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Les conservateurs rejettent un consensus national contre le terrorisme
L'ETA divise une Espagne que José Luis Rodriguez Zapatero ne peut pas unir
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José Luis Rodriguez Zapatero (à gauche) et Mariano Rajoy, président du Parti Populaire (PP, conservateur): incompatibles, malgré la courtoisie Photo Presidencia del Gobierno (22.12.2006) |
par Christian Galloy
Analyste politique Directeur de LatinReporters
MADRID, mercredi 17 janvier 2007 (LatinReporters.com)
- Divisant davantage l'Espagne pourtant invitée à un "grand
consensus" national, le vif débat au Congrès des députés
sur la politique antiterroriste, le 15 janvier à Madrid, n'a pour vainqueur
ni le président du gouvernement, le socialiste José Luis Rodriguez
Zapatero, ni son adversaire conservateur Mariano Rajoy. La victoire revient
aux séparatistes basques de l'ETA.
Jamais, en effet, l'organisation indépendantiste n'avait forcé
un débat qui lézarde autant l'ennemi "espagnoliste". Comme le
souhaite l'ETA, la persistance d'un problème basque s'en trouve attestée.
Et de la réponse à ce problème, brûlant après
l'attentat du 30 décembre
qui a rompu le processus dit de paix, semblent
dépendre les ambitions de pouvoir des socialistes
de M. Zapatero et du Parti Populaire (PP, 42% des députés)
de M. Rajoy. Ils sont en précampagne pour les élections municipales et régionales
du 27 mai, antichambre des législatives de 2008.
Très attendu, le débat parlementaire extraordinaire dédié
au terrorisme basque a vu M. Zapatero "reconnaître l'erreur claire que
j'ai commise devant tous les Espagnols" lorsqu'il déclarait, moins de 24 heures avant l'attentat
du 30 décembre: "En ce qui concerne la lutte pour la fin de la violence, nous allons bien
sûr mieux qu'il y a 5 ans. Mais nous allons aussi mieux qu'il y a un
an et aujourd'hui, je vous exprime une conviction: dans un an, nous irons
mieux qu'aujourd'hui"...
Mais le chef du gouvernement n'a pas expliqué "les raisons qui le
portèrent à ne pas réagir face aux signes évidents
qui contredisaient son optimisme" note l'éditorialiste du quotidien
pro-gouvernemental El Pais.
Comme d'autres, ce journal souligne aussi que M. Zapatero "n'a pas exposé
les critères sur lesquels, se basant sur l'expérience, il propose
de refondre l'unité contre l'ETA dans un nouveau pacte multilatéral".
Ce n'est en effet que d'une manière générique, sans
en exposer le contenu, que le dirigeant socialiste a proposé "un grand
consensus contre le terrorisme entre tous les partis démocratiques
et les organisations sociales et civiques les plus représentatives".
"Venant de vous, quelle fiabilité peut avoir une quelconque proposition
relative au terrorisme? Que vaut votre capacité d'analyse, de connaissance
de la situation?" a répliqué le leader de l'opposition conservatrice,
Mariano Rajoy, dans une longue attaque d'une virulence sans précédent
contre M. Zapatero. Ce dernier a été épinglé pour
son "imprudence", sa "frivolité", sa "jactance", ainsi que pour avoir
"oublié que vous n'avez pas en mains ce que l'ETA réclame".
L'opposition soupçonne M. Zapatero d'avoir fait à l'ETA
des promesses anticonstitutionnelles
Et M. Rajoy d'enfoncer un clou douloureux: "Il n'est pas en votre pouvoir,
heureusement, de tordre la Constitution au goût de l'ETA ni d'adultérer
l'État de Droit ni de donner des ordres aux juges ni d'offrir des
amnisties ni de détourner la volonté des Navarrais ni d'obtenir
que les Espagnols regardent ailleurs. Vous le savez, Monsieur le président
du gouvernement. S'il y a eu un malentendu entre l'ETA et vous, si en plus
de vendre de la fumée aux Espagnols vous en avez vendu aussi à
l'ETA, le seul responsable c'est vous".
"Si vous n'accomplissez pas [ce qu'exige l'ETA], on vous posera des bombes.
Et si on ne vous met pas de bombes, c'est parce que vous avez cédé"
lança Mariano Rajoy dans une deuxième salve contre José
Luis Rodriguez Zapatero, qui venait de l'accuser de ne poursuivre que des
objectifs partisans au mépris de l'intérêt national en
étant le premier chef de l'opposition à ne pas appuyer la politique
antiterroriste d'un gouvernement démocratique.
Le réquisitoire de M. Rajoy est d'une gravité extrême.
Il épaule en effet implicitement les affirmations du journal basque
Gara, proche de l'ETA dont il diffuse les communiqués, selon lequel
M. Zapatero aurait fait des promesses allant au-delà de la Constitution
et des lois espagnoles pour lancer avec les séparatistes le processus
dit de paix avorté par l'attentat du 30 décembre.
