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Jesus Polanco accuse la droite de "souhaiter le retour à la guerre civile"
Espagne crispée: "Difficile d'être neutre" dit l'éditeur d'El Pais (Analyse)
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Photo flickr.com - Wikimedia Commons | |
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Dernière heure: BOYCOTTAGE DES MÉDIAS DU GROUPE PRISA
MADRID, 23 mars 2007 - Le Parti Populaire (PP, opposition conservatrice)
a annoncé qu'il boycottera (refus d'interviews et de débats) tous les médias du groupe Prisa, dont le quotidien El Pais,
aussi longtemps que le président de ce groupe, Jesus Polanco, n'aura pas "rectifié
publiquement et sans équivoque" ses "déclarations lamentables" du
22 mars, reprises dans l'article ci-dessous.
Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) du président du gouvernement
José Luis Rodriguez Zapatero boycotte, lui, Tele Madrid depuis le 5 février dernier.
Cette télévision publique régionale a indisposé
le PSOE par ses reportages en direct sur les grandes manifestations convoquées
dans la capitale espagnole contre la politique basque de M. Zapatero et ses concessions
supposées aux indépendantistes armés de l'ETA.
Le boycottage de Tele Madrid par le PSOE, qui se poursuit, ne provoque aucune
réaction, alors que le boycottage de Prisa par le PP semble devoir soulever
un tollé international. Indignation sélective?
MADRID, vendredi 23 mars 2007 (LatinReporters.com) - Bible d'un oppressant politiquement correct,
le quotidien espagnol El Pais est généralement perçu
comme l'allié naturel du gouvernement socialiste de José Luis
Rodriguez Zapatero. Le "difficile d'être neutre" prononcé par
Jesus Polanco, président de Prisa, société éditrice
du journal, renforce les soupçons de partialité et illustre
la crispation de l'Espagne, accentuée par le problème de l'ETA.
"Nous essayons d'être neutres, mais il
est difficile d'être d'accord avec l'action politique de certains partis",
spécialement "en des moments où il y en a qui désirent
le retour à la guerre civile" s'est exclamé Jesus
Polanco lors de l'assemblée générale des actionnaires
du groupe Prisa, le 22 mars à Madrid. Il visait sans aucun doute le
Parti Populaire de Mariano Rajoy (PP, opposition conservatrice, 42% des députés).
"Il est difficile d'être neutre lorsque le tant soit peu que nous
puissions dire est mal reçu par ceux qui ne nous considèrent
pas comme leurs amis" insistait Jesus Polanco en réponse à
l'intervention de Ricardo Aroca, actionnaire de Prisa et doyen du Collège
des architectes de Madrid, qui regrettait que le groupe et sa principale
enseigne, le journal El Pais, soient actuellement perçus comme "une
source de pouvoir partisan".
Estimant l'ambiance politique "pire" que celle de la transition entre dictature
franquiste et démocratie, le président de Prisa a déclaré
que "nous venons de voir une manifestation de franquisme pur et dur", allusion
aux 340.000 manifestants réunis à l'appel du PP le 10 mars
dernier à Madrid contre la politique basque du gouvernement Zapatero.
Comme pour illustrer l'accusation de "franquisme", la photo de une d'El
Pais du 23 mars montre un emblème franquiste et un autre phalangiste exhibés
le jour même de l'assemblée générale de Prisa
lors d'une manifestation contre la relaxe
d'Arnaldo Otegi, leader du parti hors-la-loi Batasuna, la vitrine politique de l'ETA. Alors qu'Otegi comparaissait
jeudi soir devant ses juges, l'accusation d'apologie du terrorisme dont il devait répondre
était soudainement retirée par le parquet, qui dépend
hiérarchiquement du procureur général désigné par le
gouvernement.
Les nombreux drapeaux anticonstitutionnels républicains et les étendards
de l'ex-Union soviétique brandis le 17 mars dans la capitale espagnole
lors d'une manifestation de la gauche, notamment socialiste, contre quatre
ans de guerre en Irak n'avaient pas eu dans El Pais les mêmes honneurs
que les symboles franquistes portés par quelques exaltés isolés
et répudiés par le PP.
Selon Jesus Polanco, l'opposition estimerait valable d'utiliser "absolument
tout pour revenir au Palais de la Moncloa" (siège de la présidence
du gouvernement). "Si ces Messieurs récupèrent le pouvoir,
ils viendront avec des envies de revanche qui me font grand peur" a ajouté
le président de Prisa.
Il a clôturé son discours en estimant, avec une rare modestie, que Prisa constituerait
"dans de nombreux cas une référence morale et démocratique
tant en Espagne qu'en dehors d'elle".
Présent aussi en France (15,5% du journal Le Monde), au Portugal,
aux Etats-Unis (qui comptent autant d'hispanophones que l'Espagne) et dans plusieurs pays d'Amérique latine, le groupe
Prisa contrôle ou est actionnaire de nombreux journaux, radios et télévisions.
Le quotidien El Pais (théoriquement le plus diffusé en Espagne,
quoique son édition digitale soit largement surpassée par celle
d'El Mundo), la radio Cadena Ser, la plus écoutée du pays, et des chaînes de
télévision telles que CNN+ et Canal+Espagne donnent à Prisa une influence
socio-politique qui fut déterminante lors des élections législatives de 2004.
Pareils pouvoir et concentration médiatiques sont souvent assimilés
à une distorsion de la démocratie par les tenants du politiquement correct...
sauf lorsque cette influence s'exerce sous une apparence rose-rouge. (Couleur qui lave comme une bulle papale les péchés du passé: selon ses biographes non autorisés, Jesus Polanco aurait amassé ses premiers millions en éditant les textes idéologiques du franquisme).
Dans le climat de crispation entretenu par une gauche que la droite
accuse de "revanchisme historique" conduisant à "déterrer les
morts de la guerre civile" et par une droite taxée de nostalgie franquiste
et qualifiée "d'extrême" par les socialistes de M. Zapatero,
le groupe Prisa n'est en fait ni plus ni moins objectif que d'autres.
Depuis longtemps, tous les médias espagnols ont choisi leur camp. L'unique
objectivité encore possible consiste à le reconnaître, comme
l'a fait, probablement sans le vouloir, Jesus Polanco avec son "difficile d'être neutre".
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