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Désobéissance civile prônée par le Vatican
Espagne: rébellion de maires contre le mariage homosexuel
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Francisco Javier Leon de la Riva, maire de Valladolid. Il lance contre le mariage homosexuel la rébellion prônée par le Vatican - © Ayuntamiento de Valladolid |
MADRID, mardi 26 avril 2005 (LatinReporters.com) - Espagne
de droite contre Espagne de gauche: un vent de rébellion de maires conservateurs risque
de déboucher sur la désobéissance civile prônée par le Vatican
contre le mariage homosexuel, avec droit à l'adoption d'enfants, approuvé
la semaine dernière à Madrid par 57% des députés.
A Rome, le cardinal colombien Alfonso Lopez Trujillo, président du
Conseil pontifical pour la famille, avait invité "tous les chrétiens
à s'opposer à cette loi injuste", recourant à
"l'objection de conscience", fût-ce au risque "de payer le prix le
plus élevé, incluant aussi la perte de l'emploi".
Cet appel du Vatican à la désobéissance civile des Espagnols
était lancé dans une interview au journal italien Corriere
della Sera, le 22 avril, au lendemain même du vote des députés
espagnols. L'appel a été entendu.
Les maires de plusieurs capitales espagnoles de province
lient en effet leur foi catholique à l'objection de conscience. Dans
la foulée de Francisco Javier Leon de la Riva, maire de Valladolid, d'autres maires du
Parti populaire (PP, conservateur) font souffler un vent de rébellion
à Avila, Burgos et Leon (la ville de José Luis Rodriguez Zapatero,
président du gouvernement socialiste), ainsi que dans une dizaine
de localités plus modestes.
Le maire de Valladolid affirme qu'il ne mariera
pas les homosexuels et qu'il se refusera à déléguer
à tout autre responsable municipal la faculté d'unir des couples
de gays ou de lesbiennes. Dans les autres villes où gronde la rébellion,
les maires expriment leur hostilité à la nouvelle loi, mais
réservent leur attitude finale, précisant qu'ils "agiront selon
leur conscience" lorsque la loi entrera en vigueur, probablement en juin.
D'ici là, des juges conservateurs auront peut-être saisi le
Tribunal constitutionnel pour tenter de torpiller le mariage homosexuel.
Par ailleurs, le cap du Sénat, place forte conservatrice, sera plus
difficile à franchir que celui du Congrès des députés.
D'autant plus qu'un sénateur socialiste très en vue, Francisco
Vazquez, maire de la ville galicienne de La Corogne et président de la
Fédération espagnole des municipalités et provinces, prévient
qu'il ne votera pas la nouvelle loi forgée par son propre parti. Quelques
élus nationalistes basques et catalans s'y opposent aussi.
Il est peu probable que le vent de rébellion de maires conservateurs
devienne tempête et s'étende à toutes les mairies contrôlées
par le PP, soit quasi la moitié de celles d'Espagne. Madrid, joyau du Parti populaire,
limitera ce risque. Son maire, Alberto Ruiz Gallardon, enfant terrible des
conservateurs, s'est toujours refusé à discriminer les homosexuels.
"L'Espagne n'est plus un pays confessionnel" rappelle le chef du gouvernement
socialiste, M. Zapatero. Le mariage homosexuel figurait dans le programme
électoral avec lequel il gagna les législatives de mars 2004.
Son ministre de la Justice, le socialiste Juan Fernando Lopez Aguilar, clame
que la loi doit être respectée par tous. Des associations de
gays et de lesbiennes exhortent pour leur part le gouvernement à protester
par voie diplomatique contre "les prétentions dictatoriales du Vatican".
"Obéir à la loi plutôt qu'à sa conscience mène à
Auschwitz" réplique le cardinal archevêque émérite de Barcelone, Mgr
Ricard Maria Carles.
En Europe, seuls les Pays-Bas et la Belgique permettent aujourd'hui le mariage
entre personnes du même sexe. Le projet de loi espagnol va plus loin
que dans ces deux pays, puisqu'il permet l'adoption d'enfants par des couples
homosexuels, adoption non autorisée en Belgique et moins ouverte aux
Pays-Bas qu'elle ne le sera en Espagne.
Les homosexuels mariés jouiront de tous les droits liés au
mariage traditionnel, notamment en matière d'héritage, de pension
ou d'accès à la nationalité. Les adversaires de la nouvelle
loi estiment, comme le Conseil d'Etat et comme le Conseil général du pouvoir
judiciaire, que la plupart de ces avantages pourraient être garantis
en légalisant une union qui ne serait pas le mariage.
Outre l'Eglise catholique, les dignitaires en Espagne des confessions protestante,
juive et orthodoxe ont également condamné le mariage homosexuel.
En novembre dernier, le cardinal Ratzinger, devenu depuis Benoît XVI
en succédant au pape Jean Paul II, estimait que ce mariage détruira
la famille en Espagne.
La simplification du divorce, la recherche sur les cellules souches, la réduction
dans les écoles du poids de l'enseignement de la religion, l'incertitude sur le
financement de l'Eglise catholique en Espagne, ainsi que les débats sur une future
libéralisation accrue de l'avortement et sur une éventuelle légalisation
de l'euthanasie sont autant de dossiers qui compliquent aussi les relations entre
le Vatican et le gouvernement socialiste espagnol de M. Zapatero.
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