|
Le président Rafael Correa en route vers le "Socialisme du 21e siècle"
Equateur : référendum sur une Constituante aux pleins pouvoirs
QUITO, samedi 14 avril 2007 (LatinReporters.com) - Dénommé
"Consultation populaire nationale", le référendum du 15 avril
en Equateur sur la convocation d'une Assemblée constituante "aux pleins
pouvoirs" ouvrira ou non la route vers le "Socialisme du 21e siècle"
que le président Rafael Correa revendique à l'instar de son
allié vénézuélien Hugo Chavez.
Trois mois jour pour jour après l'investiture de Rafael Correa,
docteur en économie de 44 ans et ... huitième président de l'Equateur en
10 ans (!), les 9.180.000 électeurs de ce petit pays d'Amérique
du Sud sont appelés à répondre à la question
"Approuvez-vous la convocation et l'installation d'une Assemblée
constituante aux pleins pouvoirs conformément au Statut électoral
ci-joint, afin qu'elle transforme le cadre institutionnel de l'Etat et élabore
une nouvelle Constitution?"
Les sondages prévoient une victoire du oui et donc de Rafael
Correa avec plus de 60%. Le président a évoqué une possible
démission en cas d'échec, liant ainsi son sort au scrutin, ce
qui mobilise peut-être autant ses adversaires que ses partisans.
Sur chaque bulletin référendaire, aux côtés
des cases OUI et NON à cocher au choix, sont imprimés les 23
articles du "Statut de l'élection, installation et fonctionnement
de l'Assemblée constituante". On y indique que ses 130 membres
seraient élus au suffrage universel dans les 150 jours suivant une
éventuelle victoire du oui. Les constituants auraient ensuite 180
jours et même 240 si nécessaire pour forger à la majorité
absolue, en disposant "des pleins pouvoirs", une nouvelle Charte fondamentale
qui "respectera les droits fondamentaux des citoyens, approfondissant leur
contenu social et progressiste".
La nouvelle Constitution devra ensuite être à son tour approuvée
par référendum, lui-même probablement suivi de nouvelles
élections générales -présidentielle et législatives-
qui couronneraient ce bouleversement des fondements de l'Etat. Aussi les
Equatoriens pourraient-ils subir jusqu'à l'été ou l'automne
2008 une crispation électorale semblable à celle qui a marqué
la présidentielle à deux tours remportée en novembre
2006 par Rafael Correa avec 56,67% des suffrages. (Une victoire due notamment à l'appui
de l'importante minorité amérindienne, forte d'un tiers des 13,9 millions d'habitants).
La portée des "pleins pouvoirs" de l'Assemblée constituante
n'est pas explicitée dans son "Statut" imprimé sur les bulletins
de vote. "Des voix malintentionnées ont prétendu que des
pleins pouvoirs pourraient attenter à la propriété privée,
aux droits fondamentaux des familles et des êtres humains. Rien de
plus absurde..." déclarait le 12 avril le président Correa dans
un message télévisé
en faveur du oui.
Il ajoutait que "pleins pouvoirs signifient simplement que le pouvoir constituant
est au-dessus des pouvoirs constitués. C'est-à-dire que les
pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, constitutionnel et
électoral seront soumis à l'autorité de l'Assemblée
nationale constituante".
Rafael Correa affirme qu'il ne copiera pas le modèle vénézuélien,
évitant notamment les nationalisations. La refonte des institutions via une Constituante
fut néanmoins la voie suivie au Venezuela par Hugo Chavez et, en Bolivie, Evo Morales
espère conclure le même processus cette année. Les présidents
Correa, Chavez, Morales, ainsi que le Cubain Fidel Castro et le Nicaraguayen
Daniel Ortega forment, aux yeux des analystes politiques, le groupe radical dit "bolivarien"
au sein des gauches latino-américaines.
Le président Correa a confirmé qu'il ne renouvellera pas,
à son échéance en 2009, l'accord qui a cédé
aux Etats-Unis l'usage de la base militaire aérienne de Manta, sur
la côte équatorienne du Pacifique.
Le chef de l'Etat devrait très prochainement, comme il l'avait annoncé
lors de sa campagne électorale de 2006, renégocier les contrats
d'une douzaine de sociétés pétrolières, dont
l'hispano-argentine Repsol-YPF, la brésilienne Petrobras, la canadienne
Perezco, l'italienne AGIP et les américaines Burlington et City. Avec
540.000 barils quotidiens, l'Equateur est le 5e producteur latino-américain
de pétrole brut.
Le 3 avril, présentant son plan économique 2007-2011, Rafael
Correa annonçait une réduction substantielle du remboursement
annuel de la dette extérieure (10,2 milliards de dollars à fin
2006). En 2011, ce remboursement représentera 11,8% du budget national,
contre 38% l'an dernier. La dette "illégitime" sera ignorée.
Les investissements sociaux passeront pendant la même période
de 22 à 38,4% du budget annuel.
Guérilla institutionnelle
Selon l'industriel Mauricio Pinto, le président Correa prétendrait
convertir "l'Etat en patron sous l'influence de la politique étatique
du président vénézuélien Hugo Chavez" et il voudrait
"une concentration de pouvoirs pour contrôler des secteurs stratégiques".
La campagne pour le non à l'Assemblée constituante a été
menée principalement par L'Union démocrate chrétienne
(UDC) de l'ex-président Osvaldo Hurtado. L'un des dirigeants de l'UDC, Carlos Larreategui,
estime qu'avec le référendum
Rafael Correa chercherait à obtenir "un chèque en blanc pour
gouverner et mener l'économie à sa guise".
Cette opinion est partagée par le magnat de la banane Alvaro Noboa,
homme le plus riche d'Equateur et candidat malheureux de Rafael Correa à
la présidentielle de 2006. Il affirme que "cette consultation de dimanche
est menée habilement pour donner plus de pouvoirs à Correa,
pour accroître le nombre d'abus dictatoriaux".
La convocation du référendum a été entourée
d'une insolite guérilla institutionnelle entre le Tribunal suprême
électoral (TSE) et le Congrès (Parlement monocaméral),
hostile à une Assemblée constituante qui réduirait
le rôle des parlementaires actuels. Le TSE, dont le Congrès
prétendait limoger le président pour avoir convoqué le
référendum sans l'aval parlementaire,
s'est déclaré autorité suprême en période
électorale et a destitué, avec l'appui de Rafael Correa et
de manifestants favorables au chef de l'Etat, 57 des 100 députés,
remplacés par des suppléants dont certains sont plus enclins à composer
avec le pouvoir présidentiel.
Misant d'emblée sur une Assemblée constituante, par mépris
pour la particratie et pour n'avoir sans doute pas pu structurer à
temps des réseaux d'intérêts provinciaux suffisamment
denses, Rafael Correa et sa coalition Alianza Pais (Alliance Pays) n'avaient
pas présenté de candidats aux élections législatives
concomitantes du premier tour de la présidentielle, le 15 octobre
2006.
Le 9 mars dernier, alors que l'imbroglio institutionnel s'épaississait,
les dix journaux les plus importants du pays exhortaient le président
Correa "à respecter la loi, à rechercher l'unité nationale,
à ne pas interpréter arbitrairement la Constitution (...)
et à ne pas provoquer division et affrontements entre Equatoriens".
version imprimable
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS
Equateur-référendum: oui massif à une Assemblée constituante et au président Correa
L'Equateur vire à gauche: "révolution" de Rafael Correa et reflux des Etats-Unis
Dossier Equateur
Dossier Venezuela
|
|