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Attentats déstabilisateurs neutralisés?
Venezuela-présidentielle: Hugo Chavez favori / Bilan de 8 ans de chavisme
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Le président Hugo Chavez: sûr de sa victoire, il veut instaurer la "réélection indéfinie" Photo DanielGalli / Prensa Presidencial |
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L'opposant Manuel Rosales: "carte noire" pour les pauvres, alimentée par les revenus pétroliers Photo www.atrevetevenezuela.com |
CARACAS, dimanche 3 décembre 2006 (LatinReporters.com)
- Pétrole, populisme, crainte de manoeuvres déstabilisatrices
et consolidation de la gauche latino-américaine contre "l'impérialisme
yankee" sont au centre de l'élection présidentielle du 3 décembre
au Venezuela. Favori, le président Hugo Chavez prédit sa victoire
"par KO". Son principal adversaire, Manuel Rosales, gouverne l'Etat de Zulia,
le plus riche et le plus peuplé du pays.
"Nous allons les gifler souverainement. Nous
allons les battre par KO" s'exclamait Hugo Chavez, lors de son dernier meeting
électoral à Caracas, le 26 novembre, à propos de ses
13 adversaires de l'élection présidentielle. Il exhortait
la foule vêtue de rouge à ne pas oublier "que nous affrontons
le diable lui-même, le gouvernement impérialiste des Etats-Unis.
Notre principal adversaire, c'est l'empire le plus puissant de la terre,
non les larbins qu'il a ici".
Seize des 27 millions de Vénézuéliens sont appelés
aux urnes. Le scrutin est à tour unique et le candidat obtenant le
plus de voix sera, quel que soit son pourcentage, président de la
République bolivarienne du Venezuela pendant six ans.
Des violences sont redoutées. En prévision de troubles, les Caraqueños se précipitent
sur les conserves, le lait, l'eau minérale et autres produits de première
nécessité. Dans plusieurs supermarchés, les stocks sont
épuisés.
Le président Chavez affirmait
jeudi soir que les services de sécurité venaient de neutraliser
une tentative d'assassinat de l'opposant Manuel Rosales par des "groupes
fascistes radicaux", assassinat que ces groupes avaient l'intention d'imputer
au gouvernement pour le déstabiliser. Un projet d'attentat contre
des trains vénézuéliens aurait aussi été
désactivé. Hugo Chavez prétend que ses instigateurs,
qu'il n'a pas identifiés, visaient à créer un "effet
Madrid", en référence aux attentats islamistes qui ont fait
191 morts et près de 2.000 blessés le
11 mars 2004
dans quatre trains desservant la banlieue madrilène, contribuant trois jours plus
tard à la défaite du parti gouvernemental espagnol aux élections
législatives.
Le 6 novembre dernier, c'est "l'effet ukrainien" que prônait publiquement
Rafael Poleo, directeur d'un journal d'opposition. Il exhortait les Vénézuéliens,
en cas de victoire d'Hugo Chavez, à dénoncer "la fraude électorale"
massivement dans la rue, comme les Ukrainiens en novembre 2004, pour que
l'armée intervienne et dépose le président.
La plupart des sondages n'en annoncent pas moins
la probable réélection d'Hugo Chavez avec au moins 60% des
suffrages. Elu pour la première fois à la présidence
en décembre 1998 avec 56,2% des voix (et une abstention de 36,54%),
reconduit en juillet 2000 sur le score de 59,76% (avec une abstention de
43,69%) sur la base du mandat de six ans instauré par la nouvelle
Constitution bolivarienne (elle-même plébiscitée par
71,78% des électeurs en décembre 1999), Hugo Chavez devrait
donc remporter à 52 ans sa 12e victoire électorale consécutive,
tous types de scrutins confondus. Le chavisme a succédé à des
décennies de monopole démocrate-chrétien et social-démocrate
du pouvoir.
Considérant sa victoire acquise, Chavez a confirmé jeudi
devant la presse convoquée au Palais présidentiel de Miraflores
son intention de réviser prochainement la Constitution à la
lumière "de la nouvelle réalité mondiale, continentale
et nationale" et d'y inscrire la "réélection indéfinie"
à la présidence. La Constitution bolivarienne de 1999 n'autorise
que deux mandats présidentiels consécutifs. Sans révision,
Hugo Chavez ne pourrait pas se représenter en 2012. Or, il a l'ambition
de durer, mais en s'appuyant toujours sur des urnes ouvertes au pluralisme,
ce qui le différencie de son ami et allié cubain Fidel Castro.
