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Mise en scène ou crise du processus de paix?
L'ETA menace de "répondre aux attaques" de l'Espagne et de la France
par Christian Galloy
Analyste politique Directeur de LatinReporters.com
MADRID, vendredi 18 août 2006 (LatinReporters.com)
- Accusant dans un communiqué l'Espagne et la France "de ne pas cesser
leurs attaques contre les citoyens basques", les indépendantistes
de l'ETA menacent de "répondre" si ces "attaques se poursuivent".
Mise en scène où première menace réelle d'une
reprise des attentats terroristes depuis le "cessez-le-feu permanent" annoncé
le 22 mars par l'ETA?
Publié vendredi par le quotidien basque Gara, le communiqué
est aussi le premier diffusé par les séparatistes après
l'annonce officielle de l'ouverture d'un "dialogue avec l'ETA" faite le
29 juin dernier par le président du gouvernement espagnol, le socialiste
José Luis Rodriguez Zapatero. Ce dernier avait alors indiqué,
au nom d'une discrétion censée garantir l'efficacité,
qu'une nouvelle information officielle sur ce dossier ne serait fournie
qu'en septembre.
L'organisation indépendantiste, dont les attentats ont fait près
de 850 morts et quelque 2.500 blessés depuis
1968, estime que le processus de paix "est plongé
dans une situation de crise évidente" et qu'une "attitude répressive
est incompatible avec le développement d'un processus de négociation".
L'ETA affirme que se poursuit "l'oppression politique, militaire et économique
de l'Euskal Herria" [ndlr; "patrie basque" englobant le Pays basque espagnol
et français, ainsi que la Navarre] et que "les Etats [Espagne et
France] continuent d'utiliser toute leur machine répressive contre
les piliers qui font de nous un peuple".
Les séparatistes soulignent à cet égard "les contrôles
et menaces des forces armées, la séquestration de citoyens
basques et les atteintes aux droits civils et politiques de la gauche patriote",
les "mesures d'exception contre les prisonniers politiques basques" et la
"persécution des exilés politiques".
En clair et en d'autres mots, cela veut dire que l'ETA s'insurge contre,
à la fois, le maintien au Pays basque d'un dispositif policier dissuasif,
la poursuite d'arrestations, l'interdiction qui frappe toujours le parti indépendantiste
Batasuna, le durcissement des peines en Espagne pour délit de terrorisme,
le maintien des prisonniers indépendantistes dans des prisons éloignées
du Pays basque et les actions de la police française contre les militants
de l'ETA au nord des Pyrénées.
L'organisation séparatiste déduit de ce constat que les autorités
espagnoles "continuent à ne pas respecter leurs engagements de cessez-le-feu".
L'ETA dénonce aussi "l'attitude mesquine" du Parti socialiste ouvrier
espagnol (PSOE, gouvernemental) de José Luis Rodriguez Zapatero et
du Parti nationaliste basque (PNV, centre droit), qui contrôle l'exécutif
régional.
Ces partis sont accusés de "tenter continuellement de dénaturer
et de vider de son contenu le processus" [de paix] en "identifiant la situation
actuelle à la fin de l'ETA et à l'acceptation docile du cadre [politique]
actuel par la gauche patriote".
Selon l'ETA, le PSOE et le PNV "prétendent construire un processus
à la mesure de leurs intérêts et besoins" et ils n'auraient
pas été "à la hauteur de leurs responsabilités".
Réactions
Les conservateurs du Parti populaire (opposition, 40% du Congrès
des députés) ont aussitôt exigé du gouvernement
de M. Zapatero la rupture du dialogue avec l'ETA, considéré
comme indigne par la droite (qui l'a pourtant pratiqué lorsqu'elle
était au pouvoir) et plus encore sous la menace.
Le PSOE, lui, réaffirme que "la paix n'aura jamais un prix politique".
Néanmoins, Odon Elorza, maire socialiste de la ville de Saint Sébastien,
grand réservoir du vote indépendantiste, parle de difficulté
passagère, qui "n'est ni la première ni la dernière"
du processus de paix. D'autres responsables socialistes assimilent le communiqué
à une simple "pression politique" et ne croient pas à une rupture
de la trêve.
Dans des milieux plus proches encore des séparatistes, on va jusqu'à
parler de "mise en scène programmée", les joutes verbales opposant
ETA et responsables du gouvernement socialiste visant paradoxalement, selon cette hypothèse,
à mobiliser leurs bases respectives sur le chemin sans retour de la paix.
Et dans le cadre de ce scénario, certains prédisent une rapide légalisation du
parti indépendantiste Batasuna, vitrine politique de l'ETA, ainsi qu'un regroupement prochain
au Pays basque de prisonniers de l'ETA actuellement incarcérés loin de leur région.
Mais ces mesures, si elles étaient prises cet été déjà,
permettraient au Parti populaire d'accuser le gouvernement socialiste
espagnol d'avoir cédé aux menaces de l'ETA.
En somme, comme l'a proclamé plusieurs fois M. Zapatero, le processus
de paix sera "long, dur et difficile ". D'autant plus que les séparatistes -et aussi avec des nuances les nationalistes dits modérés- ne cessent de réclamer la reconnaissance,
par l'Espagne et la France, du droit des Basques à l'autodétermination
dans l'ensemble de l'Euskal Herria. L'élargissement de l'autonomie
régionale, dont vient de bénéficier la Catalogne avec
l'aide de M. Zapatero, ne leur suffirait pas.
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