URGENT - Espagne: 76,7% de "oui" à la Constitution de l'UE, mais l'abstention est un signal d'alarme (21 février 2005)
Référendum: l'Espagne dira "oui" plus à l'UE qu'à sa Constitution, mais gare à l'abstention
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José Luis Rodriguez Zapatero en campagne pour le "oui" à la Constitution européenne Photo Inma Mesa-PSOE |
par Christian Galloy
Analyste politique
Directeur de LatinReporters.com
MADRID, vendredi 18 février 2005 (LatinReporters.com) - L'Espagne est le premier pays à se prononcer par référendum, dimanche, sur la Constitution européenne. Une victoire attendue du "oui" plébisciterait plus l'Union européenne (UE) que son projet constitutionnel. Redoutée, une forte abstention
lors de ce test continental inquiéterait d'autres pays de l'UE et affaiblirait le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero.
Trente-quatre millions et demi d'électeurs espagnols sont invités
à répondre "oui" ou "non" à la question ""Approuvez-vous
le Traité établissant une Constitution pour l'Europe?" ("Aprueba usted el
Tratado por el que se establece una Constitución para Europa?")
La campagne référendaire a dévié ce choix
théorique vers un oui ou non à l'Union européenne elle-même.
M. Zapatero et son Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) ont en effet
fait campagne pour le "oui" sous le slogan "Il s'agit de l'Europe". Déviation
identique de l'enjeu opérée par l'opposition conservatrice:
"Oui à l'Europe" proclame le slogan de son chef, Mariano Rajoy, président
du Parti populaire (PP).
Basée sur le dogme de l'impossibilité supposée d'une
alternative à l'actuel projet constitutionnel, cette déviation
tactique de l'objet du référendum sera probablement copiée
par d'autres pays. Elle est d'autant plus aisée en Espagne que le
PSOE et le PP y représentent 80% de l'électorat et que
les Espagnols sont europhiles. Ils doivent une large part de leur miracle
économique aux aides nettes communautaires, 105 milliards d'euros
depuis l'adhésion de l'Espagne à l'UE, en 1986.
M. Zapatero a dû préciser que le Parlement espagnol, qui aura
le dernier mot, ne contredira pas le vote populaire. La convocation du référendum
de dimanche n'était en effet que facultative et le vote ne sera constitutionnellement
que consultatif.
Objectifs de José Luis Rodriguez Zapatero
Dans ces conditions, convoquer le premier référendum sur le
projet constitutionnel de l'UE, avec la projection médiatique internationale
d'un tel scrutin, répond nécessairement, outre à un
éventuel idéalisme démocratique, à des ambitions
ou soucis du chef du gouvernement socialiste espagnol:
-Recherche, au sein de l'UE, d'un pouvoir d'influence compensant la perte
de pouvoir institutionnel qui pénalise particulièrement l'Espagne
(et la Pologne) dans la future Constitution européenne.
-Recherche d'un plus de légitimité, la victoire des socialistes
espagnols aux législatives du 14 mars 2004 continuant à être
attribuée par des dirigeants de l'opposition conservatrice à
une supposée manipulation de l'émotion provoquée par
les attentats islamistes (191 morts et près de 2.000 blessés)
qui endeuillèrent Madrid trois jours avant les élections.
-Couronnement du virage européen et pacifiste qui a succédé
à l'atlantisme pro-américain du gouvernement conservateur
de José Maria Aznar, qui soutenait la guerre en Irak.
En fonction de ces objectifs, une forte abstention ou une improbable proportion
importante de "non" réduiraient le crédit national et international
de José Luis Rodriguez Zapatero.
L'argument de la paix
L'Europe gage présumé de solution pacifique des conflits et
du respect des droits des l'homme, par opposition à l'interventionnisme
guerrier américain, fut un argument développé dans
la campagne référendaire espagnole par M. Zapatero, ainsi
que par le président français Jacques Chirac et le chancelier
allemand Gerhard Schröder.
L'Europe a besoin d'une Constitution pour mieux défendre un monde
multipolaire et ne plus se limiter à apporter à l'OTAN des
forces à la disposition des Etats-Unis, disait en substance M. Chirac
le 11 février à Barcelone.
Cinq jours plus tard, à Saragosse, en meeting à son tour
aux côtés de M. Zapatero et prenant le contre-pied de la "vieille
Europe" critiquée par le secrétaire américain à
la Défense, Donald Rumsfeld, le chancelier allemand Schröder
clamait que dans l'Europe "bonne et vieille", les sociaux-démocrates
veulent "la solution pacifique des conflits".
Le patronat, les grands médias et les principaux syndicats espagnols appuient
aussi le "oui". Le "non" est défendu par les écolos-communistes de la Gauche
unie (IU). Ils souhaiteraient un projet constitutionnel plus social. "Non"
également des indépendantistes de la Gauche républicaine
catalane (ERC), des nationalistes galiciens (BNG), des indépendantistes
basques du parti interdit Batasuna (vitrine politique des commandos de l'ETA)
et de diverses petites formations régionalistes. Tous reprochent au
projet constitutionnel d'ignorer les "peuples" d'Europe et leur "droit à
l'autodétermination".
Paradoxalement, IU et ERC assurent la stabilité du gouvernement socialiste de
M. Zapatero, dont le PSOE ne dispose au Parlement que d'une majorité relative.
L'Eglise légitime l'abstention
Aux yeux de l'Eglise, très bousculée par les réformes
sociales de M. Zapatero, le mal et le bien supposés du traité
constitutionnel de l'UE semblent s'équilibrer. La Conférence
épiscopale espagnole a déclaré "légitimes" tant
le oui que le non ou le vote blanc et même l'abstention. Jamais auparavant
les évêques espagnols n'avaient légitimé l'abstention
lors d'une campagne électorale.
Les attaques de politique intérieure que n'ont cessé de se
lancer socialistes et conservateurs lors de leurs meetings référendaires,
la tentation minoritaire d'un vote-sanction contre le gouvernement socialiste
et la complexité du projet constitutionnel européen favorisent
aussi l'abstention, voire le "non".
L'abstention de 54% aux élections européennes de juin 2004
fut la plus élevée de l'histoire de la démocratie espagnole.
Le Centre d'investigations sociologiques (CIS, organisme public) estime que,
dimanche, la participation pourrait s'élever à 61% et que le
"non" plafonnera à 5,7%.
Plus prudent, le chef du groupe socialiste espagnol au Parlement européen,
Enrique Baron, souhaite que la participation surpasse 40%. Le
coordinateur général de la Gauche unie, Gaspar Llamazares,
estime qu'un score du "oui" inférieur à la somme des
"non" et des abstentions signifierait, pour l'Espagne et pour l'Union européenne,
l'échec de la ratification de l'actuel projet constitutionnel.
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