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Les séparatistes basques ont rompu leur "cessez-le-feu permanent"
Espagne - Zapatero et terrorisme de l'ETA: retour au km zéro, la crédibilité en moins
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5 janvier 2007: M. Zapatero félicite un pompier dans les ruines du parking de l'aéroport de Madrid soufflé le 30 décembre par une fourgonnette piégée de l'ETA - Photo Presidencia del Gobierno |
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par Christian Galloy
Analyste politique Directeur de LatinReporters
MADRID, samedi 6 janvier 2007 (LatinReporters.com) - Le "processus de paix" avec les
séparatistes basques de l'ETA et une part de la crédibilité du président
du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero,
gisent sous 40.000 tonnes de gravats d'un parking soufflé par l'explosion
d'une fourgonnette piégée de l'ETA, qui a fait 2 morts et 19 blessés
le 30 décembre à l'aéroport international de Madrid-Barajas.
L'attentat a rompu le
"cessez-le-feu permanent"
annoncé le 22 mars 2006 par les indépendantistes marxistes-léninistes.
Feu vert du Congrès espagnol des députés au dialogue
avec l'ETA, applaudissements des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil
européen, appui d'une (très courte) majorité d'eurodéputés
au Parlement de Strasbourg... la solennité nationale et internationale
dont M. Zapatero voulut parer son "processus de paix" semble aujourd'hui
si dérisoire qu'elle se retourne contre lui.
Ce processus était l'un des piliers essentiels de son mandat.
Les attentats de l'ETA ont fait depuis 1968 et surtout après la fin
de la dictature franquiste quelque 850 morts, plus de 2.300 blessés
et des pertes matérielles et financières évaluées
par la justice espagnole à
12 milliards d'euros.
Aujourd'hui, face à ce terrorisme, le chef du gouvernement se retrouve
au km zéro et sans politique de rechange connue. Porté contre
toute attente au pouvoir le 14 mars 2004 dans l'émotion des
attentats de Madrid
(191 morts et près de 2.000 blessés) perpétrés trois jours plus tôt
à la bombe par des islamistes, M. Zapatero sera-t-il expulsé du palais présidentiel
de La Moncloa par les bombes de l'ETA? Les élections municipales
et régionales du mois de mai apporteront une première réponse
avant les législatives de 2008.
Monopolisée par le Parti Populaire (PP, 40% de l'électorat),
l'opposition conservatrice conduite par Mariano Rajoy a forcé une
prochaine comparution de M. Zapatero au Parlement pour qu'il y explique
la politique gouvernementale contre le terrorisme.
Définie auparavant par la concertation entre le PP et les socialistes
au sein d'un Pacte antiterroriste, cette politique, comme d'autres, n'est
plus une affaire d'Etat. Depuis 2004, elle suit un destin partisan défini
par la seule gauche. Les socialistes ne disposant que d'une majorité
parlementaire relative, la désignation de M. Zapatero comme Président
du gouvernement fut en effet étroitement liée à
l'Accord
pour un gouvernement catalaniste et de gauche, dit Pacto del Tinell, signé
le 14 décembre 2003 par les socialistes, écolo-communistes
et indépendantistes républicains pour la formation du gouvernement
régional catalan. Elargi ensuite au niveau national, cet accord exclut
explicitement, en sa page 94, tout pacte régional ou national des
socialistes avec le Parti Populaire. Paradoxalement, M. Zapatero et ses ministres
reprochent au PP de n'avoir pas soutenu la politique antiterroriste qui vient
d'échouer.
Dressant un bilan politique, économique et social "très positif"
pour l'Espagne en 2006, M. Zapatero déclarait en conférence
de presse à Madrid, moins de 24 heures avant l'attentat du 30 décembre: "En ce qui concerne la lutte pour la fin de la violence, nous allons
bien sûr mieux qu'il y a 5 ans. Mais nous allons aussi mieux qu'il
y a un an et aujourd'hui, je vous exprime une conviction: dans un an, nous
irons mieux qu'aujourd'hui"...
(Voir vidéo).
Le lendemain, soufflant comme un château de cartes un parking de
4 étages et tuant deux immigrés équatoriens qui dormaient
dans leur voiture et n'avaient pas entendu les appels à l'évacuation
(l'ETA avait averti par téléphone de l'imminence de l'explosion),
l'attentat à l'aéroport de Madrid ridiculisait le triomphalisme
officiel.
Malgré les services de renseignement de "la 8e puissance mondiale"
(l'Espagne, selon M. Zapatero) dont se prévalait le dirigeant socialiste
pour accréditer la pertinence de son "processus de paix", nul au sein
de l'exécutif n'avait prévu le retour soudain du terrorisme
basque.
