BOGOTA, samedi 29 mai 2010 (LatinReporters.com) - Elu
le 30 mai ou plus probablement le 20 juin au second tour, le prochain président
de la Colombie sera, selon les sondages, soit
Antanas Mockus, candidat du
Parti Vert, soit Juan Manuel Santos, ex-ministre de la Défense et dauphin
du président sortant, le conservateur Alvaro Uribe. Cela signifie que
la guérilla marxiste des FARC et son allié vénézuélien
Hugo Chavez seront parmi les grands perdants de cette élection présidentielle.
Les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) appellent
les électeurs à l'abstention face à "l'horizon obscur
dessiné par les candidats". Obscur, certes, pour un terrorisme insurrectionnel
qui prétend toujours négocier la libération de
ses otages contre celle de centaines de rebelles incarcérés
et s'ériger ainsi en interlocuteur politique reconnu par Bogota et
la communauté internationale.
Cette tactique de l'accord dit humanitaire avait déjà du plomb
dans l'aile depuis le 2 juillet 2008, date à laquelle l'armée
colombienne, patronnée alors par le ministre Santos,
libérait
les plus précieux des otages des FARC, Ingrid Betancourt, trois Américains
et onze officiers et sous-officiers colombiens.
La narco-guérilla marxiste misait néanmoins sur l'arrivée
au palais de Nariño d'un président plus flexible qu'Alvaro Uribe
et que son dauphin Juan Manuel Santos. Mais tant ce dernier que le candidat
des verts, l'ex-maire de Bogota Antanas Mockus, signifient qu'ils ne céderont
pas.
"L'accord humanitaire n'a rien d'humanitaire. C'est un jeu des FARC avec la
douleur des séquestrés et de leur famille" clame Santos. Selon
lui, négocier avec la guérilla un échange de prisonniers
encouragerait la prise d'otages.
Le refus du candidat du Parti Vert est tout aussi tranché. On se rappellera
néanmoins que les Verts européens, qui applaudissent aujourd'hui
Antanas Mockus, réclamaient à cris, comme le président
et les médias français et de multiples comités en Europe,
l'accord humanitaire lorsqu'Ingrid Betancourt était encore captive
des guérilleros.
| |
Spot de campagne d'Antanas Mockus : "Ne pas céder ni même un millimètre aux FARC" | |
|
"Je ne veux pas entendre parler de dialogue avec les FARC tant qu'il y aura
des otages" avertit Antanas Mockus. Il croit, comme Santos, que négocier
avec la "bande terroriste" un prétendu accord humanitaire "l'encouragerait
à continuer à séquestrer" et que "les otages seraient
libérés plus rapidement si nous étions tous capables
d'être fermes et radicaux".
Quant au président vénézuélien Hugo Chavez, il
doit avoir compris que ni Santos ni Mockus ne feront de la Colombie voisine
le grand allié idéologique sans lequel le socialisme dit bolivarien
cultivé à Caracas s'estime géographiquement et historiquement
incomplet. L'Equateur et la Bolivie sont déjà ses quasi protectorats,
mais il manque à Chavez le contrôle idéologique de la
Colombie et du Pérou pour parfaire le symbole fort de la "lutte anti-yankee"
que serait la reconstitution de l'empire formé brièvement au
19e siècle par le libertador Simon Bolivar, dont l'autocrate de Caracas
aime brandir une copie de l'épée lors de cérémonies
militaires.
Ni Antanas Mockus ni moins encore Juan Manuel Santos ne dénonceront
l'
accord
du 30 octobre 2009 qui offre aux forces des Etats-Unis l'usage d'au moins sept bases
militaires colombiennes pendant une période de dix ans renouvelable. Mockus estime que la
sécurité de la Colombie est mieux assurée par cet accord
que Chavez qualifie de menace pour le Venezuela, pour son pétrole
et sa révolution, ainsi que pour les régimes de gauche d'Amérique
latine. Le gel par le Venezuela, depuis près d'un an, de ses relations
diplomatiques et commerciales avec la Colombie découle de cet accord militaire.
Mockus et Santos maintiendront aussi l'accord de libre échange signé
en 2006 par la Colombie avec les Etats-Unis (mais pas encore ratifié
par Washington). Il avait poussé Hugo Chavez à retirer le Venezuela
de la Communauté andine des nations.
En janvier
2008, devant l'Assemblée nationale vénézuélienne,
le président Chavez invitait l'Europe à ne plus considérer
comme terroristes et même à reconnaître les guérillas
colombiennes des FARC et de l'ELN (Armée de libération nationale).
Ces "forces insurgées ont un projet politique, un projet bolivarien
qui, ici [au Venezuela], est respecté" argumentait Chavez.
Le 1er mars dernier,
la justice
espagnole accusait le Venezuela d'appuyer
une alliance terroriste nouée entre les FARC et les Basques de l'ETA
pour tenter d'assassiner des politiciens colombiens lors de visites en Europe.
Le président Uribe et Mockus figurent parmi les personnalités
explicitement visées. Tout en souhaitant normaliser les relations
avec Caracas, l'ancien maire de Bogota a prévenu que, s'il était
élu président, il demanderait à Chavez d'expulser ceux
des chefs des FARC et leurs hommes qui jouissent au Venezuela de bases de
repli et d'entraînement.
Enfin, que le libre-échangiste et nullement antiaméricain Antanas
Mockus se soit hissé, contre toute attente, au rang d'alternative
humaniste grâce aux principaux réseaux sociaux
de l'Internet, Facebook et Twitter, au point d'être désigné
par les sondages comme vainqueur probable du second tour de la présidentielle
colombienne, cela inflige au pouvoir en place une leçon d'humilité
que Chavez tentera d'empêcher au Venezuela. Malgré l'engouement
soudain du bouillant président pour Twitter,
le web vénézuélien sera-t-il bientôt, à
l'instar de l'audio-visuel, dompté à coups de décrets
bolivariens comme l'envisageait récemment Hugo Chavez ?
RÉAGIR - COMMENTAIRES
-
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS