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Bolivie: autonomie contestée de Santa Cruz proclamée par une marée humaine
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L'autonomie et des photos de la foule à la une samedi de la presse bolivienne |
SANTA CRUZ DE LA SIERRA, samedi 29 janvier 2005 (LatinReporters.com) - Entre 200.000 et 300.000
personnes ont proclamé vendredi à Santa Cruz de la Sierra,
chef-lieu du riche département de Santa Cruz, une Assemblée
provisoire chargée d'établir la première autonomie régionale
en Bolivie. Acculé par la pression régionaliste, le président
bolivien Carlos Mesa n'avait donné son feu vert que la veille.
"Notre autonomie, basée sur l'esprit de l'autodétermination,
est irréversible... Qu'ils sachent [à La Paz] que nous n'allons
plus les allaiter" s'est exclamé devant la multitude le chef d'entreprise
Ruben Costas, président du Comité Civique Pro Santa Cruz. Sur
l'immense place del Cristo de la Concordia, la foule criait "Autonomie!" en
agitant des drapeaux verts et blancs, couleurs de la région.
Organisateur du rassemblement, le Comité Pro Santa Cruz regroupe
des organisations patronales, dont il est proche, mais aussi des syndicats,
des associations de paysans et d'autres mouvements sociaux censés représentés
des couches humbles de la population. Des responsables se réclament
du modèle régional espagnol. Ils se disent opposés au
séparatisme, "sauf si une véritable autonomie nous était
refusée".
Couvrant à l'est de la Bolivie 370.621 km2, le tiers de la superficie
nationale, limitrophe du Brésil et du Paraguay, Santa Cruz est le plus
vaste des neuf départements boliviens. Industrie, agriculture, élevage
et surtout ressources énergétiques du sous-sol assurent sa
richesse. Santa Cruz et le département proche de Tarija renferment
près de 90% des hydrocarbures boliviens. Les réserves de gaz
naturel de la Bolivie sont les plus importantes d'Amérique latine après
celles du Venezuela.
Santa Cruz fournit le tiers du PIB du pays et, selon Ruben Costas, "plus
de la moitié" des ressources fiscales. Les 2,4 millions d'habitants
du département, le quart de la population bolivienne, jouissent du
plus haut indice national de développement humain.
La hausse du prix des carburants, étincelle et prétexte
Locomotive économique de la Bolivie, Santa Cruz en consomme de 60 à
70% des carburants. Aussi est-ce dans ce département qu'on s'opposa
avec le plus de virulence à l'augmentation du prix de l'essence (+10%)
et surtout du gazole (+23%) décrétée le 30 décembre
dernier par le président Mesa.
Une annulation partielle de la hausse des carburants n'a pas calmé
les esprits, car l'explosion régionaliste dont elle fut le prétexte
couvait depuis longtemps. Ni Santa Cruz ni Tarija n'avaient pris part -ou
peu- à la "guerre du gaz" qui fit quelque 80 morts en octobre 2003,
lorqu'une coalition de syndicats, de communautés indiennes et d'associations
diverses de la Bolivie andine plus pauvre se mobilisa contre l'exportation
de gaz naturel vers l'Amérique du Nord via le Chili.
Les partisans de l'autonomie régionale occupent depuis le devant
de la scène politique à Santa Cruz et à Tarija. L'émiettement
de la plupart des grands partis nationaux aux élections municipales
de décembre dernier conforte ce régionalisme. Tarija a également
constitué son Comité civique, considéré comme
l'allié de celui qui vient de proclamer l'autonomie de Santa Cruz.
Dans les deux départements, les notables locaux revendiquent la libre
exportation des hydrocarbures. Ils n'apprécient pas un projet de
loi prévoyant une renationalisation du secteur et l'annulation de
contrats avec des multinationales.
Provoquant de violents affrontements, des milliers de paysans, Indiens
autochtones pour la plupart, tentèrent de couper des routes menant
à Santa Cruz de la Sierra pour torpiller la proclamation de l'autonomie
régionale. L'influent dirigeant autochtone Evo Morales, leader du
Mouvement vers le socialisme (MAS, premier parti national aux municipales
de décembre) estime que "l'oligarchie de Santa Cruz est financée
par les Etats-Unis".
Alors que la Constitution bolivienne n'autorise ni les autonomies régionales
ni l'élection directe des gouverneurs de départements, qui
doivent être désignés par le président de la République,
un décret de Carlos Mesa lu à la presse vendredi soir par le ministre de la
Présidence, José Galindo, annonce l'élection au suffrage
universel, le 12 juin prochain, des gouverneurs des neufs départements.
Cette victoire des régionalistes de Santa Cruz est renforcée
par l'engagement du gouvernement d'approuver une loi sur les autonomies régionales.
Dès le second semestre de cette année, une Assemblée
constituante mettra en chantier une nouvelle Constitution qui modifiera sans
doute le modèle unitaire de l'Etat.
Selon l'analyste politique Andrés Soliz Rada, "désigner les
gouverneurs de Santa Cruz et de Tarija, où se trouve la quasi totalité
des 53 trillions de pieds cubes de gaz naturel, sans prendre en compte les
intérêts des grandes compagnies pétrolières, comme
Shell, Enron, Repsol, Total, British Gas et Amoco, qui opèrent en Bolivie,
reviendrait à étudier le système respiratoire de l'homme
sans tenir compte des poumons".
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