L'
Accord Tegucigalpa / San José conclu le 30 octobre entre M. Zelaya
et le président de facto qui le remplace depuis le 28 juin, Roberto
Micheletti, prévoyait de soumettre au Congrès la question du
retour du président déchu jusqu'à la fin de son mandat,
le 27 janvier prochain. A cette date, le pouvoir sera remis au conservateur
Porfirio Lobo, candidat victorieux du Parti national à la toute fraîche
élection présidentielle du 29 novembre, programmée et
convoquée longtemps avant le putsch.
Sur les 128 députés du Congrès, 111 ont voté
contre le rétablissement de Manuel Zelaya à la présidence.
A peine 14 se sont prononcés pour son retour au pouvoir. Trois députés
étaient absents. Le président déchu a donc été
abandonné par la quasi totalité des 63 députés
de son propre parti, le Parti libéral.
C'est sous l'enseigne de ce parti de droite que M. Zelaya fut élu
président en 2005. Son ralliement à la fois soudain et personnel,
en 2008, au camp socialiste radical mené par le Vénézuélien
Hugo Chavez et ses initiatives anticonstitutionnelles pour tenter d'instaurer
la réélection présidentielle, strictement prohibée
par la Constitution, levèrent contre lui ses coreligionnaires libéraux,
ainsi que le Congrès, la Justice, l'Eglise et l'armée.
Les députés qui viennent de débouter définitivement
Manuel Zelaya sont ceux élus démocratiquement le
même jour que lui il y a quatre ans, en novembre 2005. M. Zelaya et ses partisans qualifient
néanmoins le Congrès de putschiste.
"Imaginez que Sarkozy se déclare militant du Parti communiste"...
"Pour mieux comprendre, explique un journaliste hondurien, imaginez que demain
le président Nicolas Sarkozy se déclare soudain militant du
Parti communiste, signe des accords préférentiels avec le Venezuela
et Cuba et prétende consacrer dans la Constitution l'appartenance
de la France à une alliance de pays viscéralement antiaméricains"...
"Nicolas Sarkozy, poursuit ce journaliste, rassemblerait alors quelques milliers
ou dizaines de milliers de radicaux qui n'avaient pas voté pour lui,
mais qui justifieraient son retournement en rappelant qu'il fut élu
démocratiquement. Néanmoins, la majorité des Français
lui tournerait le dos en lui signifiant que personne ne l'avait élu sur ce programme-là.
Eh bien au Honduras, c'est ce qui se passe à l'égard de Manuel
Zelaya. La communauté internationale l'aurait déjà compris
s'il n'avait pas été stupidement malmené et expulsé
au Costa Rica le 28 juin par nos militaires, lesquels, par ailleurs, n'occupent
nullement le pouvoir".
Selon Manuel Zelaya, le vote du Congrès serait "une honte" confirmant
"la complicité" de la majorité des députés
dans le coup d'Etat, que les institutions honduriennes ne reconnaissent pas
comme tel, lui préférant l'explication de destitution présidentielle
sur décision judiciaire.
Réfugié à l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa
depuis le 21 septembre, le président déchu affirme qu'il continuera
à y "lutter pour la condamnation de la dictature et maintenant aussi
contre la fraude électorale de dimanche" [les élections présidentielle,
législatives et municipales du 29 novembre].
Quant au nouveau président élu, Porfirio Lobo, il "soutient
et respecte la décision du Congrès" contre la restitution du pouvoir
à M. Zelaya. Le vainqueur de la présidentielle avait pourtant lancé
dimanche une invitation implicite à Manuel Zelaya en déclarant
que "personne ne sera écarté" du "grand dialogue national"
qu'il veut ouvrir immédiatement ou en tout cas avant son investiture
du 27 janvier 2010.
Trois options pour Zelaya
L'élection à la présidence de Porfirio Lobo continue
à diviser la communauté internationale. Elle n'a été
reconnue clairement jusqu'à présent que par les Etats-Unis,
le Pérou, le Panama, le Costa Rica, la Colombie et Taïwan. La plupart des
autres pays, dont l'Espagne, fer de lance du soutien européen à
Manuel Zelaya, n'octroient pas de légitimité à cette
élection tout en admettant ne pas pouvoir l'ignorer, ce qui pourrait
augurer, à terme, d'une reconnaissance ou d'une cohabitation
de fait dans le concert des nations.
Parmi les alliés toujours inconditionnels de M. Zelaya figurent notamment,
du moins dans les discours, le Brésil, l'Argentine, le Chili, l'Uruguay
et les pays gouvernés par la gauche radicale latino-américaine
(Venezuela, Cuba, Bolivie, Equateur et Nicaragua).
"La décision du Congrès a scellé le sort de Zelaya.
A mon avis, il a désormais trois options: rester à l'ambassade
[du Brésil], la quitter et être détenu et jugé
pour les crimes dont on l'accuse [notamment celui de "haute trahison"; ndlr]
ou négocier un sauf-conduit pour partir en exil" estime l'analyste
Manuel Torres, directeur de l'agence Análisis y Audiovisuales de Prensa.
Il croit par ailleurs que le vote du Congrès renforcera ceux
qui refusent de reconnaître la légitimité des élections
du 29 novembre.
Un autre analyste hondurien, Raul Pineda, ancien député du
Parti national, estime que "Zelaya ne vit [politiquement] en ce moment que
grâce au gilet de sauvetage de la communauté internationale".