuses et un grand savoir-faire technologique et où certains terroristes affirment clairement leur intention de commettre des attentats aux proportions catastrophiques. Si une attaque de ce type avait lieu, non seulement elle ferait un grand nombre de morts et entraînerait de grandes destructions, mais en outre elle ébranlerait l’économie mondiale et plongerait des dizaines de millions de gens dans la misère. Etant donné la relation qui existe entre pauvreté et mortalité infantile, il ne fait pas de doute qu’une attaque terroriste nucléaire ferait une deuxième vague de victimes dans les pays en développement.

  • Qu’une telle attaque n’ait pas encore eu lieu ne doit pas nous inciter à baisser la garde. Au contraire, il y a là une dernière chance de prendre des mesures préventives efficaces.

  • Cela signifie rassembler, sécuriser et éliminer, chaque fois que possible, les matières potentiellement dangereuses, ainsi qu’en contrôler l’exportation de manière efficace...

    Mon troisième D est la nécessité de dissuader les États de soutenir les groupes terroristes ...Cette attitude ferme doit être non seulement maintenue mais encore renforcée. Tous les États doivent savoir que s’ils apportent un appui, quel qu’il soit, à des terroristes, le Conseil [de sécurité de l'ONU] n’hésitera pas à adopter des mesures coercitives à leur encontre.

    Le quatrième D est développer la capacité des États de prévenir le terrorisme...

  • Faire en sorte que tous les États soient à la fois plus capables et plus responsables doit donc être un des éléments clefs de la lutte menée au niveau mondial contre le terrorisme. Cela veut dire qu’il faut encourager la bonne gouvernance et, par-dessus tout, l’État de droit et que les forces de police et de sécurité doivent faire preuve de professionnalisme et respecter les droits de l’homme...

  • Toutefois, de nombreux pays pauvres n’ont pas les moyens d’acquérir les capacités nécessaires. Ils ont besoin d’être aidés. La nouvelle Direction du Comité contre le terrorisme évaluera leurs besoins et élaborera une approche globale en matière d’assistance technique...

  • Il n’y a guère de menace plus grave que le terrorisme biologique et le risque de voir une maladie mortelle se répandre dans le monde entier en quelques jours pour illustrer à quel point il est absolument essentiel de renforcer la capacité des États. Pas plus les États que les organisations internationales ne se sont adaptés au monde nouveau des biotechnologies, qui sont pleines de promesses mais aussi de dangers. Il y aura bientôt des dizaines de milliers de laboratoires de par le monde capables de produire sur mesure des micro-organismes dotés d’un potentiel mortel terrifiant.

  • Tous les experts s’accordent à dire que la meilleure défense contre ce danger consiste à renforcer les capacités en matière de santé publique... Or, dans de nombreux pays pauvres, ces services, lorsqu’ils existent, n’ont pas les moyens nécessaires. Il faut donc lancer une initiative majeure dans ce domaine.

    Le cinquième D enfin, mais qui n’est pas pour autant le moins important, est la défense des droits de l’homme.

  • Je dois malheureusement dire que les spécialistes des droits de l’homme, y compris ceux du système des Nations Unies, considèrent tous, sans exception, que nombre de mesures qu’adoptent actuellement les États pour lutter contre le terrorisme constituent une atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

  • Les instruments relatifs aux droits de l’homme laissent de larges possibilités en matière de lutte contre le terrorisme, même dans les circonstances les plus exceptionnelles, et porter atteinte aux droits de l’homme ne saurait contribuer à la lutte contre le terrorisme. Au contraire, cela permet aux terroristes d’atteindre plus facilement leur objectif, en donnant l’impression que la morale est dans leur camp, et en créant des tensions, en suscitant la haine et la méfiance à l’égard du gouvernement précisément chez ceux parmi lesquels les terroristes sont le plus susceptibles de trouver de nouvelles recrues.

  • Le respect des droits de l’homme non seulement est compatible avec les stratégies de lutte contre le terrorisme, mais il en est un élément essentiel.

  • Je soutiens donc vivement la récente proposition visant à créer un rapporteur spécial sur la compatibilité entre les mesures de lutte contre le terrorisme et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui ferait rapport à la Commission des droits de l’homme..."

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