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L'attentat à l'aéroport de Madrid revendiqué par les séparatistes basques
Espagne-attentat: points clés de la revendication de l'ETA, qui dit maintenir sa trêve... et menace de frapper encore
MADRID, mercredi 10 janvier 2007 (LatinReporters.com) - L'autodétermination
d'un territoire englobant Pays basque espagnol, Navarre et Pays basque français
reste l'objectif des séparatistes basques de l'ETA, selon leur communiqué
revendiquant l'attentat du 30 décembre à l'aéroport
de Madrid. Paradoxalement, l'ETA dit maintenir son cessez-le-feu annoncé
en mars 2006 tout en menaçant de frapper encore.
L'attentat, qui a fait deux morts et des dégâts évalués
à plus de 30 millions d'euros, a conduit le président du gouvernement
socialiste espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, à déclarer
d'abord la "suspension", puis le "point final" de son processus dit de paix
ouvert avec l'ETA. M. Zapatero comparaîtra le 15 janvier devant le
Congrès des députés pour exposer sa politique antiterroriste
et répondre aux critiques du Parti Populaire (PP, droite, 40% de l'électorat).
Le ministre de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, a qualifié
de "sarcasme" le communiqué dans lequel l'ETA revendique l'attentat
du 30 décembre, le justifiant par un "blocage" entretenu par Madrid
et prétendant néanmoins observer toujours une trêve... sous réserve
d'éventuels nouveaux attentats qui dépendront du "comportement du gouvernement
de l'Espagne". Ce dernier est accusé de ne pas respecter de mystérieux "engagements".
Rédigé en basque, ce long communiqué a été
envoyé mardi au Pays basque au quotidien indépendantiste Gara.
LatinReporters en traduit les points clefs en respectant l'ordre dans lequel
ils sont énoncés par l'ETA.
Points clés de la revendication de l'ETA (extraits du communiqué
des séparatistes)
"ETA, organisation basque socialiste révolutionnaire pour la libération
nationale veut communiquer aux citoyens basques sa lecture de la situation
politique neuf longs mois après notre annonce du cessez-le-feu...
La situation de blocage [du processus dit de paix; ndlr] a des responsables
directs. Le gouvernement de l'Espagne et le PSOE [Parti socialiste ouvrier
espagnol que dirige M. Zapatero; ndlr] ... ont établi comme plafond
du processus les limites de la Constitution espagnole et de la légalité...
ces limites politiques qui garantissent l'oppression politique, militaire
et économique de l'Euskal Herria [Patrie basque incluant aussi,
selon l'ETA, la Navarre et le Pays basque français; ndlr] ne serviront
qu'à alimenter le conflit...
Le gouvernement de l'Espagne n'a pas encore fait les pas visant à
annuler ses mécanismes de guerre et de répression. Le gouvernement
de l'Espagne continue à ne pas respecter ses engagements du cessez-le-feu...
[Dans une liste de griefs adressés à Madrid, les séparatistes
relèvent notamment] "La torture, plus de cent détentions
par diverses forces de police depuis que l'ETA communiqua l'arrêt de
ses actions"...
La solution du conflit réside dans la proposition politique que la
gauche patriote a répété sans cesse et qui est devenue
majoritaire au sein de la société basque: la reconnaissance
des droits nationaux de l'Euskal Herria, le respect de la décision
des citoyens basques et le surpassement de la division territoriale imposée
actuellement. Il est pour cela nécessaire de définir et de
construire pour l'Euskal Herria un nouveau cadre juridico-politique fondé
sur le droit à l'autodétermination et sur la territorialité
[la revendication de la territorialité est, pour l'ETA, celle
d'un territoire comprenant le Pays basque espagnol, la Navarre et le Pays
basque français; ndlr]...
Les décisions et les réponses de l'ETA dépendront du
comportement du gouvernement de l'Espagne... tant que se maintiendra la situation
actuelle d'attaque contre l'Euskal Herria, l'ETA aura l'entière détermination
de répondre, comme nous l'avions fait savoir dans le communiqué
d'août [2006].
