BOGOTA, samedi 19 juin 2010 (LatinReporters.com) -
L'ex-otage la plus célèbre de la planète, la Franco-Colombienne
Ingrid Betancourt, votera ce 20 juin, au second tour de l'élection
du président de la Colombie, pour le conservateur Juan Manuel Santos,
ancien ministre de la Défense et dauphin du président sortant
Alvaro Uribe. Le choix d'Ingrid participe d'une reconnaissance tant personnelle
que collective, base du triomphe attendu de Santos sur le candidat du Parti
Vert, Antanas Mockus.
"Santos ou Mockus?" demande à Ingrid Betancourt, jointe par téléphone
à Paris, une journaliste de la radio colombienne La FM.
"J'ai
beaucoup d'affinités idéologiques avec les indépendants,
car c'est ma maison politique, mais je dois ma liberté à Juan
Manuel Santos" répond Ingrid.
"Cela veut-il dire que vous allez voter pour Santos?" Confirmation
immédiate de la Franco-Colombienne :
"Oui, je vais voter pour Santos".
Elle ne le précise pas, mais elle déposera sans doute son
bulletin de vote à l'ambassade ou au consulat de Colombie à
Paris, comme des milliers de Colombiens expatriés.
"Si José Manuel Santos est élu et vous demande de faire partie
de son gouvernement, accepterez-vous ou resterez-vous en Europe?" Sans répondre
non, Ingrid, semble rejeter cette éventualité :
"Je suis
en dehors de la politique, ... mais je peux être utile à la
Colombie de l'extérieur" ...
On
peut réécouter, en espagnol, ce dialogue diffusé
le 15 juin sur les ondes de La FM. Quarante-huit heures plus tôt, à
une semaine jour pour jour du vote décisif du 20 juin, l'armée
colombienne avait plongé le pays dans l'euphorie en libérant
sans la moindre perte le plus haut gradé des otages de la guérilla
marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie),
le
général
Luis Mendieta, ainsi que deux colonels et un sergent,
tous quatre séquestrés par les rebelles depuis près
de douze ans.
L'action s'était déroulée
dans le département du Guaviare (sud-est), à 28 km exactement de l'endroit où,
le 2
juillet 2008, Ingrid Betancourt, trois Américains
et onze officiers et sous-officiers colombiens furent arrachés des
mains des FARC par une ruse spectaculaire de l'armée colombienne (opération Jaque).
Juan Manuel Santos, alors ministre de la Défense, en était l'instigateur. Il ordonna aussi
le
bombardement,
le 1er mars 2008, d'un camp de la guérilla au nord de l'Equateur, où
périrent 26 rebelles ou sympathisants, dont Raul Reyes, numéro deux des FARC
honteusement courtisé par une France qui croyait à une libération
négociée de la Franco-Colombienne.
Séquestrée le 23 février 2002 alors qu'elle faisait
campagne comme candidate à l'élection présidentielle,
otage de la guérilla pendant 6 ans, 4 mois et 9 jours, Ingrid Betancourt
a été cette semaine très recherchée par des médias
colombiens pour commenter le nouvel exploit de l'armée, d'autant qu'elle
partagea une partie de sa captivité avec le général
Mendieta.
"Je suis très émue, vraiment. Nous avons fait la fête
sans arrêt depuis avant-hier, nous avons vibré, nous avons crié,
nous avons sauté" confiait-elle, le 15 juin aussi par téléphone,
à la station colombienne Caracol Radio. Ingrid saluait alors "l'illusion"
rendue au pays par la quadruple nouvelle libération.
La Franco-Colombienne, dont le prochain livre tant attendu, intitulé
"Même le silence à une fin", sera lancé mondialement
le 21 septembre, reflète par ses réactions le pourquoi du triomphe
attendu de Juan Manuel Santos.
Crédité dans les sondages, avant même le dernier succès
de l'armée, de 61 à 66% des intentions de vote, contre un maximum
de 29% à Antanas Mockus, l'ex-ministre de la Défense est perçu,
autant que le très populaire président Uribe, comme l'incarnation
de la politique dite de sécurité démocratique qui a
acculé militairement la guérilla des FARC et réduit
à néant ses espoirs de conquérir des avantages politiques
par le chantage sur le sort des otages.
A tort ou à raison, les bénéfices de la sécurité
semblent plus importants aux yeux de la majorité des Colombiens que
de graves manquements aux droits de l'homme résorbés progressivement
par le gouvernement et l'armée. L'inhumanité de la guérilla, financée
par le narcotrafic et
soutenue
par le Venezuela, demeure, elle, constante.
Santos, en accord sur ce point avec Mockus, affirme qu'il n'acceptera aucun
dialogue avec les FARC et les harcèlera tant qu'elles n'auront pas
libéré tous leurs séquestrés, soit encore 19
militaires et policiers, que les rebelles qualifient d'otages "politiques",
et plusieurs dizaines de civils, enlevés pour être échangés
contre rançon.
Candidat du Parti social d'Unité nationale, dit Parti de l'U, et crédité
le 30 mai de 46,56% des votes au
premier
tour de la présidentielle,
contre 21,49% à Antanas Mockus, Juan Manuel Santos a bénéficié
depuis, promettant un gouvernement "d'unité nationale", du ralliement
de deux autres composantes de la droite colombienne, le Parti Conservateur
et le parti Changement Radical, ainsi que de la majorité du Parti
Libéral. Au Congrès de la République (Parlement), Santos
bénéficierait théoriquement de l'appui de 232 des 268
députés et sénateurs.
Au-delà de la probable élection à la présidence du dauphin
d'Alvaro Uribe, le vote que lui octroie Ingrid Betancourt est à
lui seul une belle revanche. Lorsqu'Ingrid était encore captive, Santos
et le président Uribe furent critiqués et vilipendés
des années durant par la famille et les comités Betancourt,
par la France et ses médias et par des pays latino-américains
autoproclamés progressistes, le Venezuela de Hugo Chavez en tête.
Au nom d'Ingrid, quoique certains étaient plutôt animés
par l'idéologie, tous prônaient alors la négociation
avec les FARC, pourtant déclarées terroristes par l'Union européenne
et les Etats-Unis.
Mais aujourd'hui, nul ne peut encore raisonnablement miser sur le commerce
politique d'otages pour influer sur la Colombie, renforcée intérieurement
par son nouvel
accord
militaire avec Washington.
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