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"Autodétermination" ambigüe - "Grande fête mondiale" en Bolivie
ONU : Déclaration sur les droits des peuples autochtones approuvée
NEW YORK, vendredi 14 septembre 2007 (LatinReporters.com) - Premier instrument
universel en la matière, quoique non contraignant, la Déclaration
sur les droits des peuples autochtones a été adoptée
le 13 septembre à New York par l'Assemblée générale
des Nations Unies (ONU) après 20 ans de négociations et malgré
l'opposition des Etats-Unis, du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande.
La Déclaration affirme notamment les droits à réparation
et à l'autodétermination pour les 370 millions d'autochtones
dans le monde.
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Amérindiennes dans les rues de Quito, capitale de l'Equateur Photo LatinReporters.com |
Sur les 192 membres de l'Assemblée, 158 ont voté, avec le
résultat de 143 voix pour la Déclaration, 4 voix contre et
11 abstentions (Colombie, Azerbaïdjan, Bangladesh, Géorgie, Burundi,
Fédération de Russie, Samoa, Nigeria, Ukraine, Bhoutan et Kenya).
La plupart des délégations qui ont voté en sa faveur
ont rappelé que le nouvel instrument est juridiquement non contraignant et que ses
dispositions doivent être examinées à la lumière
de la législation de chaque Etat.
Pour vaincre des hésitations, en particulier africaines, il avait fallu
mentionner au dernier des 46 articles, au prix de jeter l'ambiguïté
sur le principe d'autodétermination, qu' "aucune disposition de la présente
Déclaration ne peut être interprétée ... comme
autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire
ou d'amoindrir, totalement ou partiellement, l'intégrité
territoriale ou l'unité politique d'un Etat souverain et indépendant".
Faute de consensus, la Déclaration ne définit par ailleurs nulle part ce qu'est un
peuple autochtone. Elle n'en soulève pas moins l'enthousiasme
des leaders indigènes dans le monde. Evo Morales, président amérindien
de la Bolivie (et sans doute peu intéressé,
en tant que chef d'Etat, à pousser jusqu'au point de non-retour l'autodétermination
des ethnies boliviennes), a aussitôt convoqué une "grande fête mondiale"
des communautés originaires. Elle aurait lieu en Bolivie du 10 au
12 octobre prochains, date du 515e anniversaire de la découverte de
l'Amérique.
"Christophe Colomb a dit qu'il découvrit l'Amérique le 12 octobre,
mais ce fut une invasion pour piller l'Amérique et non une quelconque
découverte" lança jeudi Evo Morales devant une assemblée
de syndicats d'agriculteurs réunie à Cochabamba. Il a ajouté
que la "grande fête" sera une revendication des luttes indigènes.
Amérindien lui aussi, le ministre bolivien des Relations extérieures
et du Culte, David Choquehuanca, estime qu'en dépit de son caractère
non contraignant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones aura une importance et une force morale similaires à
la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon,
parle de "triomphe pour les peuples autochtones à travers le
monde", marquant un moment "historique". Quant à la France, longtemps réticente,
elle a finalement voté en faveur de la Déclaration et s'est félicitée
de son adoption.
Dans ses articles les plus saillants, sources de l'opposition des Etats-Unis,
du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, 4 pays où
vivent des populations autochtones significatives, la Déclaration
affirme:
"Les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination.
En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique
et assurent librement leur développement économique, social
et culturel." (Article 3)
"Les États doivent accorder réparation par le biais de
mécanismes efficaces –qui peuvent comprendre la restitution– mis au
point en concertation avec les peuples autochtones, en ce qui concerne les
biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été
pris sans leur consentement préalable, donné librement et
en connaissance de cause, ou en violation de leurs lois, traditions et coutumes."
(Article 11 / 2)
"Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser,
de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources
qu'ils possèdent parce qu'ils leur appartiennent ou qu'ils les occupent
ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis.
Les États accordent reconnaissance et protection juridiques à
ces terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance se fait
en respectant dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers
des peuples autochtones concernés." (Article 26 / 2 et 3)
"Les peuples autochtones ont droit à réparation, par le
biais, notamment, de la restitution ou, lorsque cela n'est pas possible,
d'une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres,
territoires et ressources qu'ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou
utilisaient et qui ont été
confisqués, pris, occupés, exploités ou dégradés
sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance
de cause." (Article 28 /1)
"Il ne peut y avoir d'activités militaires sur les terres ou
territoires des peuples autochtones, à moins que ces activités
ne soient justifiées par des raisons d'intérêt public
ou qu'elles n'aient été librement décidées en
accord avec les peuples autochtones concernés, ou demandées
par ces derniers." (Article 30 / 1)
"Les États consultent les peuples autochtones concernés
et coopèrent avec eux de bonne foi par l'intermédiaire de leurs
propres institutions représentatives, en vue d'obtenir leur consentement,
donné librement et en connaissance de cause, avant l'approbation de
tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres
ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l'utilisation
ou l'exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres."
(Article 32 / 2)
Les délégations australienne, canadienne, néo-zélandaise
et des Etats-Unis ont exprimé leurs préoccupations découlant
de ces dispositions relatives à l'autodétermination,
au droit à l'indemnisation, ainsi qu'aux terres et aux ressources
naturelles.
"L'Australie s'oppose au mot autodétermination, lié d'ordinaire
à des situations de décolonisation ... Nous ne pouvons pas
appuyer un texte qui met en péril l'intégrité
territoriale d'un pays démocratique" a affirmé lors de son
intervention devant l'Assemblée générale l'ambassadeur
australien auprès de l'ONU, Robert Hill.
Pour sa part, l'ambassadeur du Canada, John McNee, s'est inquiété
notamment des conflits constitutionnels pouvant naître du droit reconnu
aux populations autochtones de contester des décisions prises par
un gouvernement et, ce faisant, d'exercer un droit que les autres composantes
de la population ne possèdent pas.
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