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Texte intégral et remarques
Discours de la victoire de Sarkozy, Espagne et Amérique latine
MADRID, mercredi 9 mai 2007 (LatinReporters.com) - Remarques concernant l'Espagne et l'Amérique
latine en marge de la retranscription intégrale du premier discours de Nicolas Sarkozy, au
soir du 6 mai 2007 salle Gaveau à Paris, en sa qualité de président élu
(mais non encore investi) de la République française.
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Nicolas Sarkozy (à gauche), alors ministre de l'Intérieur, le 27 février 2007 à Madrid avec José Luis Rodriguez Zapatero: dialogue amical, via une interprète, centré à l'époque sur le terrorisme basque et islamiste et sur l'immigration Photo Presidencia del Gobierno |
"Mes Chers Compatriotes,
En m'adressant à vous ce soir et en ce moment qui est, chacun le
comprend, exceptionnel dans la vie d'un homme, je ressens une immense, une
sincère et profonde émotion. J'éprouve depuis mon plus
jeune âge la fierté indicible d'appartenir à une grande,
à une vieille, à une belle nation, la France. J'aime la France
comme on aime un être cher qui m'a tout donné, maintenant, c'est
à mon tour de rendre à la France ce que la France m'a donné.
ESPAGNE ET AMÉRIQUE LATINE
Remarques (LatinReporters.com)
Quoiqu'associé à la nécessité "d'accepter
que des amis puissent penser différemment" et au "devoir de
ne pas faire obstacle à la lutte contre le réchauffement climatique",
l'appel remarqué de Nicolas Sarkozy "à nos amis
américains pour leur dire qu'ils peuvent compter sur notre amitié
qui s'est forgée dans les tragédies de l'Histoire" annonce peut-être
un tournant majeur. Pour la première fois depuis des
décennies, compte tenu aussi des inclinations de la chancelière
fédérale démocrate-chrétienne allemande Angela
Merkel, l'axe franco-allemand pourrait abandonner ses accents antiatlantistes.
Récemment à l'ordre du jour, le projet d'un espace économique
transatlantique incluant l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis
serait alors renforcé par une nouvelle base idéologique, consistante
déjà au sein des pays orientaux de l'UE.
Ce néoatlantisme prendrait-il à contre-pied le président
socialiste du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero?
A l'approche des élections municipales et régionales du 27
mai et des législatives de mars ou avril 2008, il continue à
flatter l'antiaméricanisme de la majorité d'Espagnols
qui avait applaudi le rappel des militaires dépêchés
en Irak par le gouvernement conservateur de José Maria Aznar. Malgré l'espoir de M.
Zapatero de recevoir pour la première fois, le 1er juin prochain, la secrétaire d'Etat
américaine Condoleezza Rice, dont trois annonces précédentes d'une visite
à Madrid furent annulées, un réchauffement en profondeur
des relations avec Washington est d'autant plus incertain que, début
avril, le gouvernement espagnol rétablissait l'entièreté
de ses relations avec Cuba. A l'égard de la dictature castriste, l'Espagne
fait désormais cavalier seul au sein de l'UE.
Un rapprochement euro-américain contrasterait aussi avec le glissement
de nombreux pays d'Amérique latine vers diverses gauches hostiles à
Washington ou au moins désireuses de réduire
son influence. Paradoxalement, le virage idéologique latino-américain
frappe parfois plus les intérêts de sociétés européennes
que ceux d'entreprises nord-américaines, notamment en Bolivie,
au Venezuela et en Argentine.
Que le "retour de la France en Europe" annoncé par Nicolas
Sarkozy s'accompagne d'un appel à "ne pas rester sourds à
la colère des peuples qui perçoivent l'Union européenne...
comme le cheval de Troie de toutes les menaces" semble augurer le
maintien de la fermeté de la France dans les négociations sur
la libéralisation des échanges au sein de l'Organisation
mondiale du commerce, dont le cycle dit de Doha s'éternise. Or, le
maintien par les Etats-Unis et l'Union européenne de protections douanières
et de subsides en faveur de leurs agriculteurs est considéré
par l'Amérique latine et en particulier par le Brésil comme
l'une des causes premières de la pauvreté qui frappe toujours
au moins 40% des populations latino-américaines, très dépendantes
de l'agriculture.
