Espagne - Trop tard pour circonscrire les nationalismes basque et catalan?
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Responsables clandestins de l'ETA Archives LatinReporters.com |
par Christian Galloy
Analyste politique Directeur de LatinReporters
MADRID, dimanche 21 janvier 2007 (LatinReporters.com) - Par les bombes de
l'ETA ou via les institutions régionales que dominent les nationalistes
dits modérés, les Basques revendiquent l'autodétermination.
En juin dernier, les Catalans élargissaient leur autonomie en approuvant
un nouveau statut régional dont le préambule contient le mot
"nation". L'Espagne peut-elle encore freiner ses nationalismes?
La revendication nationaliste est par essence
inassouvissable tant que n'existe pas la nation à laquelle elle prétend.
Chaque échelon gravi sur l'échelle de l'émancipation
nationale ne peut qu'inciter à gravir l'échelon supérieur.
Cette logique demeure d'autant plus vive en Espagne que le découpage
électoral permet aux partis nationalistes de faire le plein de députés
dans les régions sous leur influence, en particulier au Pays basque
et en Catalogne, et d'avoir donc aux Cortes (Parlement national) une représentation
numérique nettement plus élevée que si leurs voix étaient
réparties sur l'ensemble du territoire national.
Parmi les onze partis représentés au Congrès des députés
depuis les législatives de mars 2004, huit sont nationalistes ou indépendantistes
ou régionalistes.
Avec 3,24 % des suffrages au niveau national, le parti nationaliste
catalan Convergencia y Union (CyU) compte 10 députés à
Madrid. Le Parti nationaliste basque (PNV) en compte 7, élus par 1,63%
des électeurs. Mais un parti national tel qu'Izquierda Unida (IU,
Gauche Unie, écolo-communiste), qui a recueilli 4,96% des voix, soit
plus que CyU et PNV réunis, n'a que 5 députés nationaux.
Outre IU, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) du président
du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, et le Parti Populaire
(PP, opposition conservatrice) de Mariano Rajoy sont actuellement les seules
forces parlementaires n'appartenant pas à la galaxie nationalisme-indépendantisme-régionalisme.
Aux Cortes, cette dernière couvre aussi la Galice, l'archipel des Canaries, la
Navarre et l'Aragon, mais seuls la Catalogne et surtout le Pays basque crispent
depuis des décennies le climat politique.
Pour le détendre, les deux grands partis nationaux qui ont dirigé
l'Espagne ces 25 dernières années, PSOE et PP, ont été
et sont encore tentés, voire contraints, de conclure des alliances
parlementaires avec des formations nationalistes pour pouvoir gouverner.
Le prix réclamé par les nationalistes dans ces marchandages
est chaque fois de gravir un échelon de plus de l'autonomie régionale.
On le voit en Catalogne, où des alliés de M. Zapatero, les
indépendantistes d'Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, Gauche
républicaine de Catalogne), considèrent le nouveau statut régional
adopté par référendum en juin 2006 comme un "pas de plus
vers l'Etat catalan".
Le Pays basque ne tardera pas à bénéficier à
son tour de nouvelles largesses. Les autonomies régionales octroyées
après la mort de Franco sont ainsi devenues le creuset du principal
problème de l'Espagne, la préservation de son unité,
alors qu'il y a trente ans les mêmes autonomies semblaient être
la clef de la démocratie et de la paix dans l'ensemble du pays.
Si l'universalisation des droits de l'homme et la démocratie commune
européenne ont propulsé les Ibères à des années-lumière
de la barbarie du passé, les séparatistes basques de l'ETA
demeurent une exception notable. Difficile d'évaluer si renouer avec
eux le dialogue, interrompu par M. Zapatero après l'attentat du 30
décembre dernier à l'aéroport de Madrid, les renforcerait
plutôt que de les freiner. Négocier avec ceux qui conservent
leurs armes et menacent de les utiliser "met en péril les principes
de démocratie et d'Etat de droit" de l'Union européenne avertissaient
302 eurodéputés le 25 octobre 2006 au Parlement de Strasbourg. Une courte majorité de 322 voix y approuvait néanmoins alors
le processus dit de paix ouvert par Madrid avec l'ETA.
Une cause profonde de la survie et de la vigueur des nationalismes est la
difficulté pour des régions qui ont une certaine identité
historique et culturelle à s'identifier à un Etat défaillant.
