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Sans besoin de la France ni de Chavez
La libération d'Ingrid Betancourt par l'armée d'Uribe sonne le glas des FARC
3 Américains et 11 militaires et policiers également délivrés
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L'une des premières images d'Ingrid Betancourt libre - Capture d'écran LatinReporters |
BOGOTA, jeudi 3 juillet 2008 (LatinReporters.com) -
Réussie le 2 juillet, l'opération "Jaque" de libération par l'armée colombienne de 15 otages
des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) sonne
le glas, en tout cas politiquement, de cette vieille guérilla marxiste
déjà très affaiblie militairement. D'autant que la Franco-Colombienne
Ingrid Betancourt et les trois Américains qui sont parmi les libérés
étaient les pièces maîtresses du chantage par lequel
les FARC prétendaient contraindre Bogota à négocier
d'égal à égal.
Critiqué et vilipendé durant des années, par la famille
et les comités Betancourt, par la France et par des pays latino-américains
autoproclamés progressistes qui, tous, prônaient une négociation
avec les FARC pourtant déclarées terroristes par l'Union européenne
et les Etats-Unis, le président conservateur colombien Alvaro Uribe
tient désormais une éclatante revanche.
C'est son armée et elle seule, avec il est vrai l'appui technologique
des Etats-Unis, qui a délivré les 15 otages, sans même
tirer un seul coup de feu ni faire la moindre victime. En France, la soeur
d'Ingrid, son ex-mari, ses deux enfants, le Quai d'Orsay, la présidence
et les comités dits de soutien ne cessaient pourtant de prier Uribe
de cantonner ses troupes dans les casernes sous prétexte que tout
mouvement mettait en péril la vie des otages. Le comble est qu'on
a eu l'impression que mercredi soir, à Paris, tout ce beau monde,
sauf néanmoins le président Sarkozy, qui a félicité
Uribe et son armée, s'attribuait un rôle décisif dans
la libération d'Ingrid Betancourt.
Ingrid elle-même a balayé cette impertinence. Car à
peine avait-elle embrassé sa mère Yolanda Pulecio en débarquant
sur la base militaire proche de Bogota, que la célèbre ex-otage
disait "Merci à mon armée de ma patrie la Colombie... Je demande
aux Colombiens de croire en notre armée". Elle exprimait aussi sa
reconnaissance au président Uribe pour avoir assumé le risque
de la délivrer. "Une opération de libération est une
option moins mauvaise que la séquestration" a argumenté Ingrid
Betancourt. Après six ans et quatre mois dans le bagne révolutionnaire
des FARC, elle sait de quoi elle parle. L'étonnant est que ni son
aplomb ni son sourire ni les traits de son visage ne reflètent la
santé vacillante qu'on lui prêtait depuis des mois. Tout au plus cherchait-elle ses mots
dans un long "Merci la France", en français.
Opération héliportée après infiltration
des FARC
Les otages, dont Ingrid Betancourt et les Américains Marc Gonsalves,
Thomas Howes et Keith Stansell, sous-traitants du Pentagone dans la lutte
contre la drogue, ont été libérés lors d'une
opération héliportée de l'armée, a annoncé
à la presse le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel
Santos. Onze militaires et policiers colombiens, officiers et sous-officiers,
ont également retrouvé la liberté lors de cette opération,
menée dans la province de Guaviare, dans le sud-est de la Colombie.
Selon le ministre Santos, "les otages ont été libérés
lors d'une opération de l'armée au cours de laquelle il a été
possible d'infiltrer le premier cercle des FARC, celui qui a surveillé
pendant les dernières années un important groupe d'otages".
Comme les otages séquestrés étaient divisés
en trois groupes, l'armée, invoquant grâce à ses agents
infiltrés parmi les gardiens guérilleros un faux ordre d'Alfonso
Cano, le nouveau chef des FARC, a obtenu que les otages soient réunis
"soit-disant toujours sur ordre de Cano" par leurs geôliers et que leur
transfert se déroule dans un lieu du sud du pays.
