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Accusé de crimes contre l'humanité, l'ex-président est réfugié au Japon depuis novembre 2000
Fujimori veut rentrer au Pérou pour briguer la présidence
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Alberto Fujimori à la tribune des Nations unies (New York 1998) - UN photo |
LIMA, vendredi 16 septembre 2005 (LatinReporters.com) - Poursuivi
pour corruption et crimes contre l'humanité,
l'ex-président Alberto Fujimori est bien placé dans les intentions
de vote pour l'élection présidentielle péruvienne d'avril 2006. Il n'est
pourtant pas officiellement candidat. Réfugié depuis novembre
2000 au Japon, pays de ses ancêtres, Fujimori va-t-il, comme il l'affirme, rentrer au Pérou,
bravant l'emprisonnement, et briguer la présidence en misant sur la
déliquescence de l'autorité du président Alejandro Toledo?
Au consulat du Pérou de Tokyo, Alberto Fujimori, 67 ans, obtenait
mercredi le renouvellement de son passeport péruvien.
"Tout fonctionne comme l'a prévu le comité politique et
cela signifie que nous inscrirons la candidature de Fujimori en janvier
prochain" expliquait alors à Lima Luis Delgado Aparicio, secrétaire
général du parti fujimoriste Sí Cumple (un nom qui
signifie littéralement "Oui il accomplit" ou "Oui il tient parole").
La clôture de l'inscription des candidats à la présidence
est fixée au 9 janvier 2006 et le premier tour de l'élection
présidentielle au 9 avril 2006, avec des législatives concomitantes.
Alberto Fujimori prétend depuis longtemps qu'il sera candidat. Ce vendredi, il annonce à
nouveau, sur son site internet www.fujimorialberto.com,
sa "participation politique aux élections de l'année prochaine".
Le procureur anticorruption du Pérou, Antonio Maldonado, affirme
pour sa part que le renouvellement du passeport par le consulat de Tokyo
"prouve que Fujimori est, a été et sera Péruvien,
ce qui implique des droits et des obligations". Et parmi les obligations,
le procureur cite celle de se soumettre à la justice péruvienne,
qui a ouvert contre Alberto Fujimori vingt-deux procès pour corruption
et crimes contre l'humanité qu'il aurait commis pendant ses dix
années de présidence (1990-2000).
Antonio Maldonado critique ainsi implicitement le Japon, qui a refusé
à deux reprises d'extrader Fujimori, arguant de la nationalité
japonaise qu'il possède aussi. Selon le procureur, Fujimori "se réfugie
dans la nationalité japonaise pour échapper à la justice,
mais se déclare Péruvien pour être candidat" [à
la présidence]. Une prétention abusive, poursuit le procureur,
vu "l'inhabilité de dix ans prononcée par le Congrès"
(Parlement) péruvien contre l'ex-président exilé.
La stratégie visant au retour du "Chinois", surnom populaire de
Fujimori au Pérou, s'est accélérée avec le lancement,
en juillet 2003, du parti Sí Cumple. Il rassemble fujimoristes convaincus
et des déçus de Perú Posible (Pérou possible),
la formation de l'actuel président de centre droit Alejandro Toledo.
Très active, l'équipe fujimoriste distribue à Lima
communiqués de presse, photographies et vidéos. Concoctée
à Tokyo, l'émission radiophonique "La hora del chino" (L'heure
du Chinois) est diffusée par des stations locales dans 20 des 24 départements
du Pérou. Le site Internet de Fujimori offre en espagnol,
en anglais et en japonais la pensée politique de l'ex-président
et ses déclarations d'innocence face aux charges portées contre
lui.
Alberto Fujimori est notamment accusé d'être le coauteur intellectuel
de 25 assassinats perpétrés lors de deux tueries successives,
en 1991 et 1992 à Lima, par le Grupo Colina, un escadron de la mort
composé de 35 militaires protégés par le pouvoir. Les
victimes, dont neuf étudiants et un professeur de l'Université
La Cantuta, étaient soupçonnées d'appartenir au groupe
terroriste maoïste Sendero Luminoso (Sentier lumineux).
Pour la prochaine élection présidentielle,
le dernier sondage national réalisé par la société
Datum octroie à Alberto Fujimori 20% des intentions de vote,
à égalité avec l'une des favorites, Lourdes Flores, candidate des conservateurs
de l'Unidad Nacional (Unité nationale).
Populiste autoritaire, Alberto Fujimori a été considéré
par les Nations unies comme l'un des dix dirigeants les plus corrompus
de la planète. En 2000, sa déchéance débuta
par la diffusion d'une vidéo montrant Vladimiro Montesinos, chef
des services secrets fujimoristes, corrompre un parlementaire avec des liasses
de billets de banque. La multiplication de telles "vladividéos" scella
la chute de Fujimori et son exil au Japon.
Que pareils antécédents ne l'empêchent pas de caracoler
aujourd'hui dans le haut des sondages donne la mesure de l'effondrement
de la popularité, inférieure à 10%, du président
Toledo, successeur de Fujimori à la tête de l'Etat.
Bousculé par des crises ministérielles à répétition,
des vagues de grèves, des jacqueries ethniques, la résurgence
de la guérilla maoïste du Sentier lumineux et par des accusations
de corruption et de falsification de signatures pour permettre en 1998 la
légalisation de son parti País Posible (devenu Perú Posible),
Alejandro Toledo voit, comme Fujimori en 2000, sa crédibilité
battue en brèche.
C'est probablement sur cette déliquescence de l'autorité
présidentielle que mise l'ex-président pour tenter son retour.
Invoquant diverses irrégularités supposées, César
Nakasaki, avocat de Fujimori, réclame l'annulation des procès
ouverts contre lui. Le climat délétère
dans lequel baigne la politique péruvienne risque-t-il de contaminer
la justice et de faire changer de camp la légalité?
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