|
Revendications séparatistes dans un nouvel emballage d'ETA-Batasuna
Espagne / Basques : cocktail autonomie - Navarre - autodétermination pour "surpasser" le conflit
| |
Arnaldo Otegi, leader apparent de Batasuna | |
|
MADRID, jeudi 8 février 2007 (LatinReporters.com)
- La vitrine politique des séparatistes armés de l'ETA, le
parti basque Batasuna, accepterait désormais l'autonomie régionale
définie par la Constitution espagnole, mais à condition qu'elle
soit assortie d'un "droit à décider, y compris de l'indépendance"
non contemplé, lui, par la Constitution et étendu à
la Navarre.
Malgré ce nouvel emballage, qualifié avec une satisfaction
prudente de "changement" par le gouvernement socialiste de José Luis
Rodriguez Zapatero, autodétermination et territorialité (mot
accolé par ETA-Batasuna à son ambition expansionniste) restent
donc au coeur du problème basque. L'acceptation apparente et soudaine
du cadre légal des autonomies vise explicitement à s'en émanciper.
En outre, le recours à la pression terroriste n'est nullement condamné
ni même écarté.
Hors-la-loi, inscrit comme l'ETA sur la liste des organisations terroristes dressée par
l'Union européenne, mais très actif sous la bienveillance peu
expliquée du gouvernement de M. Rodriguez Zapatero, le parti Batasuna
distribuait mercredi à Saint-Sébastien le texte de ses nouvelles
propositions.
Elles étaient commentées aux journalistes par Arnaldo Otegi,
leader supposé et principal porte-parole de la formation indépendantiste.
Il prétendait néanmoins s'exprimer au nom de l'ensemble de
la gauche "patriotique" (abertzale) basque, ce qui suffit aujourd'hui
à contourner l'interdit frappant théoriquement les actes publics de Batasuna.
Destinées à relancer le processus dit de paix entre Madrid
et l'ETA rompu par l'attentat du 30 décembre contre l'aéroport
de la capitale, les propositions des indépendantistes ont fait la
une de la majorité des médias espagnols.
Confirmant que "le droit à décider du peuple basque" (euphémisme
remplaçant le mot autodétermination, trop chargé politiquement)
et son "articulation territoriale" sont "les deux grandes questions qui ont
alimenté et alimentent en permanence le conflit", le texte de la "gauche
abertzale" dont se prévaut Batasuna énonce les mesures qui
seraient "suffisantes pour défaire ces deux grands noeuds et surpasser
ainsi le conflit politique dans l'Etat espagnol".
Le processus serait lancé par "un accord politique qui, partant de
l'actuelle réalité politique et institutionnelle" déboucherait
sur une "Autonomie politique" englobant "les territoires d'Alava, de Biscaye
du Guipuzcoa et de Navarre". [Les trois premiers sont les trois provinces
formant l'actuelle Communauté autonome basque; ndlr].
Ce nouveau cadre politique "confierait aux citoyens des quatre territoires
la capacité de décider librement de leur futur politique et
institutionnel, étant ainsi garanti que tous les projets politiques,
y compris l'indépendantiste, puissent être non seulement défendus,
mais aussi matérialisés s'il s'agit du souhait majoritaire
des citoyens exprimé pacifiquement et démocratiquement".
Le processus devrait être approuvé "obligatoirement par la
majorité des citoyens tant de la Communauté autonome basque
que de la Communauté forale de Navarre" [nom administratif officiel
de la Navarre, dite "forale" car jouissant de privilèges historiques, les "fueros"; ndlr].
Arnaldo Otegi a souligné que "nous sommes indépendantistes
et nous aspirons à construire un Etat comprenant sept territoires [les
trois provinces du Pays basque espagnol, la Navarre et, au Pays basque français,
le Labourd, la Soule et la Basse-Navarre; ndlr]. Aussi, les nouvelles propositions ne dessineraient-elles
qu'une "étape".
Le 27 janvier à Uztaritz (Pyrénées Atlantiques), le
porte-parole en France de Batasuna, Xabi Larralde, priait Paris d'octroyer
aux trois territoires basques "du Nord" une "autonomie avec pouvoir exécutif
et législatif", qualifiée de "pas tactique sur le chemin de
la souveraineté" de l'Euskal Herria, la Patrie basque couvrant les
sept provinces "du Nord" et "du Sud".
Le journal espagnol ABC (droite démocratique) croit les indépendantistes
pourraient revendiquer et tenter d'utiliser un projet d'eurorégion
transpyrénéenne comme moule de l'Euskal Herria.
La 4e disposition transitoire de la Constitution espagnole admet une éventuelle
"incorporation" de la Navarre "au régime autonome basque", moyennant
accord majoritaire du gouvernement régional navarrais et ratification
par référendum. Mais la Constitution ne prévoit pas,
contrairement aux nouvelles propositions de Batasuna, qu'un référendum
régional puisse être associé à l'octroi du droit
à l'autodétermination.
Il s'agit là d'un prix politique réclamé par anticipation pour "surpasser" le conflit.
La violence terroriste devrait ainsi être récompensée avant que l'ETA
ne dépose peut-être les armes, sans même le promettre. Les
conservateurs qui dirigent la Navarre refusent d'emblée de se prêter à ce jeu.
"L'autodétermination n'existe pas dans notre ordre juridique" a rappelé
récemment à plusieurs reprises José Luis Rodriguez Zapatero
pour tempérer ardeurs indépendantistes et critiques de la droite.
Cette dernière reproche au chef du gouvernement d'avoir, avec son processus
frustré dit de paix, ravivé l'espoir dans la galaxie ETA-Batasuna.
Au lendemain de la présentation du nouveau cocktail indépendantiste
mêlant l'autonomie régionale, le Pays basque, la Navarre, l'autodétermination
et l'indépendance, les socialistes y décelaient, contrairement
au Parti Populaire (opposition conservatrice), une évolution positive.
Le journal pro-gouvernemental El Pais clamait à la une "Otegi propose
une seule autonomie pour la Navarre et le Pays basque au sein de l'Etat espagnol",
ignorant dans ce titre la revendication d'autodétermination qui conditionne
et dénature l'acceptation, transitoire en outre sur le chemin de l'indépendance,
d'une autonomie régionale apparemment constitutionnelle.
Un point fait l'unanimité entre socialistes, conservateurs et la
quasi totalité des éditorialistes: après l'attentat
du 30 décembre, toute proposition d'ETA-Batasuna devrait être
précédée ou accompagnée d'un renoncement clair
et définitif à la violence terroriste.
version imprimable
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS
Zapatera, Zapatero... "Le Pays basque, Québec de la France et de l'Espagne"
Trop tard pour circonscrire les nationalismes basque et catalan?
Dossier Pays basque-ETA
Dossier Espagne
|
|