L'ETA revendique l'action à la bombe qui provoqua de grands dommages
le 30 décembre 2006 à l'aéroport de Barajas de Madrid...
l'objectif de l'action armée n'était pas de causer la moindre
victime... nos condoléances les plus sincères aux deux personnes,
Carlos Alonso Palate et Diego Armando Estacio, qui ont perdu la vie dans cette
action, ainsi qu'à leurs familles, amis et au peuple de l'Equateur
[Carlos et Diego, deux jeunes immigrés équatoriens, dormaient dans leur voiture
au moment de l'explosion d'une fourgonnette piégée de l'ETA
dans un parking de l'aéroport international de Madrid-Barajas. Ils
n'avaient pas entendu les appels à l'évacuation lancés
après trois appels téléphoniques de l'ETA avertissant
de l'imminence de l'explosion; ndlr]...
Enfin, l'ETA tient à dire que le cessez-le-feu permanent qui débuta
le 24 mars [2006] à 0h est toujours en vigueur.
Vive l'Euskal Herria libre! Vive l'Euskal Herria socialiste! Sans répit
jusqu'à l'obtention de l'indépendance et du socialisme!"
Observations
-L'ETA se définit comme "socialiste révolutionnaire".
Plusieurs de ses dirigeants historiques sont ou ont été définis
comme marxistes-léninistes. Parmi eux figure José Antonio Urrutikoetxea
Bengoetxea, alias Josu Ternera, principal interlocuteur supposé de
Madrid dans le lancement et lors des premiers mois du processus dit de paix
désormais avorté.
-Les séparatistes reprochent au gouvernement espagnol de ne pas vouloir
franchir "les limites de la Constitution espagnole et de la légalité".
Est-il imaginable, démocratiquement, que Madrid transgresse ces limites?
A moins que lors des contacts préalables à l'ouverture du processus
dit de paix, les émissaires de M. Zapatero n'aient pris le
risque de laisser entendre à l'ETA qu'il existerait des formules permettant
de contourner cet obstacle fondamental. Une telle hypothèse entrerait
dans le cadre des mystérieux "engagements" que l'ETA reproche à
l'exécutif de M. Zapatero de ne pas respecter. Madrid a plusieurs
fois nié l'existence de tels "engagements".
-Les prétendus "engagements" du gouvernement espagnol préalables
à l'ouverture du processus dit de paix pourraient aussi porter sur
un ralentissement de l'action policière, une indulgence du parquet
et l'assouplissement des conditions de détention des activistes de
l'ETA emprisonnés, voire sur la libération de certains d'entre
eux. L'ETA ayant dressé et diffusé un acte quasi notarial et non contesté de
son unique rencontre, en 1999 en Suisse, avec des émissaires du gouvernement
conservateur de José Maria Aznar, il est possible que les indépendantistes
diffusent prochainement les actes de leurs contacts avec les socialistes
de M. Zapatero.
-"Autodétermination" et "territorialité" (extension de la Patrie
basque, l'Euskal Herria, à la Navarre et au Pays basque français)
sont les deux grandes revendications historiques de l'ETA. Elles firent capoter
toutes les tentatives précédentes de négociation avec
d'autres gouvernements espagnols, qui se limitèrent à contempler
le sort des prisonniers basques et les modalités d'un adieu aux armes
des terroristes séparatistes. La revendication de l'autodétermination
et de la territorialité a été réitérée
publiquement par les séparatistes dès l'annonce, en mars 2006,
de leur cessez-le-feu lié au processus dit de paix. M. Zapatero avait
accepté de poursuivre le processus sur ces prémices polémiques.
-L'annonce paradoxale par l'ETA du maintien de son cessez-le-feu assorti
de menaces correspond à son espoir de maintenir, contre toute logique,
un processus dit de paix utile aux séparatistes, à la fois
pour conserver une qualité d'interlocuteurs qui les valorise, notamment
sur le plan international, et pour, sait-on jamais, voir M. Zapatero, qualifié
parfois de "pacifiste illuminé" par des éditorialistes, tomber
enfin tant soit peu dans les filets de l'autodétermination et de la
territorialité.
Dans cette perspective, l'attentat du 30 décembre n'aurait été aux yeux de l'ETA
qu'un gros coup de poing sur la table pour dynamiser la négociation. Une "négociation
plus nécessaire que jamais" dixit Batasuna, le parti hors-la-loi qui sert de vitrine politique à
l'ETA.
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