Convaincu de "conspiration" en vue des attentats du 11 septembre 2001
Espagne - Dirigeant d'Al-Qaïda condamné, mais la menace islamiste subsiste
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Imad Eddin Barakat Yarkas, alias Abou Dahdah Photo Ministerio de Interior |
par Christian Galloy
Analyste politique, directeur de LatinReporters.com
MADRID, mardi 27 septembre 2005 (LatinReporters.com) - La menace islamiste
subsiste en Espagne à l'issue du plus grand procès jamais organisé
en Europe contre Al-Qaïda. Considéré comme son ex-chef
local, Imad Eddin Barakat Yarkas, alias Abou Dahdah, a été
condamné lundi à Madrid à 27 ans de prison. Un journaliste
vedette de la télévision arabe Al-Jazira a écopé
de 7 ans.
Hispano-Syrien de 42 ans, Abou Dahdah était un prospère revendeur
d'automobiles dans le vieux Madrid multi-racial jusqu'à son arrestation
en novembre 2001, deux mois après les attentats islamistes du 11 septembre
contre New York et Washington.
Il est accusé d'appartenance à organisation terroriste, en
qualité de dirigeant, et de conspiration en vue des attentats de septembre
2001. Il aurait prêté son concours à une réunion
préparatoire de ces attentats, en juillet 2001 à Tarragone
(Catalogne). Le chef des pilotes suicides du 11 septembre, l'Egyptien Mohammed
Atta, y aurait participé.
Jusqu'à présent, la seule condamnation pour les attentats du
11 septembre avait été prononcée en Allemagne, contre
le Marocain Mounir el Motassadeq. Il fut condamné d'abord à
15 ans d'emprisonnement en février 2003, puis à 7 ans lors
d'un procès en révision conclu en août dernier, pour
appartenance à la "cellule de Hambourg", qui regroupait plusieurs
des terroristes du 11 septembre, dont Mohammed Atta.
La cellule espagnole d'Al-Qaïda dirigée par Abou Dahdah aurait
aussi contribué au financement de l'organisation terroriste islamiste
et recruté des combattants pour le djihad international.
Parmi les 23 autres accusés -d'origine syrienne, algérienne,
marocaine, y compris aussi un Espagnol converti à l'islam- 6 sont
acquittés et 17 condamnés à des peines de 6 à
11 ans de prison.
La condamnation à 7 ans de réclusion du journaliste Tayssir
Allouni, Hispano-Syrien lui aussi, soulève une polémique. Vedette
de la télévision satellitaire arabe Al-Jazira, correspondant
à Bagdad pendant la guerre d'Irak, il fut le premier à interviewer
en Afghanistan le chef suprême d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden,
après les attentats du 11 septembre 2001.
L'association internationale de défense des journalistes Reporters
sans frontières (RSF) estime que cette interview n'aurait jamais dû
être utilisée par la justice espagnole comme élément
à charge.
Le tribunal accuse Tayssir Allouni de transport de fonds au profit d'au
moins un membre d'Al-Qaïda. Selon la sentence, "la vérité
informative ne peut être obtenue à n'importe quel prix. Voulant
l'obtenir en aidant de tels individus, Tayssir Allouni s'est rendu coupable
de collaboration avec une organisation terroriste".
Niant les charges portées contre eux, Allouni et la plupart des condamnés
vont interjeter appel. Plusieurs se retrouveront l'an prochain, à
titre de suspects ou de témoins, à la barre d'un second méga-procès:
celui des attentats de Madrid, qui firent 191 morts et près
de 2.000 blessés, victimes le 11 mars 2004 de dix bombes islamistes dans quatre trains de banlieue.
Etablis légalement et même parfois naturalisés Espagnols,
les membres de la cellule d'Abou Dahdah offraient un profil qui rassurait
les partisans de l'intégration.
Le démantèlement du groupe, à partir de novembre 2001,
fit croire à des experts policiers européens que les risques
d'attentats islamistes dans la péninsule ibérique s'étaient
réduits. Le massacre de Madrid, précipité
par la participation -jusqu'en avril 2004- de l'Espagne à l'occupation
de l'Irak, a pour le moins modéré ce type d'appréciation.
Même sous l'actuel gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez
Zapatero -il a opéré le retrait militaire d'Irak, mais il maintient
des troupes en Afghanistan- la menace islamiste reste d'actualité
en Espagne. En octobre 2004, par exemple, la police annonçait avoir
déjoué un plan visant à détruire avec un camion
bourré d'explosifs le siège de l'Audience nationale, tribunal
pénal espagnol qui vient de juger la cellule d'Abou Dahdah. Et depuis
les attentats islamistes du 7 juillet dernier à Londres, la police
espagnole demeure en alerte maximale.
Malgré la persistance de la menace terroriste, l'éditorialiste
du quotidien de centre gauche El Pais estime que le procès du groupe
d'Abou Dahdah aurait démontré qu'il "est possible de condamner
ceux qui préparent des attentats, même s'il ne les ont pas commis"
et que les six acquittements prononcés refléteraient "le respect
des garanties, y compris la présomption d'innocence" qui doit guider
la justice même en combattant le terrorisme. Des considérations
que le journal inscrit dans "le débat général qui a
lieu au Royaume Uni sur les mesures spéciales" antiterroristes.
Dans la même optique, le procureur de l'Audience nationale Pedro Rubira
(sans peur du ridicule, il réclamait plus de 74.000 années
de prison pour Abou Dahdah et deux autres accusés) estime que "la
sentence peut servir de référence à d'autres pays, y
compris les Etats-Unis". Elle confirme, ajoute-t-il en substance, l'hypothèse
de l'inefficacité, dans la lutte contre le terrorisme, de centres
de détention tels que celui établi par les Américains
à Guantanamo.
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