Voici la traduction intégrale de ce
bref communiqué commun
[
en
pdf, l'original diffusé à Madrid] :
"Les gouvernements d'Espagne et du Venezuela ratifient leur condamnation
la plus énergique du terrorisme sous toutes ses formes et manifestations.
Le gouvernement vénézuélien réfute et dément
les informations publiées sur une supposée collaboration avec
l'organisation terroriste ETA, dont il rejette sans réserve les activités.
Les deux gouvernements réitèrent leur engagement à
poursuivre leur collaboration dans les domaines judiciaire et policier, mettant
effectivement en oeuvre les instruments de coopération existants.
L'Espagne et le Venezuela déclarent leur ferme volonté d'approfondir
leur relation amicale et fructueuse, basée sur une ample coopération
dans tous les domaines, y compris celui de la lutte antiterroriste."
Le gouvernement du président Hugo Chavez dément donc "une
supposée collaboration" avec l'organisation séparatiste basque
ETA, qu'il qualifie de "terroriste". Mais
pas le moindre mot sur la guérilla
marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Ses
liens avec l'ETA sont pourtant sous enquête à Madrid depuis
2008 et dans son acte d'accusation rendu public le 1er mars, le juge d'instruction
espagnol Eloy Velasco indiquait que son enquête "met en évidence
la coopération gouvernementale vénézuélienne
à la collaboration illicite entre les FARC et l'ETA". Selon le magistrat,
cette collaboration visait notamment à préparer des attentats
en Espagne contre des personnalités venant de Colombie, y compris
l'actuel président colombien, Alvaro Uribe.
Inculpant sept membres des FARC et six de l'ETA, le juge Velasco rappelait
que ces deux mouvements sont catalogués comme terroristes par l'Union
européenne (UE). Mais la plupart des pays latino-américains évitent
de qualifier ainsi la guérilla marxiste colombienne, lui recommandant néanmoins
d'abandonner les armes et de ne tenter de conquérir le pouvoir que
par les urnes.
Hugo Chavez, lui, appelle depuis plusieurs années la communauté
internationale à reconnaître tant les FARC que l'ELN (Armée
de libération nationale) et à octroyer à ces deux guérillas
colombiennes un statut de belligérant, auquel sont liés des
droits politiques et diplomatiques et une liberté de mouvement à
l'abri de mandats d'arrêts internationaux.
Aussi, dans le communiqué commun hispano-vénézuélien,
la condamnation du "terrorisme sous toutes ses formes" n'est-elle qu'un exercice
de style déconnecté de la réalité, puisque la
narco-guérilla des FARC, officiellement terroriste aux yeux de l'UE et donc de l'Espagne [ndlr.:
ainsi que des Etats-Unis, du Canada, du Pérou et de la Colombie],
est en grâce et à ses entrées au palais présidentiel de Caracas.
Etapes de la polémique politico-judiciaire :
1. La justice espagnole accuse le gouvernement vénézuélien
du président Hugo Chavez de complicité avec deux organisations
terroristes (ETA et FARC) qui préparent, ensemble, des attentats
contre des personnalités colombiennes "en Espagne ou dans un autre
pays de l'Union européenne".
2. Le président du gouvernement espagnol, le socialiste José
Luis Rodriguez Zapatero, exige en conférence de presse "des explications"
du Venezuela.
3. Hugo Chavez réagit avec virulence contre un acte judiciaire qu'il
attribue à la fois "aux résidus du colonialisme espagnol", à
un "complot de l'empire yankee" et à une offensive de "l'extrême
droite fasciste européenne". Le président Chavez avertit en
outre M. Zapatero qu'il n'a "rien à lui expliquer" et exige qu'il "respecte
le peuple et le gouvernement du Venezuela".
4. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel
Moratinos, corrige le chef de son propre gouvernement, prétendant que
ce ne sont pas des "explications", mais des "informations" que M. Zapatero
demande à Caracas.
5. Hugo Chavez applaudit ce changement d'attitude, y voyant une preuve de "la maturité"
de M. Zapatero, et les deux gouvernements mettent fin à la
crise diplomatique naissante ou pour le moins l'apaisent en diffusant le communiqué commun du 6 mars.
Considéré par des analystes espagnols comme le
faire-valoir
en Europe des frères Castro et d'Hugo Chavez, le ministre Moratinos
avait dit par téléphone à Chavez lui-même, qui
l'a révélé, que le gouvernement de Madrid "n'avait rien
à voir" avec l'accusation de la justice, autonome en Espagne.
Conclusion de l'analyste Arcadi Espada dans le quotidien madrilène
de centre droit El Mundo : "Un acte judiciaire accuse le gouvernement vénézuélien
de graves délits et la victime doit demander pardon au présumé
coupable pour lui avoir demandé des explications".
Faut-il accuser l'Espagne socialiste, actuelle présidente de l'Union
européenne, de faire allégeance, par complicité idéologique
et par intérêt économique, à l'ancien lieutenant-colonel
putschiste maintes fois plébiscité par les Vénézuéliens?
Attendons tout de même les résultats de la prochaine visite à
Caracas, annoncée par le ministre Moratinos, du directeur général
de la police espagnole, Francisco Javier Velazquez.
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