Projection internationale et popularité
nationale d'Hugo Chavez
Rescapé de la tentative de
coup d'Etat d'avril 2002 et du
référendum "révocatoire"
d'août 2004 (59% des électeurs se prononçant
alors contre sa destitution), Hugo Chavez en a retiré une plus grande projection internationale,
entretenue et élargie par sa truculente hostilité
envers le président américain George W. Bush et par la contagion
bolivarienne de l'Amérique latine.
Des gauches diverses gouvernent 11 des 19 pays latino-américains
(ceux dont la langue officielle est l'espagnol, plus le Brésil). Sans
nécessairement souscrire au "socialisme du 21e siècle" dont
se réclame Hugo Chavez sans l'avoir défini et malgré
des dissensions parfois vives (notamment entre Lima et Caracas), toutes
ces gauches acceptent ou tolèrent la réactivation du symbole
d'unité qu'est encore le libertador historique Simon Bolivar, fossoyeur
au 19e siècle de la domination espagnole.
Venezuela, Cuba, Bolivie et Equateur forment aujourd'hui le front bolivarien
radicalement antiaméricain. Le Nicaragua les rejoindra peut-être si le
sandiniste Daniel Ortega,
élu président le 5 novembre
dernier, retrouvait ses vieux accents révolutionnaires, émoussés
au point de s'accommoder d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis.
Par ailleurs, membre depuis cette année du Mercosur (marché
commun sud-américain qui regroupe aussi le Brésil, l'Argentine,
le Paraguay et l'Uruguay), le Venezuela d'Hugo Chavez y devient le promoteur
de grandes infrastructures régionales, tel le futur gazoduc sud-américain,
destiné à l'approvisionnement énergétique du
sous-continent sur un parcours de 8.000 km. Les ambitions régionales de Chavez sont
crédibilisées par les revenus pétroliers du Venezuela, 5e exportateur mondial de
pétrole brut. Les Etats-Unis demeurent paradoxalement son principal client.
Dans son pays, Hugo Chavez a maintenu et même peut-être accru sa
popularité grâce à deux facteurs conjugués: d'une
part, la hausse du prix du pétrole, qui a relancé la croissance
vénézuélienne de 17% en 2004 et de 9% en 2005, et,
d'autre part, les "missions" sociales, financées par la manne
pétrolière, menées avec une nuée de professionnels
cubains, dont plus de dix mille médecins.
Dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'habitat,
de l'agriculture (des terres ont été redistribuées à de petits paysans) et de l'alimentation, ces "missions" épaulent les
populations défavorisées. Mais elles ne rebutent pas la classe
moyenne. Dans les "Mercal", la vente directe d'aliments à prix "solidaire"
est accessible à tous, comme les analyses et médicaments gratuits
dans les dispensaires de quartier. Hugo Chavez ratisserait donc large.
Ses adversaires qualifient cette politique de populiste, car dépendant
d'un seul homme cherchant à se lier au peuple par une gigantesque
aumône qui créerait une clientèle électorale d'assistés
sans garantir l'avenir et sans s'embarrasser de mécanismes intermédiaires
propres aux démocraties traditionnelles.
Malgré le pétrole et les "missions", la pauvreté reste
élevée au Venezuela après huit ans de chavisme. Plusieurs grèves
générales lancées par l'opposition y ont contribué. Entre décembre 2002 et février 2003, une grève insurrectionnelle paralysa pour la première fois le secteur pétrolier, qui assure 50% du PIB, 50% des rentrées fiscales et 80% des exportations.
Les statistiques gouvernementales vénézuéliennes indiquent que depuis 1998 la
pauvreté serait passée de 44% à 34% de la population. Mais selon des chiffres
théoriquement plus neutres publiés par le Ministère français des Affaires
étrangères, plus de 70% de la population vénézuélienne
vit en état de pauvreté, dont 50% dans une extrême pauvreté.
La même source ajoute que si le chômage a été
ramené de 20% à 16% en 2004, il se conjugue à un sous-emploi
élevé et à une grande importance du secteur informel.