"Puis un hélicoptère, qui en réalité appartenait
à l'armée nationale et avait à son bord des membres
des services secrets, a libéré les otages dans le lieu de regroupement
à proximité du département du Guaviare", a précisé
M. Santos. "César", le chef des geôliers des FARC, et ses guérilleros
ont été immédiatement "neutralisés et les otages
sont actuellement libres", a annoncé M. Santos.
Le ministre a également affirmé "que grâce à diverses
procédures, il a été possible d'infiltrer" le secrétariat
des FARC, organe suprême politique et militaire de la guérilla.
Selon Ingrid Betancourt, "il n'existe pas de précédent historique
d'une opération aussi parfaite".
Baptisée "Jaque" [aux échecs, "jaque mate" signifie "échec
et mat"; ndlr], l'opération fut en fait menée par un commando
militaire se faisant passer pour un groupe de volontaires humanitaires mêlés
de soi-disant journalistes.
Le président Alvaro Uribe renforcé
La Franco-Colombienne appelle à la mobilisation pour faire libérer
les centaines d'otages que détiennent encore les FARC et elle reconnaît
nourrir toujours à 46 ans une ambition présidentielle.
Elle n'en loue pas moins le ciel d'avoir offert à la Colombie la réélection
en 2006 du "très bon président" Alvaro Uribe. Son voisin, le
président vénézuélien Hugo Chavez, appréciera.
Il ne cesse, malgré des embrassades épisodiques, de traiter
le président Uribe de mafieux et de paramilitaire. Les six otages
remis au début de l'année à Chavez par les FARC n'étaient
malgré eux que les pions d'une stratégie visant à redorer
l'auréole nationale et internationale du bouillant Vénézuélien
en échange de son aide militaire et financière à la
guérilla. Début juin, Chavez priait néanmoins les FARC d'abandonner les armes
au profit de la politique. Comme Sarkozy, le leader du socialisme bolivarien rêvait de parrainer la
libération d'Ingrid Betancourt. C'est loupé.
Le prestige de cette libération revient à Alvaro Uribe et
à son ministre de la Défense, Juan Manuel Santos. Preuve en
est, parmi d'autres, le "Grand merci au président Uribe, à
Juan Manuel et à toute l'armée" offert par la mère d'Ingrid,
Yolanda Pulecio, qui ne jurait pourtant ces derniers mois que par Chavez,
croyant voir en lui la clé de la libération de sa fille.
Jouissant déjà d'une popularité intérieure supérieure
à 80%, sans égale sur le continent américain, Alvaro
Uribe, grâce à la spectaculaire libération des 15 otages,
est désormais mieux armé pour faire face à tous les
types de guérilla: celle des FARC, qui a déjà perdu
cette année trois de ses sept principaux chefs, dont l'historique
Manuel Marulanda, et la guérilla institutionnelle de la Cour suprême
colombienne de justice. Celle-ci met en doute la légitimité
d'Alvaro Uribe en attribuant à la corruption présumée
d'une seule parlementaire, Yidis Medina, l'approbation de l'amendement constitutionnel
qui a permis la réélection du président en 2006.
Sur le plan international, le renforcement du conservateur Uribe, félicité
notamment par le Vatican, par Washington, par l'Organisation des Etats américains,
la Commission européenne, le Chili, la France, etc. servira de point
de repère aux adversaires de la gauche radicale qui gouverne le Venezuela, la Bolivie et l'Equateur.
Réussir à libérer des otages sans rien devoir payer
en échange est, par les temps qui courent, une leçon quasi
planétaire. Le candidat républicain à la Maison blanche,
John McCain, en visite en Colombie au moment de la libération dont
viennent donc de bénéficier aussi trois Américains,
recueillera peut-être quelque dividende électoral de sa présence
à ce moment providentiel. Comme le suggère l'analyste international
Isaac Bigio, l'un des plus cités par les médias latino-américains,
McCain pourrait présenter, pour contrer son rival démocrate Barack Obama, la fermeté payante d'Alvaro Uribe comme le chemin à suivre pour vaincre en Irak et
traquer efficacement Oussama Ben Laden.
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