Zapatero annonce d'abord la "suspension", puis le "point final" du
dialogue avec l'ETA
Stupéfiant les Espagnols, M. Zapatero n'annonçait le jour
de l'attentat que "la suspension", mais non la rupture du dialogue avec l'ETA
aussi longtemps qu'elle n'abandonnerait pas la violence. Cinq jours plus tard,
le président du gouvernement se déclarait néanmoins
"plus déterminé qu'auparavant, si c'est possible, à oeuvrer
pour la paix", sans dévoiler ce que pouvait encore signifier cet
apostolat. Enfin, le 6 janvier, une semaine après l'attentat, M. Zapatero
reconnaissait devant des journalistes couvrant au palais royal la
cérémonie traditionnelle de la Pascua Militar (Epiphanie militaire)
que dialogue et "processus de paix" avec l'ETA "sont arrivés à
leur point final" ["han llegado a su punto y final"].
Plus prompt à interpréter l'opinion publique et pour tenter
de désamorcer les manifestations anti-Zapatero qui naissaient lors
d'hommages télévisés aux victimes du terrorisme, le
ministre de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, proclamait dès
le 2 janvier que l'ETA a "rompu, terminé, liquidé" le "processus
de paix".
Les séparatistes, dont la police basque a découvert depuis
l'attentat des dizaines de kilos d'explosifs prêts à l'emploi,
plongent pour leur part dans le surréalisme. Ils font dire à
leurs préposés au marketing politique de la terreur, les dirigeants
du parti indépendantiste Batasuna, que le "processus de paix" se
poursuit puisqu'aucun communiqué de l'ETA n'a jusqu'à présent
affirmé le contraire. Les bombes ne seraient donc que des coups de
poing sur la table pour dynamiser la négociation. Une "négociation plus
nécessaire que jamais" dixit Batasuna.
Hors-la-loi et inscrit, comme l'ETA, sur la liste européenne des
organisations terroristes, Batasuna et son principal porte-parole, Arnaldo Otegi, ont
rarement eu une existence publique aussi intense
que sous le mandat de M. Zapatero. Pourtant, selon la justice espagnole,
Batasuna relève organiquement de l'ETA. Comme pour le confirmer, Otegi
est un ex-condamné pour terrorisme et l'actuel chef supposé
de l'ETA, José Antonio Urrutikoetxea Bengoetxea, alias Josu Ternera,
un ex-député régional de Batasuna.
Fictivement séparé de l'ETA (fiction que M. Zapatero tolère),
le parti Batasuna défendait dans le "processus de paix" avorté
les exigences politiques des séparatistes. Leurs deux revendications
historiques, droit des Basques à l'autodétermination et extension
à la Navarre et au Pays basque français de la "territorialité"
de la Patrie basque (Euskal Herria), étaient au coeur du communiqué
annonçant le 22 mars "le cessez-le-feu permanent". L'ETA y revendiquait
le droit des Basques "à décider de leur futur" dans le cadre
de l'Euskal Herria. Les mots "autodétermination" et "territorialité"
allaient apparaître clairement dans plusieurs communiqués postérieurs
des séparatistes armés et dans des déclarations de dirigeants
de Batasuna.
Que dans ces conditions M. Zapatero ait accepté de lancer et de
maintenir son "processus de paix" a donné au couple ETA-Batasuna des
espoirs et une audace revendicative sans précédent. Mariano
Rajoy et son Parti Populaire estiment que l'Espagne a pour la première
fois fléchi ou donné à croire qu'elle féchissait devant les
revendications historiques des indépendantistes basques. Par crainte
ou par stratégie, Madrid s'efforça ces dernières semaines
de canaliser ou de paralyser cette dérive. L'ETA en a peut-être
déduit que des verrous qu'elle considérait désormais
comme fragiles ne résisteraient pas à un retour (ponctuel ou
durable?) à la violence. A moins que la trêve décrétée
en mars 2006 n'ait été, comme les précédentes,
qu'un leurre permettant à l'ETA de se réorganiser et de se réarmer.
Territorialité et autodétermination firent capoter les précédentes
négociations entre Madrid et l'ETA, les gouvernements du socialiste
Felipe Gonzalez et du conservateur José Maria Aznar se refusant à
contempler des revendications allant au-delà du sort des prisonniers
basques et des modalités d'un adieu aux armes. Publié par le
journal indépendantiste Gara,
"l'acte"
quasi notarial dressé par l'ETA de son unique rencontre, en 1999
en Suisse, avec des émissaires de M. Aznar atteste cette prudence.
(L'équipe d'Aznar rencontra également Batasuna, mais à
cette époque ce parti n'était pas hors-la-loi). L'ETA diffusera
peut-être aussi les actes de ses contacts avec les socialistes de M.
Zapatero. Feront-ils plus de bruit?
Alors que l'ETA ranimait la violence urbaine au Pays basque et reprenait,
en France notamment, ses vols d'explosifs, d'armes et de voitures,
302 eurodéputés
avertissaient, le 25 octobre au Parlement de Strasbourg, que négocier
dans ces conditions avec l'ETA "met en péril les principes de démocratie
et d'Etat de droit" de l'Union européenne. Frappant un chef de gouvernement,
José Luis Rodriguez Zapatero, un affront d'une telle ampleur est rarissime.
Reste à M. Zapatero son initiative
d'Alliance des civilisations
entre Occident et Islam... Avec prochain "cessez-le-feu permanent" d'Oussama Ben Laden?
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