BOGOTA, lundi 14 juin 2010 (LatinReporters.com) - Déjà
largement favori du second tour, le 20 juin, de l'élection présidentielle en Colombie,
le conservateur Juan Manuel Santos pourrait réaliser
un score historique après la libération, dimanche par l'armée,
du général Luis Mendieta et de trois autres officiers, tous
otages de la guérilla des FARC depuis près de 12 ans.
"Nous venons de délivrer le général Mendieta, qui était
séquestré par les terroristes des FARC [Forces armées
révolutionnaires de Colombie]. Il est sain et sauf aux mains de l'armée"
s'exclamait à la télévision le président sortant, Alvaro Uribe,
le premier à communiquer la nouvelle au pays.
Et la nouvelle est de taille, car l'opération réussie a été
menée à une semaine jour pour jour du second tour de l'élection
présidentielle. Attribué à Alvaro Uribe, ce succès
rejaillit nécessairement sur son dauphin, l'ex-ministre de la Défense
Juan Manuel Santos. La semaine dernière, les trois derniers sondages
lui attribuaient entre 61,6% et 66,5% des intentions de vote, contre 27,4%
à 29,8% à l'ancien maire de Bogota et candidat du Parti Vert,
Antanas Mockus. Cet avantage considérable de Santos pourrait désormais
atteindre des proportions inégalables en Amérique latine.
Pour les FARC, l'affront est d'autant plus cinglant qu'elles diffusaient le
6 juin des preuves de vie de quatre autres policiers et d'un militaire séquestrés,
tentant ainsi de mettre à profit la campagne électorale pour
forcer la négociation d'un accord dit humanitaire. Il s'agit de la
vieille aspiration de la guérilla à se faire reconnaître
comme interlocuteur politique par Bogota et par la communauté internationale
en négociant la libération de ses otages contre celle de centaines
de guérilleros incarcérés.
Mais voilà que sans la moindre négociation, l'armée
vient de libérer le plus haut gradé des otages de la guérilla,
le général Mendieta, le jour même de son anniversaire
(53 ans). Deux de ses compagnons d'armes appartenant comme lui à la
police nationale, les colonels Enrique Murillo et William Donato, ainsi qu'un
militaire, le sergent Arbey Delgado, ont également retrouvé
la liberté.
Baptisée "Opération Caméléon" et menée
par 300 militaires, qui n'auraient pas subi la moindre perte, l'action s'est
déroulée dans le département du Guaviare (sud-est),
à 28 km exactement de l'endroit où,
le 2
juillet 2008, Ingrid Betancourt, trois Américains et onze officiers et sous-officiers colombiens
furent arrachés des mains des FARC par une ruse spectaculaire de l'armée
colombienne. Juan Manuel Santos était alors ministre de la Défense.
Luis Mendieta et Ingrid Betancourt partagèrent une partie de leur
longue captivité. Dans l'un de ses témoignages de vie diffusé
par les FARC, le général évoquait la santé chancelante
de la Franco-Colombienne, transportée sur un hamac lors des longues
marches dans la forêt des guérilleros et de leurs otages.
"L'Etat colombien ne peut pas renoncer aux sauvetages militaires !" s'est
exclamé Juan Manuel Santos. Il venait d'apprendre le succès
de l'Opération Caméléon au moment où il clôturait
dans la ville de Medellin sa campagne électorale pour le second tour
de la présidentielle.
Le favori du scrutin à réitéré son opposition
à la négociation avec les FARC du "mal nommé accord
humanitaire", qui n'aurait "rien d'humanitaire" et viserait à "manipuler"
les otages, leur famille et l'opinion publique.
"Nous allons persévérer dans les sauvetages militaires et continuer
à mettre les FARC sous pression. Nous ne nous reposerons pas avant
qu'il n'y ait plus un seul séquestré en Colombie" a insisté
Santos. Selon lui, Alvaro Uribe est "le grand leader de la sécurité
démocratique" et voter le 20 juin servira "à maintenir l'héritage
du président Uribe, le meilleur de l'histoire de la Colombie". On
entendait à ce moment les cris "Uribe présent, Santos président"
fuser autour de Juan Manuel Santos.
Son adversaire Antanas Mockus partageait une même conviction anti-Farc
lors de son ultime porte-à-porte électoral à Bogota.
Félicitant l'armée, il a réaffirmé dimanche,
comme lors de sa campagne du premier tour, que "rien ne peut être
négocié avec les FARC et il ne faut pas les écouter
tant qu'ils n'auront pas libéré le dernier otage. S'ils [les
guérilleros] acceptaient la Constitution colombienne et ne séquestraient
plus personne, alors, oui, existerait un espace pour le dialogue".
Conclusion déjà connue : que le prochain président colombien
soit Antanas Mockus ou plus probablement Juan Manuel Santos, tous deux libre-échangistes
et américanophiles, ni les FARC ni leur allié vénézuélien
Hugo Chavez (ni la France serait-on tenté de dire au vu de l'attitude
peu glorieuse de Paris dans le dossier Betancourt) ne pourront miser sur le commerce
politique d'otages pour influer sur la Colombie.
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Les quatre otages libérés à leur arrivée à
Bogota, le 14 juin 2010. De gauche à droite: général Luis Mendieta, colonel William Donato, colonel Enrique Murillo et sergent Arbey Delgado, tous séquestrés par les FARC en 1998 - Photo elespectador.com |
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