C'est à Managua, capitale du Nicaragua sandiniste, avec pour passager
le ministre vénézuélien des Relations extérieures,
Nicolas Maduro, que Manuel Zelaya prenait lui-même jeudi le volant
d'un véhicule tout-terrain pour se diriger vers le Nord et le Honduras,
distant d'environ 300 km. Les automobiles qui l'accompagnent en caravane
transportent de nombreux journalistes. Le mythique Comandante Cero de la
révolution sandiniste, Eden Pastora, est aussi du voyage.
Hugo Chavez, président du Venezuela, avait coordonné le 5 juillet
une première tentative avortée de retour au Honduras de Manuel
Zelaya dans un avion vénézuélien. En août 2008,
le Honduras présidé par Zelaya ralliait le camp de la gauche
radicale latino-américaine en adhérant à l'Alternative
[aujourd'hui Alliance; ndlr] bolivarienne pour les Amériques, l'ALBA.
Celle-ci englobe actuellement le Venezuela, le Nicaragua, Cuba, la Bolivie,
l'Equateur, le Honduras, la Dominique, Antigua-et-Barbuda, ainsi que Saint-Vincent-et-les-Grenadines.
A Tegucigalpa, les nouvelles autorités du Honduras ont annoncé
leur intention de sortir leur pays de cette alliance.
Craignant qu'elle ne débouche sur des heurts sanglants, le secrétaire
général de l'Organisation des Etats américains (OEA),
José Miguel Insulza, juge "précipitée" la nouvelle tentative
de retour de Manuel Zelaya. A Washington, elle est qualifiée de "peu
prudente" par l'administration du président Barack Obama. L'OEA et
les Etats-Unis, ainsi que la Colombie et deux pays de la gauche latino-américaine
modérée, le Chili et l'Uruguay, ont exprimé le 23 juillet
l'espoir d'une relance de la
médiation du Costa Rica. Par contre,
les principaux pays de l'ALBA, Venezuela en tête, ne voient en cette
médiation qu'un stratagème pour consolider "le régime
putschiste" de Tegucigalpa.
Rejeté le 19 juillet par le gouvernement hondurien actuel, le plan
de conciliation présenté par le médiateur Oscar Arias,
président du Costa Rica, a été restructuré dans
sa présentation, mais non dans sa substance, sous le nom
"
Accord de San
José". Mais le 22 juillet, c'est la délégation de Manuel
Zelaya qui le rejetait.
Le président de facto du Honduras, Roberto Micheletti, n'accepte pas
le retour à la présidence de Manuel Zelaya, retour que prévoit
l'Accord de San José, et Zelaya, lui, contrairement à l'opposition
expresse du même Accord de San José, prétend toujours
opérer une réforme radicale de la Constitution hondurienne,
en direction du socialisme du 21e siècle cher à Hugo Chavez,
par une consultation populaire ouvrant la voie à une Assemblée
constituante. Mais la Constitution hondurienne n'autorise pas un tel processus.
Le coup d'Etat du 28 juin, exécuté par l'armée et chapeauté
par le pouvoir judiciaire et la quasi totalité des députés
honduriens, avait précisément empêché cette consultation
populaire jugée illégale par les principales institutions du
pays, à la notable exception du président Zelaya.
Un éventuel échec de la nouvelle tentative de retour de Manuel
Zelaya et le nombre croissant en Amérique latine de voix favorables
à la médiation du président costaricain Oscar Arias,
médiation que soutient aussi l'Union européenne, favoriseraient
une acception future par MM. Zelaya et Micheletti de l'Accord de San José.
Il n'est donc peut-être pas mort. Son application serait une défaite
de la gauche radicale, puisque cet accord refuse le changement de régime que cette
gauche et Manuel Zelaya espèrent au Honduras par la voie d'une Assemblée
constituante, comme au Venezuela, en Bolivie et en Equateur.
A l'image de Napoléon revenant de l'île d'Elbe...?
Diverses organisations sociales honduriennes appuyant Manuel Zelaya tentent,
malgré des barrages de l'armée, de se regrouper à proximité
des postes frontières les plus proches de la ville nicaraguayenne
d'Esteli. L'ampleur du soutien populaire au président déchu
est difficilement mesurable. Grand propriétaire terrien et magnat
de l'industrie du bois, élu en 2005 président du Honduras comme
candidat du Parti libéral (droite), mais renié par ce même
parti à cause de son virage idéologique inattendu, Manuel Zelaya
n'a pour soutien parlementaire visible dans son propre pays que les 5 députés
(sur un total de 128) du petit parti de gauche Unification démocratique.
La plus importante manifestation en sa faveur, le 5 juillet à l'aéroport
de Tegucigalpa, où son avion fut alors empêché d'atterrir,
avait réuni 30.000 personnes, y compris peut-être, selon les
soupçons des autorités, de nombreux activistes venus clandestinement
du Salvador, du Guatemala et surtout du Nicaragua, trois pays gouvernés
à gauche frontaliers du Honduras.
Pour empêcher ou pour le moins compliquer le retour de Manuel Zelaya,
le couvre-feu décrété par le Honduras s'étend
de midi jusqu'à l'aube au long d'une partie de la frontière avec le Nicaragua
et le Salvador.
Le chef des forces armées, le général Romeo Vasquez,
a averti le président déchu qu'il ne garantissait pas sa sécurité.
"Nous ne pouvons pas nous responsabiliser de la sécurité de
personnes qui, pour fomenter la violence généralisée
dans le pays, sont susceptibles d'être attaquées, y compris
par leurs propres partisans, dans l'unique but d'en faire des martyrs" affirme
un communiqué du ministère de la Défense du Honduras.
En réponse, notamment sur les ondes de radios nicaraguayennes pouvant
être captées au Honduras, Manuel Zelaya exhorte les soldats
honduriens "à rendre leur fusil et à se soumettre à
l'autorité choisie par le peuple", c'est-à-dire à Zelaya
lui-même. Il espère mener à partir de la frontière
une marche populaire et victorieuse sur Tegucigalpa. En somme, une tentative de réédition
exotique, plus pacifique, plus courte et surtout, si possible, sans Waterloo, des Cent-Jours
de Napoléon revenant de l'île d'Elbe...