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La Catalogne a réélu son Parlement: la tribu, l'Espagne et l'Europe
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Affiche d'Albert Rivera, président du parti Ciutadans: 3 députés catalans 4 mois à peine après sa création |
par Christian Galloy
Analyste politique Directeur de LatinReporters.com
MADRID, jeudi 2 novembre 2006 (LatinReporters.com) - Sans
leurs possibles répercussions sur l'Espagne, voire à terme
sur l'Europe, les résultats des élections du 1er novembre pour
renouveler le Parlement régional de la Catalogne auraient peu
d'intérêt.
Quoique divisée, la tribu nationaliste catalane reste dominante. En
légère hausse, son aile démocrate-chrétienne
(CiU) menée par Artur Mas est à nouveau le vainqueur relatif du scrutin (31,52%
des votes et 48 sièges sur 135). Son flanc gauche et républicain
(ERC) conduit par Josep-Lluis Carod-Rovira recule sensiblement (14,06% et
21 sièges).
Cela signifie majorité absolue en sièges (69 sur 135) et 45,73%
des suffrages pour un nationalisme catalan qui ne cache pas son ambition
indépendantiste, nourrie à pas mesurés par CiU et au
pas de charge par ERC. Théoriquement, avec sa majorité de députés,
la tribu nationaliste pourrait prendre seule en mains le gouvernement régional
catalan. Mais les divisions idéologiques hypothèquent pareille
éventualité, sans nécessairement la rendre impossible.
Par ailleurs, compte tenu de la dérive philo-nationaliste des écolo-communistes
catalans (ICV; 9,56% et 12 sièges), les forces qui pourraient
soutenir un jour en Catalogne un éventuel processus d'autodétermination
surpassent 55% des voix dans une élection qui a enregistré
une participation de 56,77%.
Or, le 21 mai dernier, l'Union européenne (UE) avait avalisé
la victoire des indépendantistes du Monténégro -désormais
pays à part entière- leur "oui" dépassant 55% lors d'un
référendum mobilisant plus de 50% des électeurs. Ces
deux seuils définis par l'UE pour accepter l'indépendance d'une
région européenne ont été atteints le 1er novembre
en Catalogne. Certes, le scrutin n'y portait pas sur l'indépendance,
mais l'extrapolation peut servir d'alarme, tant pour le cas catalan que pour
le basque.
Les socialistes catalans (PSC) ont été giflés par l'électorat. Ils passent
de 42 à 37 députés régionaux et de 31,16%
à 26,81% des voix, malgré l'appui soutenu sur le terrain du
président du gouvernement espagnol, le socialiste José Luis
Rodriguez Zapatero, à son chef de file catalan, l'ex-ministre de l'Industrie
José Montilla.
M. Zapatero ne retire donc aucun gain politique de son soutien déterminant
au nouveau statut d'autonomie régionale qui a élargi au printemps
dernier les compétences de la Catalogne. Un nouveau parti d'intellectuels
de gauche, Ciutadans, créé quatre mois à peine avant
l'élection pour s'opposer aux excès nationalistes, a décroché
à la surprise générale trois députés en
mordant à belles dents sur l'électorat socialiste à Barcelone. "Le président
du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, a récolté
hier [le 1er novembre en Catalogne] son premier et indiscutable revers électoral"
écrit au lendemain du scrutin l'éditorialiste du pourtant pro-socialiste
et influent quotidien madrilène El Pais.
Grande cité cosmopolite ouverte à l'immigration intérieure
et étrangère, Barcelone est la ville la moins nationaliste
de Catalogne. Aussi le recul socialiste pourrait y préluder à
de plus sérieux désagréments pour M. Zapatero lors des
élections régionales et municipales qui auront lieu en mai
2007 dans la quasi totalité de l'Espagne. Dans cette optique, les
socialistes ne seront pas rassurés par la résistance inattendue
en Catalogne, sous la houlette de l'ex-ministre Josep Piqué, des conservateurs du Parti Populaire (PP). Ils ne perdent qu'un député régional avec 14 élus et 10,64 % des voix. A Madrid, le PP contrôle 40% du Congrès des députés
nationaux.
Malgré leur recul, les socialistes conduiront peut-être à
nouveau en Catalogne une tripartite de gauche semblable à celle formée
en 2003 avec les indépendantistes républicains d'ERC et les
écolo-communistes d'ICV. Une possible alliance entre socialistes et
nationalistes démocrates-chrétiens de CiU réunirait
une majorité régionale plus large encore. Elle ferait moins de vagues dans le reste de l'Espagne et comporterait donc moins de risques électoraux pour les socialistes au niveau national.
Mais, pour s'allier via José Montilla à l'une ou
l'autre des factions de la tribu nationaliste et bénéficier de son appoint
à l'étriquée majorité relative socialiste aux Cortes (Parlement national),
M. Zapatero devra payer le prix habituel,
à savoir de nouvelles concessions en faveur de l'autonomie catalane,
qui marche ainsi à petits pas depuis presque 30 ans, dans un perpétuel
marchandage se revendiquant de la démocratie, vers un destin mieux éclairé
désormais par l'exemple encore chaud du Monténégro.
Dépêché en mai à Podgorica,
métropole du Monténégro, le secrétaire à
la Coopération extérieure du gouvernement régional catalan,
Albert Royo i Mariné, y saluait le "précédent historique"
du "premier processus d'indépendance mené sous la tutelle de
l'Union européenne".
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