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Razzia en France sur 300 armes à feu attribuée aux séparatistes basques
Négocier avec l'ETA: Zapatero divise autant l'Europe que l'Espagne
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José Luis Rodriguez Zapatero: invité au respect de conditions pour négocier avec des terroristes - Photo PSOE |
STRASBOURG / MADRID, jeudi 26 octobre 2006 (LatinReporters.com)
- Près de la moitié des députés du Parlement
européen estime que la manière dont l'Espagne socialiste de
José Luis Rodriguez Zapatero mène un processus dit de paix
avec les terroristes séparatistes basques de l'ETA "met en péril
les principes de démocratie et d'Etat de droit".
Cet avertissement est le coeur de la proposition de résolution votée mercredi
à Strasbourg par 302 parlementaires mobilisés par le Parti
populaire européen (PPE, démocrate-chrétien), mais rejetée
par une majorité relative d'à peine 322 voix, essentiellement
socialistes, les abstentionnistes se chiffrant à 31.
Pour justifier sa réprobation, le PPE affirme dans son texte
que "les changements nécessaires au sein de l'organisation terroriste
ETA n'ont pas été opérés et que les conditions
[à une négociation avec l'ETA] fixées par la résolution
du Congrès [espagnol] des députés du 20 mai 2005 n'ont
pas été remplies".
En mai 2005, contre l'avis du PP (Parti populaire, branche espagnole du PPE),
la majorité des députés espagnols donnait le feu vert
au gouvernement de M. Zapatero pour dialoguer avec l'ETA pour autant "que
se produisent les conditions adéquates à une fin de la violence
dans le dialogue, [conditions] fondées sur une volonté claire
d'y mettre fin [à la violence] et sur des attitudes non équivoques
pouvant conduire à cette conviction...".
Cet appui conditionnel à une négociation avec les indépendantistes
basques était rappelé textuellement dans la proposition de
résolution préparée par les eurodéputés
socialistes, libéraux et verts européens pour soutenir, contrairement
au PPE, le processus ouvert par M. Zapatero avec l'ETA.
Or, au soir du 23 octobre, moins de 48 heures avant le débat au Parlement de Strasbourg
sur "Le processus de paix en Espagne", un commando armé s'emparait
dans une entreprise de la région de Nîmes (sud de la France)
de plus de 300 pistolets et revolvers et de milliers de cartouches. Confirmant
les soupçons de la police française, M. Zapatero a estimé
devant la presse que cette razzia, avec prise d'otages (dont une femme et
deux enfants), a "probablement" été perpétrée
par l'ETA.
Les eurodéputés socialistes percevaient le ridicule soudain
conféré par ce vol d'armes à leur proposition de résolution
et ils en éliminaient toute référence aux conditions
posées par le Parlement espagnol au dialogue de M. Zapatero avec l'ETA.
C'est à ce prix, qui prouve par omission que ces conditions ne sont
pas remplies, que la discipline de vote a pu fonctionner à Strasbourg
et la résolution ainsi dépourvue de base réelle présentée
par les eurosocialistes en faveur du processus dit de paix a été approuvée
mercredi par 321 voix contre 311 non
et 24 abstentions. Comme le souligne l'Association espagnole des victimes
du terrorisme (AVT), le président du gouvernement espagnol n'a donc
été soutenu que par moins de la moitié des 656 eurodéputés
présents (le Parlement européen en compte au total 730).
A l'exception de la presse nationaliste et indépendantiste basque,
ravie de l'internationalisation à Strasbourg de sa problématique régionale, la
quasi totalité des médias espagnols conclut à l'échec
de cette internationalisation promue par M. Zapatero, qui en espérait
une désapprobation cinglante du PP espagnol sur la scène européenne.
Même l'influent groupe médiatique PRISA, lié
par tant d'intérêts économiques au gouvernement socialiste
espagnol, se démarque de la stratégie de M.
Zapatero. Sous le titre "Division à Strasbourg", l'éditorialiste
d'El Pais, quotidien emblématique de PRISA, écrit jeudi à
Madrid que la victoire à Strasbourg de la résolution d'appui
à M. Zapatero est "si exiguë que selon toute probabilité
ses promoteurs se seraient abstenus de la proposer s'ils avaient connu le
résultat" [du vote].
"Amener cette question [le processus de paix avec l'ETA] à Strasbourg
sans tentative préalable de consensus entre les deux principaux partis
espagnols [PP et parti socialiste] a été une erreur" conclut
El Pais.
Titrant pour sa part "Victoire à la Pyrrhus qui doit faire réfléchir
le gouvernement", le principal concurrent d'El Pais, le journal de centre
droit El Mundo (son édition digitale est nº1 mondial de l'information
en espagnol sur Internet) affirme dans son éditorial que la décision de M. Zapatero de
porter le dossier basque à Strasbourg "a divisé les démocrates
en Espagne et à l'extérieur et a donné des ailes à
l'ETA et à Batasuna" [parti considéré par la justice
espagnole comme une branche politique de l'ETA et figurant comme elle sur
la liste européenne des organisations terroristes].
José Luis Rodriguez Zapatero est critiqué non pour son désir,
unanimement partagé, d'aboutir à la fin de la violence au Pays
basque (où toute aspiration indépendantiste est tolérée si elle
ne couvre pas l'assassinat politique), mais plutôt pour son entêtement à engager des
négociations dans un contexte controversé. Repris à Strasbourg par le
porte-parole des eurosocialistes, le député allemand Martin Schultz, l'argument
de M. Zapatero selon lequel "l'essentiel est de faire en sorte qu'il n'y
ait pas davantage de victimes" est moralement discutable. Faudrait-il, au
même titre, négocier la paix avec Al-Qaïda?
Obligé par son opinion publique de tirer les conséquences du
vol massif d'armes à feu perpétré "probablement" par
l'ETA le 23 octobre dans la région de Nîmes, M. Zapatero l'a
qualifié de fait "grave et sérieux qui aura des conséquences
le moment venu, mais nous n'allons pas nous précipiter".
Officiellement, le processus dit de paix reste ouvert. Malgré
des tracasseries de la Justice espagnole elle-même divisée sur
ce processus, la police semble lever le pied en Espagne dans la poursuite
de terroristes de l'ETA depuis leur annonce, le 22 mars, d'un "cessez-le-feu
permanent". Proche des indépendantistes, le journal Gara mentionnait
le 10 juillet dernier cette mansuétude comme élément
d'un pacte conclu par M. Zapatero avec les séparatistes.
Il est possible que ce pacte, s'il existe vraiment, encourage l'ETA à
utiliser aujourd'hui le Pays basque espagnol comme tremplin pour mener des
actions au Pays basque français, revendiqué aussi par les indépendantistes.
Pareil retournement, le sud de la France ayant été longtemps
la base arrière naturelle de l'ETA, ne tarderait pas à envenimer
les relations entre Madrid et Paris.
Le vol d'armes du 23 octobre est la cinquième action d'envergure
qu'aurait menée l'ETA en France depuis avril 2005. Les quatre précédentes
portèrent sur le vol de plusieurs tonnes de composants d'explosifs
et de matériel pour confectionner de faux documents officiels et de
fausses plaques d'immatriculation de véhicules.
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