|
Castro, Chavez et l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA)
Cuba-Venezuela: Chavez se réclame du socialisme et cite Marx devant Castro
|
Hugo Chavez et Fidel Castro au Théâtre Karl Marx de La Havane le 29 avril 2005 Photo Ministerio de Comunicación e Información (Caracas) |
LA HAVANE, lundi 2 mai 2005 (LatinReporters.com) - Mélange de panlatino-américanisme,
de populisme social et d'opposition à Washington, la révolution
du président vénézuélien Hugo Chavez est désormais
officiellement "socialiste". Le proclamant à La Havane devant Fidel
Castro, le président Chavez a cité Karl Marx en prônant
l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA).
Le 2 décembre 1961, Fidel Castro, au pouvoir alors depuis près
de trois ans, proclamait que la révolution cubaine était socialiste
et adhérait au marxisme-léninisme. Cuba devenait un bastion
communiste.
Vendredi dernier à La Havane, Hugo Chavez, président du Venezuela
depuis 1998, définissait ainsi sa révolution: "Nous l'appelons
bolivarienne, mais c'est du socialisme. Nous devons réinventer le
socialisme. Je renie la notion de révolution démocratique et
je mise sur celle de démocratie révolutionnaire... La démocratie
représentative fut un piège au Venezuela".
"Tous unis, reprenant le cri de Marx aux prolétaires du monde, unissez-vous!"
lançait ensuite Hugo Chavez, prophétisant que le 21e siècle
serait le siècle de l'Amérique latine.
Se proclamer socialiste et citer Marx à Cuba, au théâtre
Karl Marx de La Havane, devant Fidel Castro et des milliers de notables du
Parti communiste cubain n'a pas la même portée idéologique
que se dire socialiste à Paris, Madrid ou Berlin. A moins que ne l'ait
emporté sa verve oratoire, Hugo Chavez semble désormais pencher
vers un socialisme révolutionnaire -et non réformateur- d'ordinaire
associé à une organisation collectiviste de la société.
Tant Fidel Castro que Hugo Chavez ne cessaient pourtant, après leur
arrivée au pouvoir, de nier toute attirance vers le communisme. Leur
résistance à l'hostilité des Etats-Unis ne leur a peut-être
laissé d'autre choix que la radicalisation. Contrairement à
Castro, Chavez n'a toutefois pas remis en question le pluralisme politique.
ALBA contre ALCA-ZLEA
La nouvelle visite du président Chavez à Cuba s'inscrivait
dans le cadre de la "IVe Rencontre hémisphérique de lutte contre
l'ALCA".
L'ALCA (Area de Libre Comercio de las Americas) est le sigle espagnol de
la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques), soutenue par
les Etats-Unis et que La Havane et Caracas dénoncent comme répondant
"aux appétits de domination impériale". Contre l'ALCA, Hugo
Chavez propose l'ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques),
inspirée historiquement de la lutte du libertador Simon Bolivar pour
l'indépendance de l'Amérique du Sud contre le colonialisme
espagnol. Significativement, "alba" veut dire "aube".
"A l'aube du 1er janvier 2005, l'ALCA n'existait pas" exultait Hugo Chavez
à La Havane, ironisant ainsi à propos des prédictions
répétées du président américain George
W. Bush sur l'ouverture, dès 2005, d'une zone de libre-échange
allant de l'Alaska à La Terre de Feu. L'ALCA-ZLEA est en effet bloquée,
essentiellement par l'opposition du Brésil, qui reproche à
Washington de pratiquer un protectionnisme outrancier tout en exigeant des
autres pays une plus large ouverture aux produits et services en provenance
des Etats-Unis.
Vantant les progrès de l'ALBA par rapport à la stagnation de
l'ALCA, le président Chavez soulignait vendredi la signature de 26
accords commerciaux entre le Venezuela et le Brésil, le troc de pétrole
vénézuélien contre du bétail et d'autres produits
argentins et la vente de pétrole vénézuélien
à prix préférentiel à un nombre croissant de
pays d'Amérique latine.
