Duel entre le socialiste Zapatero et le nationaliste Ibarretxe
Elections basques: Espagne ou libre association?
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Affiche du président nationaliste basque Ibarretxe: "Tu veux. Tu peux". |
par Christian Galloy
Analyste politique, directeur de LatinReporters.com
MADRID, vendredi 15 avril 2005 (LatinReporters.com) - Duel historique entre
l'Espagne millénaire et un nationalisme basque plus que centenaire:
une victoire aux élections basques de dimanche du nationaliste Juan
José Ibarretxe, hostile au terrorisme des indépendantistes
de l'ETA, obligerait le gouvernement socialiste espagnol de José Luis
Rodriguez Zapatero à contenir un plan nationaliste de libre association,
antichambre d'une République basque indépendante.
Approuvée le 30 décembre dernier
par le Parlement basque (39 oui contre 35 non), la libre association -et
non plus soumission à l'Espagne- avait été défendue
le 1er février à Madrid devant le Congrès espagnol des
députés par le président basque, Juan José Ibarretxe.
Le "Plan Ibarretxe" fut rejeté par le Congrès, filtre constitutionnellement
obligatoire de tout statut d'autonomie régionale, par 313 voix contre
29 et 2 abstentions.
Néanmoins, l'affrontement des deux légitimités, l'espagnole
et la basque, se poursuit. La libre association et ses corollaires -nationalité
basque, relations directes du Pays basque avec l'Europe, droit permanent à
l'autodétermination pour maintenir ou non les liens politiques avec
l'Espagne- ont en effet été au centre de la campagne électorale.
En renouvelant dimanche les 75 députés du Parlement régional,
quelque 1,8 million d'électeurs basques se départageront en
fait entre partisans et adversaires du "Plan Ibarretxe". Les sympathisants
des terroristes séparatistes de l'ETA, qui a perpétré
près de 850 assassinats depuis 1968, échappent néanmoins
partiellement à cette dualité, puisqu'ils considèrent le "Plan Ibarretxe"
comme insuffisant, sans le rejeter totalement.
Elections historiques
Quel qu'en soit le vainqueur, ces élections sont historiques.
Si le pouvoir régional -déjà largement autonome notamment dans les
domaines fiscal, policier et de l'éducation- restait aux mains d'une coalition formée
autour du Parti nationaliste basque, le PNV (centre droit) de M. Ibarretxe, ce dernier convoquerait
à une date indéterminée un référendum -qualifié
d'avance d'illégal par Madrid- afin que les Basques disent
plus clairement encore oui à la libre association et au principe général
d'autodétermination.
Par contre, si les socialistes (des "espagnolistes" disent les nationalistes)
de José Luis Rodriguez Zapatero, le chef du gouvernement espagnol,
devenaient l'axe d'un gouvernement régional, le PNV perdrait pour la
première fois en 25 ans son emprise dominante sur le Pays basque.
Son projet de libre association ne serait plus qu'un rêve déçu
et M. Zapatero aurait alors réussi à désarmer un souverainisme
historique. La menace terroriste de l'ETA subsisterait, mais le problème
basque deviendrait un dossier plus policier que politique et donc moins menaçant
pour les intérêts à long terme de l'Espagne.
Des rumeurs de négociations entre Madrid et l'ETA ont été démenties
de part et d'autre, mais plusieurs gouvernements espagnols précédents
s'y étaient risqués sans résultat.
Les sondages prédisent une nouvelle victoire, proche de la majorité
absolue, de la coalition gouvernementale basque, composée du PNV,
d'EA (Eusko Alkartasuna, Solidarité basque, social-démocrate)
et d'IU-EB (Izquierda Unida-Ezker Batua, Gauche unie, néo-communistes).
"Vive la République basque en Europe!" s'est écriée
Begoña Errazti, présidente d'EA, le 9 avril à Bilbao
lors d'un meeting commun avec le PNV. "Ce n'est pas à Madrid que l'on
décidera du futur du pays basque" ne cesser de proclamer pour sa part
Juan José Ibarretxe.
Lourd héritage du GAL
La fibre nationaliste des communistes basques complique les ambitions socialistes
dans la région, alors qu'à Madrid le groupe parlementaire communiste
apporte un appui essentiel aux socialistes de M. Zapatero, qui ne contrôlent
au Congrès qu'une majorité relative de députés.
Les socialistes ont en outre difficile à faire oublier les 28 Basques
assassinés entre 1983 et 1987 par le GAL (Groupe antiterroriste de
libération). Les tribunaux ont établi que le GAL fut créé
par des responsables du ministère de l'Intérieur sous le gouvernement
socialiste dirigé à l'époque par Felipe Gonzalez. Dans
l'Europe démocratique du dernier demi-siècle, seuls les socialistes
espagnols ont organisé de tels escadrons de la mort à partir de structures
gouvernementales.
Malgré la mise hors-la-loi depuis 2002 de Batasuna (Unité),
façade politique des commandos de l'ETA, les sympathisants de l'organisation
armée ont réussi à déjouer les filtres légaux
en faisant admettre la participation aux élections de dimanche du PCTV-EHAK
(Parti communiste des terres basques). Le PCTV-EHAK et IU-EB pourraient
arbitrer la formation du prochain gouvernement basque.
La tête de liste socialiste, Patxi Lopez, a cédé dans
la campagne le premier rôle à José Luis Rodriguez Zapatero.
S'investissant comme s'il s'agissait d'un scrutin national, le président
du gouvernement espagnol joue au Pays basque son autorité,
alors que l'opposition conservatrice l'accuse d'avoir relancé l'indépendantisme
en Catalogne et d'être incapable de le juguler au Pays basque.
M. Zapatero reproche au "Plan Ibarretxe" de diviser les Basques. Le dirigeant
socialiste estime que toute modification du statut régional devrait
être appuyée par au moins deux tiers des élus de la région,
alors "qu'à peine" 52% des députés basques avaient approuvé
en décembre le projet de nouveau statut basé sur la libre association.
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