Et depuis la catastrophe de 1898 (la défaite de Cuba, qui donna l'estocade
à l'Empire espagnol), époque approximative du renouveau des
nationalismes basque et catalan sous une forme contemporaine, l'Espagne a
évolué dans un sous-développement relatif dont elle ne s'est
relevée lentement qu'à partir des années 1960 et plus
rapidement après la mort de Franco, en 1975.
Compte tenu de l'impact politico-psychologique durable de la perte d'un empire,
d'une guerre civile (1936-1939) et de près de 40 ans de dictature
franquiste, l'Espagne n'offre à ses peuples périphériques
un visage aimable et éventuellement attrayant que depuis les années
1980. Etait-ce déjà trop tard pour circonscrire les nationalismes
galopants?
Réaction critique
Les nationalismes basque ou catalan sont respectables
par Beñat Oteiza
Militant du Parti Nationaliste Basque, je souhaite apporter mon éclairage.
Cet article est d'une mauvaise foi manifeste. Accepterez-vous une bonne fois
pour toute, qu'en tant que Basque, nous nous sentions appartenir à
une nation basque ? Théoriquement, en tant que démocrate, vous
devriez nous soutenir dans la dimension démocratique de notre combat.
Vous préférez le mépriser laissant libre cours au chauvinisme
français habituel crispé sur ces vieux principes intangibles
des vieux Etats-nations.
Nous sommes bien plus démocrates que vous pour une raison bien simple,
nous respectons la nation française et le sentiment national français.
Nous aurions apprécié que vous en fassiez de même. Au
lieu de cela, vous choisissez la manipulation statistique en donnant les
résultats de CIU et de notre mouvement sur toute l'Espagne. Rassurez-vous,
nous ne prétendons pas conquérir l'Espagne. Pourquoi occulter
le fait que CIU et notre mouvement soient majoritaires en Catalogne sud et
en Pays basque sud ?
Vous refusez de voir une réalité pourtant longue de plus de
deux décennies : les nationalismes basque et catalan sont majoritaires
dans leur pays. A force de mépriser nos mouvements, vous n'avez pas
encore saisi que nous ne souhaitons nullement un Etat nation à la
française ou sa pâle copie espagnole. Nous sommes d'essence
fédéraliste en Pays basque (Zazpiak-bat = 7 provinces basques
en un pays) et en Europe. En cela, nous sommes bien moins séparatistes
que vos idoles du PSOE et les néofranquistes du PP inspirés
des lumières universalistes révolutionnaires à l'origine
de l'enfermement étatique.
Croyez-bien que le pouvoir central espagnol n'a absolument rien octroyé
au moment de la transition démocratique. Les autonomies catalane et
basque sont le résultat d'un rapport de force démocratique
à un moment donné de l'histoire. Nier la réalité
de ce rapport de forces, c'est tout simplement nier la légitimité
de notre combat démocratique et donner raison à ceux que vous
prétendez rejeter, l'organisation terroriste ETA dont nous avons été
les premières victimes en Pays basque.
A la lecture de cet article, je suis plus que jamais convaincu d'être
dans le mouvement le plus efficace dans la lutte contre ETA, pour l'avoir
combattu sans relâche, pour avoir donné à la population
une autre image du nationalisme, pour avoir ancré ce pays dans la
démocratie et la prospérité économique, malgré
le peu d'attrait économique dû au terrorisme. Votre mépris
à l'égard du nationalisme vous aveugle sur la base sociale
du nationalisme radical, suffisamment forte pour générer de
nouveaux terroristes. Notre principale stratégie est de réduire
au maximum cette base sociale pour affaiblir ETA.
Face au drame humain du conflit basque, environ 850 assassinats d'ETA et
350 morts au sein de la gauche abertzale, plus de 200 liés à
des attentats, plus de 100 accidents dus à l'éloignement illégal
des prisonniers, le PSOE, Batasuna et notre mouvement sont les principaux
artisans d'un processus scindé en deux : un dialogue entre le gouvernement
espagnol et ETA sur les questions relatives au désarmement, aux prisonniers
et aux victimes et une négociation politique entre tous les partis
politiques représentés au Parlement basque, expression des
différents courants de pensée de notre société.
Ce processus a échoué. Pour autant, je n'ai pas l'impression
que votre vision manichéenne de la réalité ait beaucoup
évolué.
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