La paix, rare point commun entre Jean Paul II et Rodriguez Zapatero
Mort du pape - L'Espagne continuera à se laïciser
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Jean Paul II est mort à Rome samedi soir. "Un pape pour l'éternité" titrait dimanche le quotidien conservateur madrilène ABC - Photo LatinReporters |
par Christian Galloy
Analyste politique, directeur de LatinReporters.com
MADRID, dimanche 3 avril 2005 (LatinReporters.com) - Un seul jour de deuil officiel national
pour la mort du pape Jean Paul II a été décrété par le
président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis
Rodriguez Zapatero. Il devrait poursuivre la laïcisation de l'Espagne, qualifiée
dans les années 1980 par le pape défunt de "réserve spirituelle
de l'Occident".
Les rassemblements spontanés de fidèles espagnols pour honorer
samedi soir la mémoire de Jean Paul II ont été mesurés
-2.000 personnes au plus, Plaza de Colon à Madrid- et les médias
publics, souvent en direct de Rome, ont couvert l'événement
de manière journalistique, sans idolâtrie.
Les fidèles, plus nombreux qu'un dimanche
habituel, priaient dimanche pour le pape dans toutes les églises d'Espagne.
Des fleurs et des bougies entouraient la statue de Jean Paul II devant la
cathédrale madrilène de l'Almudena. Une minute de silence a
été observée dans les stades avant les matchs de football
et les principaux partis politiques ont suspendu, la journée de dimanche,
leur campagne pour les élections régionales basques du 17 avril.
Comme l'Italie et comme Fidel Castro à Cuba, les communautés autonomes de Madrid,
de Valence, de Galice, de Murcie et des Baléares, dont les parlements
sont contrôlés par le Parti populaire (PP, opposition conservatrice),
ont décrété trois jours de deuil officiel, qui contrastent
avec l'unique journée de deuil décidée par le gouvernement
socialiste au niveau national.
Espagne-Vatican: des relations polémiques
"L'humanité se voit privée d'une référence morale
de premier ordre" affirme M. Zapatero dans un télégramme de
condoléances adressé au Vatican après l'annonce de la
mort de Jean Paul II.
"Le décès de Sa Sainteté représente la perte
de l'une des figures mondiales les plus remarquables de l'histoire récente.
Le souverain pontife a maintenu une dignité extraordinaire et, jusqu'à
ses dernières heures, un engagement inébranlable en faveur de
la recherche de la paix pour le monde et de la solidarité entre les
hommes" estime dans le même télégramme le chef du gouvernement
espagnol.
Le socialiste Zapatero se limite à souligner l'un de ses rares points
communs avec Jean Paul II: la priorité absolue de la paix, qui avait
mené les deux hommes à condamner la guerre en Irak. Outre à
respecter le défunt, une telle sélectivité dans les condoléances
vise sans doute à éviter que, dans l'émotion, les catholiques
espagnols brandissent le souvenir de Jean Paul II pour se mobiliser davantage
contre des réformes sociales qui hérissaient le pape polonais.
Le 24 janvier dernier, à Rome, Jean Paul
II appuyait ouvertement le combat des évêques espagnols contre
un train de réformes du gouvernement socialiste espagnol en faveur
du mariage homosexuel avec droit à l'adoption d'enfants, de la simplification
du divorce, de la recherche sur les cellules souches et de la réduction
dans les écoles du poids de l'enseignement de la religion. Les socialistes
de M. Zapatero favorisent en outre les débats sur une future libéralisation
accrue de l'avortement et une éventuelle légalisation de l'euthanasie.
Le pape dénonçait alors notamment "la diffusion [en Espagne]
d'une mentalité inspirée du laïcisme, idéologie
qui mène graduellement, de manière plus ou moins consciente,
à la restriction de la liberté religieuse..., reléguant
la foi à la sphère privée et s'opposant à son
expression publique."
Deux jours plus tard, le nonce apostolique à Madrid était
convoqué au ministère des Affaires étrangères,
qui lui transmettait "l'étonnement" du gouvernement espagnol à
propos des craintes du pape relatives à la liberté religieuse
en Espagne. Dans la diplomatie internationale, la convocation d'un ambassadeur
du Vatican est rarissime.
A la surprise générale, le 8 mars dernier, l'archevêque
de Madrid, Mgr Rouco Varela, un conservateur proche de Jean Paul II, était
déboulonné par scrutin secret de la présidence de la
Conférence épiscopale espagnole au profit de l'évêque
de Bilbao, Mgr Ricardo Blazquez, considéré comme plus libéral
et ouvert notamment aux revendications régionalistes basques et catalanes.
"Ennemi de toutes les conquêtes du monde moderne..."
L'influent journal El Pais, dont la société éditrice
semble liée au gouvernement socialiste par un troc d'appui éditorial
contre des avantages économiques, proclame dimanche ce que M. Zapatero
ne peut pas dire en ces jours de deuil des catholiques. A savoir que Jean Paul
II aurait été "l'ennemi de toutes les conquêtes du monde
moderne en matière de famille et de sexe, comme le divorce, l'avortement
-qu'il en vint à qualifier de crime nazi- les relations homosexuelles,
l'euthanasie et les nouvelles avancées génétiques".
"Aujourd'hui, l'Eglise stagne et, souvent, dans une marche arrière
accélérée, elle revient aux pires périodes du
19e siècle" conclut El Pais à la fin d'un supplément
de 24 pages intitulé, sous une photo de Jean Paul II, "Le gardien de
la tradition". Le journal pro-socialiste transmet ainsi l'impression qu'il
conviendrait à l'Espagne de poursuivre la laïcisation galopante
lancée par M. Zapatero.
La quasi totalité des quotidiens espagnols offraient dimanche, comme
El Pais, des suppléments de plusieurs dizaines de pages dédiées
aux 26 ans de pontificat de Jean Paul II. Dans un éditorial intitulé
"Le pape qui changea le monde", le grand journal centriste El Mundo soulignait
d'abord, comme la plupart de ses confrères, que le pape défunt
"entrera dans l'histoire pour sa contribution active à la chute du
Mur de Berlin".
Une opinion confirmée par le ministre socialiste des Affaires étrangères,
Miguel Angel Moratinos. Il précise que "grâce à Jean Paul
II, nous pouvons parler aujourd'hui de l'Europe des 25".
José Luis Rodriguez Zapatero assistera aux funérailles de
Jean-Paul II. La présence du roi Juan Carlos d'Espagne et de la reine
Sophie, "profondément chagrinés" par la disparition du souverain
pontife, n'est pas encore confirmée.
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