Revendiquant
le 9 janvier cet attentat qui a fait 2 morts, 19 blessés
et soufflé un parking de 4 étages de l'aéroport de Madrid,
l'ETA le justifiait en reprochant au gouvernement de M. Zapatero de s'arrêter
aux "limites de la Constitution espagnole et de la légalité"
et priait le même gouvernement de respecter "ses engagements" sous peine
d'éventuels nouveaux attentats.
Selon Gara,
au cours de plusieurs mois de négociations antérieures
au "cessez-le-feu permanent"
annoncé par l'ETA le 22 mars 2006, les
émissaires de M . Zapatero auraient promis aux indépendantistes
"le respect de la décision des citoyens Basques sur leur futur" [soit
l'autodétermination; ndlr] dans un territoire étendu aux provinces
basques d'Alava, de Biscaye et du Guipuzcoa, ainsi qu'à la Communauté
autonome de Navarre [gouvernée par la droite et en majorité
hostile au nationalisme basque, mais que les séparatistes veulent annexer.
Baptisée "territorialité", la revendication territoriale indépendantiste
englobe une "Patrie basque", l'Euskal Herria, comprenant le Pays basque espagnol,
la Navarre et le Pays basque français; ndlr].
"Il était établi que la législation en vigueur ne limiterait
pas la volonté du peuple basque" précise Gara. Le quotidien
ajoute que l'exécutif de M. Zapatero aurait accepté que ne
soient pas effectuées d'arrestations par la garde civile, la police
espagnole, l'Ertzaintza [police basque] ni par la police française
et que soit réduite la présence policière.
Toujours dans le cadre des mêmes promesses qu'aurait faites Madrid
à l'ETA, "les organisations de la gauche patriote" devaient pouvoir
"réaliser leur travail politique sur un pied d'égalité"
[point qui concerne notamment la vitrine politique de l'ETA, le parti Batasuna,
hors-la-loi depuis 2003 quoique publiquement très actif].
José Maria Aznar avait clairement rejeté les revendications
fondamentales de l'ETA
Dressé par l'ETA et publié une seconde fois le 7 mars 2006
par le même journal Gara, un
acte quasi notarial
et non contesté de l'unique et inutile rencontre, en mai 1999 en Suisse, des
indépendantistes avec des émissaires du gouvernement conservateur de José Maria
Aznar montrait clairement que les revendications d'autodétermination
et d'annexion de la Navarre, fondamentales pour l'ETA, étaient alors
rejetées par Madrid. "Le président [M. Aznar] ne peut pas assumer
des engagements qui correspondent à l'Etat... Il n'a pas cette capacité
législative" indiquaient à l'ETA trois émissaires gouvernementaux.
"Autodétermination" et "territorialité" apparaissent explicitement
ou implicitement dans tous les derniers communiqués de l'ETA, y compris
celui qui ouvrit officiellement le processus dit de paix en annonçant
le 22 mars 2006 un
"cessez-le-feu permanent".
José Luis Rodriguez
Zapatero aurait donc accepté de lancer et de poursuivre avec l'ETA,
jusqu'à l'attentat du 30 décembre, un dialogue basé
sur les prémices polémiques rejetées par José
Maria Aznar, auquel Mariano Rajoy a succédé à la présidence
du Parti Populaire (PP).
M. Zapatero nie tout engagement à l'égard de l'ETA. Il n'empêche
que la diffusion de ses prétendus "engagements" anticonstitutionnels,
véridiques ou inventés, ajoutée aux circonstances polémiques
de sa victoire inattendue aux législatives du 14 mars 2004, dans l'émotion
des attentats de Madrid
(191 morts et quelque 1.900 blessés) perpétrés
trois jours plus tôt par des islamistes, compliquent la tâche
de rassembleur que le chef du gouvernement prétend désormais
assumer contre le terrorisme. Et que le "grand consensus" national de M.
Zapatero s'étende aussi aux partis nationalistes dits "modérés"
de la Catalogne, du Pays basque et de la Galice ne facilite rien aux
yeux du PP, car ces partis ont à des degrés divers une ambition
indépendantiste.
M. Rajoy et son PP estiment légitime de douter qu'on puisse
lutter efficacement contre les indépendantistes violents de l'ETA
en s'alliant à d'autres indépendantistes, en principe "modérés"
mais partisans de la poursuite du dialogue avec les violents. Soupçonnant
José Luis Rodriguez Zapatero de ne pas avoir brisé définitivement
les ponts avec l'ETA, Mariano Rajoy l'invite à en revenir au Pacte
antiterroriste signé en 2000 uniquement par les socialistes et le PP.
Mais les socialistes ont trop besoin des nationalistes pour conforter
leur majorité parlementaire relative étriquée.
La solution? Des élections législatives anticipées
répondent plusieurs analystes politiques espagnols. M. Zapatero
prétend néanmoins épuiser la législature, qui peut encore courir
sur 14 ou 15 mois. Si l'ETA le permet...
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