Le directeur de Data Analisis, Luis Vicente Leon, estime
néanmoins que les Vénézuéliens sont en majorité
satisfaits de l'action gouvernementale en matière d'éducation,
de santé et d'alimentation. Par contre, ils s'inquiètent de
la criminalité (10.000 homicides par an), du chômage et de
la corruption.
La "carte noire", arme de choc de l'opposant Manuel Rosales
Parmi les 13 adversaires d'Hugo Chavez dans la course à la présidence,
seul Manuel Rosales, 53 ans, a la stature d'un challenger. Plusieurs de
ses meetings ont réuni chacun plus de cent mille personnes. Renonçant
provisoirement, pour briguer la présidence, à son poste de
gouverneur de l'Etat de Zulia, le plus peuplé (3,5 millions d'habitants)
et le plus riche du pays (on y extrait 80% du pétrole vénézuélien),
Manuel Rosales est parvenu à maintenir son fief en marge de l'impressionnante
série de victoires électorales d'Hugo Chavez. Il a réuni
sous son nom une quarantaine de partis et d'associations dont l'éparpillement
ôtait toute force à l'opposition.
Social-démocrate, ancien éducateur et père de dix enfants, Manuel
Rosales prône une "démocratie sociale". Sa principale
arme électorale est une "carte noire" aussi populiste que les "missions"
qu'elle prétend concurrencer en puisant, comme elles, dans la manne
pétrolière. Il s'agit d'une carte de crédit effectivement
de couleur pétrole brut, que le candidat de l'opposition exhibait dans les meetings.
Elle serait distribuée aux 2,5 millions de Vénézuéliens
les plus nécessiteux et leur permettrait, en cas de victoire de Manuel
Rosales, de retirer chaque mois de distributeurs automatiques l'équivalent
de 230 à 400 euros. Selon Manuel Rosales, les 35 milliards de dollars de largesses que Chavez
aurait offertes à divers pays, principalement à Cuba, auraient pu couvrir pendant trois ans le fonctionnement de la "carte noire".
Crédité parfois de 40% des intentions de vote, mais prétendant
que ses propres sondages prédisent sa victoire, Manuel Rosales présente
l'élection présidentielle comme "un choix entre la démocratie
et un système communiste à la Castro, qui prive le peuple
de liberté". Selon lui, le risque de "cubanisation du Venezuela"
se refléterait notamment dans la prétention d'Hugo Chavez
de s'éterniser au pouvoir, dans la manipulation des listes d'électeurs
et dans la création d'un corps de milliers de réservistes
militaires dépendant directement de la présidence.
L'opposition reproche aussi à Hugo Chavez d'intimider les médias
et de faire des Cercles bolivariens une police idéologique de quartier
à l'image des Comités de défense de la révolution
cubaine. Un reproche particulièrement grave adressé au président
est la publication, par le député chaviste Luis Tascon, de
la liste des plus de 2,5 millions de Vénézuéliens qui
avaient sollicité et obtenu la convocation, en août 2004 contre
Chavez, du référendum "révocatoire" prévu par
la Constitution bolivarienne.
La "liste Tascon" servirait à
écarter des emplois publics tous les signataires de la sollicitude
du référendum "révocatoire", transformant ainsi en fiction
la "démocratie participative" dont se réclame Hugo Chavez.
Ajoutant à cette supposition le licenciement effectif de 19.500 cadres,
employés et ouvriers de la société publique Petroleos
de Venezuela (PDVSA) après la grève insurrectionnelle de 2002-2003,
on comprend mieux l'inquiétude qu'inspire la
prise d'empreintes digitales lors du vote électronique.
Les leaders de l'opposition semblent ne plus croire en une manipulation des machines à
voter, mais ils pensent que des électeurs seront intimidés, craignant, surtout s'ils ne sont
pas chavistes, que la prise d'empreintes ne brise ce 3 décembre le secret de leur vote.
La crédibilité de leçons de démocratie dépend-t-elle
de celui qui les donne? Manuel Rosales avait avalisé la tentative
de coup d'Etat d'avril 2002, signant le décret putschiste qui porta
à la présidence du Venezuela pendant à peine 48 heures
le dirigeant de la principale organisation patronale, Pedro Carmona. Manuel
Rosales réplique que le lieutenant-colonel Hugo Chavez mena lui-même,
en février 1992 contre le président social-démocrate
Carlos Andres Perez, une tentative de coup d'Etat qui fit des dizaines de
morts et de blessés.
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