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Pérou - Chili : après l'extradition de l'ex-président Fujimori

Alberto Fujimori au moment de son extradition. "Fujimori a été enfermé dans une caserne de la police" titre à Lima El Comercio
LIMA, lundi 24 septembre 2007 (LatinReporters.com) - L'extradition vers le Pérou de son ancien président Alberto Fujimori (1990-2000), livré le 22 septembre par le Chili après autorisation de la Cour suprême de Santiago pour deux cas de violations des droits de l'Homme et cinq dossiers de corruption, ouvre deux perspectives principales: possible embellie diplomatique bilatérale et, d'autre part, éventuels remous socio-politiques additionnels au Pérou.

Populiste autoritaire, Alberto Fujimori, 69 ans, est notamment accusé par la justice péruvienne d'être le coauteur intellectuel de 25 assassinats perpétrés lors de deux tueries successives, en 1991 et 1992 à Lima, par le Grupo Colina, un escadron de la mort composé de 35 militaires. Les victimes, dont neuf étudiants et un professeur de l'Université La Cantuta, étaient soupçonnées d'appartenir au Sentier lumineux. Triste revers de médaille, car ce sont précisément ses succès contre ce groupe terroriste maoïste qui consolidèrent la popularité de Fujimori, longtemps considéré par ailleurs comme l'ami des pauvres, à l'égal aujourd'hui du président vénézuélien Hugo Chavez.

Ingénieur agronome, fils d'immigrés japonais né à Lima et surnommé "El Chino" (Le Chinois), Alberto Fujimori avait fui le Pérou en novembre 2000 après l'éclatement d'un scandale de corruption généralisée attestée par des vidéos. Il annonçait sa démission par fax, sept mois après sa troisième victoire consécutive et contestée à l'élection présidentielle, remportée sur son challenger centriste et futur président Alejandro Toledo.

Le gouvernement péruvien mit Interpol à ses trousses. Réfugié d'abord au Japon, qui irrita le Pérou en refusant deux fois son extradition, Fujimori débarqua à la surprise générale en novembre 2005 à Santiago du Chili. Il y afficha l'espoir d'être à nouveau candidat à la présidence du Pérou voisin aux élections d'avril 2006. Une ambition réfutée par la justice péruvienne, qui sollicitait aussitôt du Chili l'extradition d'Alberto Fujimori. Lima en fit une affaire d'Etat et un baromètre médiatique des relations avec Santiago.

Fujimori tenta un dernier coup de poker, cherchant l'immunité en briguant vainement, sans pouvoir quitter Santiago, un fauteuil de sénateur d'un petit parti de droite aux élections du 29 juillet dernier au Japon, dont il possède aussi la nationalité.

Le chef de la diplomatie péruvienne, le ministre José Antonio Garcia Belaunde, a remercié samedi le Chili, saluant son esprit "positif et constructif" pour avoir concrétisé l'extradition 24 heures seulement après l'autorisation de la Cour suprême chilienne. Un zèle d'autant plus remarqué et apprécié que le délai d'exécution était de trois mois.

Ce début d'embellie diplomatique est bienvenu après la réaffirmation unilatérale par le Pérou, en août dernier, de sa souveraineté sur une étendue maritime de 35.000 km2 que le Chili considère comme sienne. La présidente chilienne, la socialiste Michelle Bachelet, faisait alors protester énergiquement son ministre des Relations extérieures, Alejandro Foxley. Elle ordonnait aussi à la marine de guerre d'accroître sa visibilité dans la zone contestée.

La prétention maritime péruvienne risque de compliquer les efforts de Michelle Bachelet pour trouver un compromis offrant une fenêtre maritime à la Bolivie d'Evo Morales en échange de gaz bolivien qui réduirait le déficit énergétique du Chili. C'est au détriment territorial et maritime du Pérou et surtout de la Bolivie que le Chili gagna en 1873 la guerre dite du Pacifique. Les Boliviens perdirent alors leur accès à l'océan.

