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Espagne: "première réunion officielle" Madrid-ETA? Question ridicule...
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L'ETA annonce un "cessez-le-feu permanent" (22 mars 2006): une mise en scène et un discours négociés avec Madrid - Vidéo-photo ETB |
par Christian Galloy
Analyste politique Directeur de LatinReporters
MADRID, mercredi 20 décembre 2006 (LatinReporters.com) - "Le
gouvernement et l'ETA ont tenu jeudi [14 décembre] leur première
réunion officielle" titrait le 20 décembre le quotidien basque
El Correo. Titre ridicule pourtant repris aussitôt par de nombreux médias.
Espagne socialiste de M. Zapatero et indépendantistes basques négocient
en fait depuis longtemps, nourrissant espoir et inquiétude.
Le "cessez-le-feu permanent" de l'ETA fut lui-même longuement négocié,
jusque dans les termes de son annonce télévisée du
22 mars dernier, entre terroristes séparatistes et représentants
du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de José Luis Rodriguez
Zapatero. Le Centre Henry Dunant pour le dialogue humanitaire (Genève)
est parfois cité par la presse espagnole comme le "notaire" des deux parties.
Dans ses derniers communiqués, l'ETA s'est référée
plusieurs fois implicitement aux négociations antérieures au
cessez-le-feu en priant M. Zapatero de "tenir ses engagements", sous peine
d'une "réponse" partiellement illustrée par la réactivation de la violence urbaine
(la kale borroka) et le vol de 350 armes à feu, le 23 octobre à Vauvert (Sud de la France).
Pour démentir tout contact ou accord non révélés
par lesquels diverses concessions auraient déjà été
offertes aux séparatistes, le gouvernement espagnol souligne régulièrement
le "manque de crédibilité de l'ETA". C'est pourtant sur un communiqué
de l'ETA, celui du 22 mars annonçant le cessez-le-feu, que repose
toute la crédibilité du processus dit de paix dont dépend
peut-être l'avenir politique de M. Zapatero.
Par ailleurs, la télévision filmait aussi, le 6 juillet,
l'une des multiples rencontres entre personnalités du PSOE et les
dirigeants du parti basque Batasuna conduit par Arnaldo Otegi. Or, selon
les tribunaux espagnols et selon l'Union européenne, qui a inscrit
ce parti sur sa liste d'organisations terroristes, Batasuna appartient organiquement
à l'ETA, dont il est la vitrine politique en principe illégale.
L'unicité ETA-Batasuna peut s'illustrer par deux cas concrets. Arnaldo
Otegi, leader de Batasuna, fut emprisonné de 1987 à 1990 pour
participation à un enlèvement perpétré par les
commandos séparatistes. Quant à l'actuel chef présumé
de l'ETA et stratège des négociations avec Madrid, José
Antonio Urrutikoetxea Bengoetxea, alias Josu Ternera, il fut de 1998
à novembre 2002, date de son retour à la clandestinité,
député au Parlement basque de la coalition Euskal Herritarrok, de laquelle
surgit le parti Batasuna. Se réunir avec Otegi ou avec Josu
Ternera signifierait donc se réunir avec l'ETA.
Dans ce contexte, situer à décembre 2006 une "première
réunion" entre Madrid et l'ETA défie le bon sens, vu la multiplicité
des contacts antérieurs entre les socialistes de M. Zapatero et la
famille ETA-Batasuna. Parler en plus de réunion "officielle" est ridicule,
car toutes les réunions précédentes pouvaient alors
l'être aussi. En plus, l'ETA et Batasuna n'ont d'officiel que leur caractère
illégal et terroriste officiellement reconnu par tous les pays de
l'Union européenne, y compris donc l'Espagne.
Sans confirmer ni démentir ni même nuancer l'annonce journalistique
de la "première réunion officielle" du 14 décembre,
le ministre espagnol de l'Intérieur, le socialiste Alfredo Perez Rubalcaba,
a affirmé ne pouvoir offrir "à ce jour aucune information nouvelle
digne d'intérêt". Le cas échéant, la primauté
de toute information notable reviendrait "aux groupes parlementaires".
"Cette rencontre a rendu son optimisme à l'exécutif", car
l'ETA "n'a pas évoqué une rupture de la trêve" et "un
geste significatif de la gauche indépendantiste (basque) est attendu
à court terme" écrit pourtant le quotidien El Correo. Il situe
"dans un pays européen" la réunion supposée du 14 octobre
des séparatistes avec des émissaires du gouvernement espagnol.
Selon le ministre Rubalcaba, le processus de paix demeure "dans une phase
préliminaire" et l'amener à une phase substantielle "prendra
quelque temps". Comme M. Zapatero, il estime que "prudence et discrétion"
sont indispensables à la bonne marche du processus.
Porter le dossier devant le Parlement européen, le 25 octobre dernier,
n'était pourtant ni discret ni prudent. M. Zapatero souhaitait en retirer
un vibrant satisfecit international en faveur de son processus de paix auquel
s'oppose en Espagne le Parti populaire (droite conservatrice, 40% de l'électorat).
Mais à Strasbourg, à peine 322 eurodéputés ont
soutenu le chef du gouvernement espagnol, alors que 302 autres l'avertissaient
que, dans les circonstances actuelles, notamment et surtout en l'absence
d'un renoncement définitif à la violence, la négociation
menée avec l'ETA "met en péril les principes de démocratie
et d'Etat de droit" de l'Union européenne.
Les attentats de l'ETA ont fait depuis 1968 quelque 850 morts, plus de 2.300
blessés et des pertes matérielles et financières évaluées
par la justice espagnole à 12 milliards d'euros. Les victimes de l'ETA
ont été frappées, pour plus de 95% d'entre elles, après
la mort de Franco (novembre 1975) et le rétablissement en Espagne,
qui amnistiait ses détenus politiques, d'une démocratie offrant
au Pays basque la plus large autonomie financière, administrative et
politique de son histoire. La revendication de l'indépendance y est
tolérée même sur le plan électoral si elle ne
s'appuie pas sur l'assassinat politique ou toute autre forme de violence.
Mais face à M. Zapatero et face à la France, ETA-Batasuna
exige, comme depuis plus de trente ans, la "territorialité" (liens
institutionnels entre Pays basque espagnol, Navarre et Pays basque français)
et la reconnaissance du droit à l'autodétermination des habitants
de cette "Patrie basque" transpyrénéenne, dénommée Euskal Herria.
Territorialité et autodétermination firent capoter les précédentes
négociations entre Madrid et l'ETA, les autorités espagnoles
se refusant alors à aller au-delà du sort des prisonniers basques
et des modalités d'un adieu aux armes. Le maintien du dialogue des
socialistes de M. Zapatero avec les séparatistes nourrit à la
fois l'espoir d'une paix définitive et l'inquiétude de démocrates,
de droite et dans une moindre mesure de gauche, qui redoutent un premier fléchissement
de l'Espagne devant les deux revendications historiques des séparatistes.
"L'ETA obtiendrait alors par la négociation la récompense de
ses assassinats" ont averti souvent en substance des parlementaires du Parti
populaire, l'influente Association des victimes du terrorisme (AVT) et même
l'eurodéputée socialiste espagnole Rosa Diez.
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