Quant à l'ambition sarkozienne de "bâtir une Union méditerranéenne qui sera un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique",
elle rencontre une ambition identique de l'Espagne. C'est lors de la Conférence de
Barcelone, en novembre 1995, que fut lancé ce qu'on appelle le partenariat
euroméditerranéen. En faire une priorité renforcerait
au sein de l'UE le poids de la France et de l'Espagne. La concurrence commerciale
entre ces deux pays en Afrique du Nord peut néanmoins créer
des frictions. En outre, dans le cadre du conflit israélo-arabe qui
s'impose dans tout agenda panméditerranéen, la sensibilité
pro-palestinienne de l'Espagne et du président français sortant
Jacques Chirac ne devrait pas être assumée avec la même
ferveur par Nicolas Sarkozy. D'autre part, la nette opposition du nouveau
chef de l'Etat français à l'adhésion de la Turquie à
l'UE heurte de plein fouet le projet
d'Alliance des civilisations
lancé sous l'égide des Nations unies par José Luis Rodriguez Zapatero
et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.
Sur un plan moins géopolitique, la "réhabilitation"
décomplexée, par Nicolas Sarkozy, de valeurs telles que "le
travail, l'autorité, la morale, le respect, le mérite, et l'identité
nationale", ainsi que sa condamnation de "la
concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres" font
en Espagne le bonheur du leader de l'opposition de droite, Mariano Rajoy,
et de son Parti Populaire (PP, 42% des députés). Hostile à
une loi socialiste dite de la Mémoire historique, en vertu de laquelle,
selon le PP, la gauche espagnole voudrait "déterrer les morts de la guerre
civile" pour prendre enfin sa revanche sur la déjà lointaine
dictature franquiste, Mariano Rajoy estime désormais que la "diabolisation"
du PP par la gauche ne devrait pas le priver d'une prochaine victoire électorale,
puisque Nicolas Sarkozy a survécu et même davantage à
une diabolisation similaire.
Relevons enfin que, selon Nicolas Sarkozy, "la France n'abandonnera pas
Ingrid Betancourt", la célèbre ex-candidate franco-colombienne
à la présidence de la Colombie, séquestrée depuis
le 23 février 2002 par la guérilla marxiste des FARC (Forces
armées révolutionnaires de Colombie). Cette note humaine a
moins de portée politique que la promesse, faite aussi par M. Sarkozy,
de ne pas abandonner "les femmes qu'on condamne à la burqua".
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Ce soir, ma pensée va aux millions de Français qui, aujourd'hui,
m'ont témoigné leur confiance. Je veux leur dire qu'ils m'ont
fait le plus grand honneur qui soit, à mes yeux, en me jugeant digne
de présider aux destinées de la France. Ma pensée va
à tous ceux qui m'ont accompagné dans cette campagne. Je veux
leur dire ma gratitude, je veux leur dire mon affection. Je veux le dire
d'abord à ma famille, je veux le dire à mes amis, je veux le
dire à mes partisans, je veux le dire à tous ceux qui m'ont
soutenu.
Et ma pensée va à Mme Royal. Je veux lui dire que j'ai du
respect pour elle et pour ses idées dans lesquelles tant de Français
se sont reconnus. Respecter Mme Royal, c'est respecter les millions de Français
qui ont voté pour elle.
Le président de la République doit aimer tous les Français.
Ma pensée va donc à tous les Français qui n'ont pas
voté pour moi. Je veux leur dire que par-delà le combat politique,
par-delà les divergences d'opinion, il n'y a pour moi qu'une seule
France. Je veux leur dire que je serai le président de tous les Français,
que je parlerai pour chacun d'entre eux. Je veux leur dire que ce soir, ce
n'est pas la victoire d'une France contre une autre. Il n'y a pour moi ce
soir qu'une seule victoire : celle de la démocratie, celle des valeurs
qui nous unissent, celle de l'idéal qui nous rassemble. Ma priorité
sera de tout mettre en œuvre pour que les Français aient toujours
envie de se parler, de se comprendre, de travailler ensemble.
Le peuple français s'est exprimé. Il a choisi de rompre avec
les idées, les habitudes et les comportements du passé. Je
vais donc réhabiliter le travail, l'autorité, la morale, le
respect et le mérite. Je vais remettre à l'honneur la nation
et l'identité nationale, je vais rendre aux Français la fierté
de la France, je vais en finir avec la repentance qui est une forme de haine
de soi et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres.
Le peuple français a choisi le changement. Ce changement, je le
mettrai en œuvre parce que c'est le mandat que j'ai reçu du peuple
et parce que la France en a besoin. Mais je le ferai avec tous les Français.