L'intense coopération entre Cuba et le Venezuela, cinquième
exportateur mondial de pétrole, est présentée par MM.
Chavez et Castro comme le moteur de l'ALBA et l'exemple d'une alliance internationale
qui permettrait de résister à la globalisation néolibérale.
Outre l'intensification d'un commerce bilatéral exempt de droits de
douane, les 49 accords signés la semaine dernière par Cuba
et le Venezuela incluent notamment l'ouverture à La Havane de bureaux
de la Banque industrielle du Venezuela et de la PDVSA (Petroleos de Venezuela
S.A.), la compagnie pétrolière publique vénézuélienne.
La PDVSA et son homologue cubaine Cuba Petroleo étudieront ensemble
l'exploration pétrolière dans le golfe du Mexique et achèveront
une raffinerie que les Soviétiques avaient commencé à
construire dans la province de Cienfuegos, au sud de Cuba. Du brut vénézuélien
y sera traité et les produits raffinés approvisionneront les
pays des Caraïbes.
Besoins pétroliers de Cuba couverts
La vente à Cuba, depuis l'année 2000, de pétrole vénézuélien
à prix préférentiel et avec facilités de paiement
porte désormais sur 90.000 barils par jour révélait
vendredi à La Havane le ministre vénézuélien
de l'Energie, Rafael Ramirez. Cuba produisant elle-même 90.000 autres
barils quotidiens, sa consommation journalière de 180.000 barils est
actuellement couverte sans recours au marché international. L'économie
annuelle pour l'île de Fidel Castro sera de plus d'un milliard de dollars.
Hugo Chavez fournit aussi du brut à prix préférentiel
aux autres pays des Caraïbes et voudrait rapprocher, via la création
de Petrosur, la PDVSA vénézuélienne de la Petrobras
brésilienne, de l'Ecopetrol colombienne et de leurs homologues argentine
et uruguayenne.
En échange de l'aide du Venezuela, Cuba a déployé dans
ce pays 30.000 médecins et infirmiers, ainsi que des milliers d'éducateurs
qui soutiennent les programmes sociaux, notamment d'alphabétisation,
lancés par Hugo Chavez. A Cuba même, une foule de Vénézuéliens
jouissent gratuitement d'une formation universitaire ou d'interventions chirurgicales.
Fidel Castro estimait en mars dernier que, malgré l'embargo américain,
la coopération avec le Venezuela et les promesses chinoises d'investissement
situeraient Cuba au seuil de "l'invulnérabilité économique".
La Bolivie, l'Equateur et le Pérou, où de puissants mouvements
indiens autochtones s'opposent régulièrement à des gouvernements
impopulaires, sont considérés par les observateurs comme les
pays les plus exposés au message d'indépendance qu'offre l'ALBA
à l'égard des Etats-Unis. En 2006, les victoires éventuelles
des sandinistes du Nicaragua et de la gauche mexicaine d'Andres Manuel Lopez
Obrador aux élections présidentielles et législatives
renforceraient le camp de Hugo Chavez et Fidel Castro.
Par contre, le positionnement du président Chavez en faveur d'un socialisme
applaudi à Cuba suscitera des réserves auprès de dirigeants
latino-américains relevant d'une gauche plus modérée,
tels le chilien Ricardo Lagos et même le brésilien Luiz Inacio
Lula da Silva.
A l'incertitude révolutionnaire, le Brésil préfère
son ambition d'être reconnu comme puissance mondiale émergente
à qui reviendrait de droit, comme à la Chine, un siège
permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Néanmoins
interlocuteur privilégié de Chavez, Lula tentera probablement
de le tempérer.
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS
Venezuela: Hugo Chavez déclare "la guerre aux latifundia"
Dossier Venezuela
Dossier Cuba
Dossier Globalisation
Tous les titres
|
|