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19.133 homicides et 16.917 enlèvements en 2009
Venezuela-élections législatives: l'insécurité contre Hugo Chavez

Photo polémique, discutée et discutable, de la morgue de Bello Monte, à Caracas, publiée par le quotidien d'opposition El Nacional pour illustrer la criminalité au Venezuela - Photo Alex Delgado / El Nacional

CARACAS, lundi 30 août 2010 (LatinReporters.com)
Principale préoccupation des Vénézuéliens selon les sondages, l'insécurité est l'arme préférentielle de l'opposition contre le président Hugo Chavez dans la campagne pour les élections législatives du 26 septembre. Un rapport officiel dénombre 19.133 homicides et 16.917 enlèvements en 2009 au Venezuela.

Ces chiffres n'ont pas été démentis depuis leur publication, le 20 août dernier, par le quotidien d'opposition El Nacional. Il cite comme source un rapport de 279 pages intitulé "Encuesta Nacional de Victimización y Percepción de Seguridad Ciudadana 2009", élaboré par l'Institut national de statistiques à la requête de la vice-présidence du Venezuela.

L'existence de ce rapport n'a pas été niée par le gouvernement, qui s'était gardé de le diffuser. La publication exclusive de ses points essentiels par El Nacional suggère que des fuites du type WikiLeaks sont peut-être inévitables dans un pays qui totalisait plus de 40% d'opposants lors des deux derniers rendez-vous avec les urnes. (Soit 42% aux élections régionales et municipales du 23 novembre 2008 et 45% au référendum du 15 février 2009 sur la réélection du président Hugo Chavez sans limitation du nombre de mandats consécutifs).

Pire que la Colombie et le Mexique?

Le gouvernement se refuse à publier les chiffres de la criminalité depuis 2006. Cette année-là, le taux national d'homicides était au Venezuela de 49 pour 100.000 habitants. Selon le rapport officiel éventé par El Nacional, ce taux a bondi à 75 en 2009. A titre de comparaison, effectuée par Roberto Briceño Leon, coordinateur de l'ONG Observatorio Venezolano de Violencia, le même taux d'homicides pour 100.000 habitants serait de 32 en Colombie, où sévit un conflit armé intérieur, et de 8 au Mexique, secoué par la violence criminelle des narcotrafiquants.

Le rapport officiel précise que 79,48% des homicides sont des assassinats perpétrés avec des armes à feu et que 83,64% des victimes mortelles de la criminalité appartiennent aux classes les plus humbles de la société vénézuélienne (56,52% relèvent de la couche sociale IV et 27,12% de la couche V).

Quant aux 16.917 enlèvements recensés l'an dernier au Venezuela, ils laissent rêveur en comparaison des 213 crimes identiques enregistrés en 2009 en Colombie, pays qui détenait encore il y a quelques années le record mondial des enlèvements.

Les sondages indiquent que la criminalité est aujourd'hui la principale préoccupation des Vénézuéliens, avant la crise économique qui, dans le fil de la stagnation mondiale, frappe le pays depuis l'an dernier. Dans la campagne actuelle pour les élections législatives du 26 septembre, l'insécurité est le cheval de bataille de l'opposition. Sa nouvelle plate-forme unitaire, la Mesa de la Unidad Democrática (MUD - Table de l'unité démocratique), regroupe une trentaine de partis et d'organisations antichavistes.

En décembre 2005, l'opposition avait boycotté les législatives, offrant aux partisans d'Hugo Chavez le monopole des 167 sièges de l'Assemblée nationale. Admettant que le boycott fut une erreur, la MUD a pour ambition essentielle d'empêcher le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), le parti de Chavez, d'obtenir le 26 septembre la majorité des deux tiers des députés, nécessaire pour approuver les lois organiques.

Protection de la jeunesse et censure

Le quotidien El Nacional donnait un coup de pouce éthiquement discutable à la campagne de l'opposition en publiant à la une, le 13 août, une photo de cadavres ensanglantés, "morts sans dignité" et "entassés dans un abandon total", dixit El Nacional, à la morgue de Bello Monte, à Caracas.

La photo souleva une énorme polémique. Les médias pro-gouvernementaux l'assimilèrent à une "manipulation" car, selon le directeur de la police scientifique, Wilmer Flores Trossel, le cliché aurait été "pris approximativement en 2006", compte tenu du remplacement, cette année-là, des vieilles civières sur roues apparaissant sur la photo. Le photographe Alex Delgado affirme néanmoins avoir réalisé cette photo le 26 décembre 2009, à 9h48, avec un objectif de 200 mm et une ouverture de 2,8. Quoiqu'il en soit, une éventuelle "manipulation" ne concernerait pas la photo proprement dite, mais sa date.

Assimilant ladite photo, publiée aussi par le quotidien Tal Cual, à "une atteinte aux droits des mineurs" et "spécialement à leur développement progressif et intégral", un tribunal vénézuélien invoquait le 17 août la Loi organique de protection des enfants et adolescents pour interdire à El Nacional et à Tal Cual la publication, pendant un mois, "de photos, d'informations et de publicité" relatives à la violence. Le même tribunal priait l'ensemble des autres médias imprimés à s'en "abstenir", bannissant largement de fait l'insécurité de la campagne électorale.

La mesure judiciaire était aussitôt qualifiée de "censure préalable" par les éditeurs des médias privés vénézuéliens, ainsi que par les responsables de la défense de la liberté d'expression au sein d'organisations internationales telles que les Nations unies, l'Organisation des Etats américains et Reporters sans frontières.

Ce tollé incitait la justice à lever partiellement le 19 août l'interdiction décrétée deux jours plus tôt. Elle ne frappe plus que la publication de photos relatives à la violence par El Nacional et Tal Cual, ce que les éditeurs vénézuéliens assimilent toujours à une censure visant à réduire l'impact de la criminalité parmi les motivations de vote aux législatives.

"Conspiration" selon Hugo Chavez


Hugo Chavez a qualifié de "pornographique" la photo de la morgue de Bello Monte. Selon lui, sa publication s'inscrit dans une "conspiration" appuyée de l'extérieur. "De Colombie viennent des bandes d'exterminateurs (...) tout cela appuyé par la bourgeoisie, les laquais, la cinquième colonne qui n'a pas hésité à se subordonner aux intérêts de l'empire yankee" clamait déjà en janvier dernier le président vénézuélien à propos de la criminalité.

"Nous allons leur donner une raclée". Les forces révolutionnaires vont "démolir la bourgeoisie pourrie" et "ses candidats serviles" soumis aux Etats-Unis clamait Chavez samedi dernier, se référant à la télévision publique aux élections législatives. Le chef de l'Etat estime que son PSUV doit s'assurer "au moins les deux tiers de l'Assemblée nationale" pour qu'elle continue à être "une Assemblée bolivarienne, révolutionnaire".

Une victoire attendue du parti présidentiel le 26 septembre signifierait que, malgré son autoritarisme, le président Chavez reste porteur d'espoirs pour une majorité de Vénézuéliens après onze ans et demi de pouvoir. A moyen terme, équilibrer justice sociale et préservation des libertés individuelles permettrait peut-être au leader bolivarien de discréditer plus efficacement les campagnes intérieures et extérieures dont il se dit la cible permanente.

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