Je le ferai dans un esprit d'union et de fraternité. Je le ferai
sans que personne n'ait le sentiment d'être exclu, d'être laissé
pour compte. Je le ferai avec la volonté que chacun puisse trouver
sa place dans notre République, que chacun s'y sente reconnu, s'y
sente respecté dans sa dignité de citoyen et dans sa dignité
d'homme. Tous ceux que la vie a blessés, ceux que la vie a usés
doivent savoir qu'ils ne seront pas abandonnés, qu'ils seront aidés,
qu'ils seront secourus. Ceux qui ont le sentiment que, quoi qu'ils fassent,
ils ne pourront pas s'en sortir, doivent être sûrs qu'ils ne
seront pas laissés de côté et qu'ils auront les mêmes
chances que les autres.
J'appelle tous les Français par-delà leur parti, leurs croyances,
leurs origines, à s'unir à moi pour que la France se remette
en mouvement. J'appelle chacun à ne pas se laisser enfermer dans
l'intolérance et dans le sectarisme, mais à s'ouvrir aux autres,
à ceux qui ont des idées différentes, à ceux
qui ont d'autres convictions.
Je veux lancer un appel à nos partenaires européens auxquels
notre destin est profondément lié pour leur dire que, toute
ma vie, j'ai été européen, que je crois profondément,
que je crois sincèrement en la construction européenne et
que, ce soir, la France est de retour en Europe. Je conjure nos partenaires
européens d'entendre la voix des peuples qui veulent être protégés.
Je les conjure de ne pas rester sourds à la colère des peuples
qui perçoivent l'Union européenne non comme une protection,
mais comme le cheval de Troie de toutes les menaces que portent en elles
les transformations du monde.
Je veux lancer un appel à nos amis américains pour leur dire
qu'ils peuvent compter sur notre amitié qui s'est forgée dans
les tragédies de l'Histoire que nous avons affrontées ensemble.
Je veux leur dire que la France sera toujours à leurs côtés
quand ils auront besoin d'elle, mais je veux leur dire aussi que l'amitié,
c'est accepter que ses amis puissent penser différemment. Et qu'une
grande nation comme les Etats-Unis a le devoir de ne pas faire obstacle
à la lutte contre le réchauffement climatique, mais au contraire
de prendre la tête de ce combat, parce que ce qui est en jeu, c'est
le sort de l'Humanité tout entière. La France fera de ce combat
son premier combat.
Je veux lancer un appel à tous les peuples de la Méditerranée
pour leur dire que c'est en Méditerranée que tout va se jouer,
qu'il nous faut surmonter toutes les haines pour laisser la place à
un grand rêve de paix et à un grand rêve de civilisation.
Je veux leur dire que le temps est venu de bâtir ensemble une Union
méditerranéenne qui sera un trait d'union entre l'Europe et
l'Afrique. Ce qui a été fait pour l'union de l'Europe, il
y a 60 ans, nous allons le faire, aujourd'hui, pour l'union de la Méditerranée.
Je veux lancer un appel à tous les Africains, un appel fraternel
pour dire à l'Afrique que nous voulons l'aider à vaincre la
maladie, la famine, la pauvreté, à vivre en paix. Je veux leur
dire que nous allons décider ensemble d'une politique d'immigration
maîtrisée et d'une politique de développement ambitieuse.
Je veux lancer un appel à tous ceux qui, dans le monde, croient
aux valeurs de la tolérance, de la liberté, de la démocratie,
de l'humanisme, à tous ceux qui sont persécutés par
les tyrannies et les dictatures. Je veux dire à tous les enfants à
travers le monde, à toutes les femmes martyrisées dans le
monde, je veux leur dire que la fierté, le devoir de la France sera
d'être à leurs côtés. La France sera au côté
des infirmières bulgares enfermées depuis huit ans, la France
n'abandonnera pas Ingrid Betancourt, la France n'abandonnera pas les femmes
qu'on condamne à la burqa, la France n'abandonnera pas les femmes
qui n'ont pas la liberté. La France sera du côté des
opprimés du monde. C'est le message de la France, c'est l'identité
de la France, c'est l'histoire de la France.
Mes Chers Compatriotes, nous allons écrire ensemble une nouvelle
page de notre Histoire. Cette page de notre Histoire, mes Chers Compatriotes,
je suis sûr qu'elle sera grande, qu'elle sera belle. Et du fond du
cœur, je veux vous le dire, avec la sincérité la plus totale
qui est la mienne au moment où je vous parle : Vive la République
et Vive la France."
(Nicolas Sarkozy - Paris - 6 mai 2007) |
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