En se débarrassant d'Alberto Fujimori, les Chiliens ont donc éliminé l'un des catalyseurs de frictions régionales et même au-delà puisque la négociation du traité de libre-échange signé cet été entre Santiago et Tokyo avait subi des contretemps à cause des inquiétudes du Japon pour Alberto Fujimori, emprisonné les six premiers mois de son séjour au Chili. Mis ensuite en liberté provisoire sans pouvoir sortir du pays, il fut enfin assigné à résidence plusieurs semaines avant son extradition.

Risque de "fujimorisation"

Transféré dès son arrivée par avion à Lima dans une caserne de la Direction des opérations spéciales de la police, Alberto Fujimori doit maintenant être jugé, la Cour suprême de Santiago n'ayant qu'autorisé son extradition à cette fin. L'ex-président risque 30 ans de prison.

L'éditorialiste de l'influent quotidien El Comercio met en garde, comme d'autres, contre le risque de "fujimorisation" de la vie politique du Pérou au cours de cette phase judiciaire qui sera longue et surmédiatisée.

Sans majorité au Congrès monocaméral de 120 députés, le président social-démocrate Alan Garcia semblait lié ces derniers mois par un pacte tacite aux élus fujimoristes de l'Alliance pour le futur afin de mieux résister à une vague de contestation sociale. La grogne mobilise notamment des enseignants, des paysans, des villageois et citadins réclamant des infrastructures, ainsi que des populations s'opposant à l'exploitation agressive ou peu rémunérée des ressources naturelles. Les destructions et les 200.000 sinistrés du séisme qui a dévasté le 15 août la région d'Ica compliquent la tâche du gouvernement.

En 4e position aux élections législatives nationales d'avril 2006 avec 15,3% des suffrages, le parti fujimoriste Alliance pour le futur se hissait alors à la deuxième place, avec un score de 18,9%, dans le district stratégique de Lima. Keiko Fujimori, fille de l'ex-président, y a recueilli sur son seul nom 602.869 voix, record national absolu de popularité personnelle. Santiago Fujimori, frère d'Alberto dont il croit "l'intégrité physique" désormais menacée, est également parmi les 13 députés de l'Alliance pour le futur. L'ex-président et sa famille se disent persuadés qu'un Fujimori sera candidat à la présidence en 2011.

"Nous n'accepterons pas" qu'Alberto Fujimori soit emprisonné pendant son procès, "nous accepterions tout au plus l'arrêt domiciliaire" a lancé Keiko Fujimori. Elle était samedi à Lima à la tête d'un millier de partisans de son père portant des banderoles clamant "Nous défendons l'innocence de Fujimori". La photo de l'ex-président était imprimée sur le tee-shirt de nombreux manifestants.

Le directeur du quotidien "Peru 21", Augusto Alvarez Rodrich, estime que le président Alan Garcia devrait avoir "la décence" de couper son "lien très cordial avec le fujimorisme". Ce lien présumé serait d'autant plus paradoxal qu'après un premier mandat présidentiel catastrophique, de 1985 à 1990, Alan Garcia dut s'exiler en France et en Colombie pendant huit ans pour échapper aux poursuites pour corruption lancées contre lui par son successeur à la présidence, ... Alberto Fujimori!

La majorité des analystes péruviens voient dans l'extradition d'Alberto Fujimori une victoire de la démocratie et de la justice. Une victoire paradoxalement offerte par la justice chilienne, alors que le dictateur chilien Augusto Pinochet, décédé en décembre 2006, seize ans après la fin de son régime militaire, n'a jamais subi la moindre condamnation malgré plusieurs années de poursuites judiciaires.

Avant Alberto Fujimori, un seul chef d'Etat latino-américain avait été extradé vers son pays d'origine. En 1995, le Brésil livrait en effet à la Bolivie le général bolivien Luis Garcia Meza, auteur d'un coup d'Etat sanglant en juillet 1980. Aujourd'hui, ce putschiste purge encore sa peine en Bolivie dans la prison de haute sécurité de Chonchocoro.


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Texte intégral en espagnol de la sentence de la Cour suprême de Santiago du Chili autorisant l'extradition de l'ex-président Alberto Fujimori vers le Pérou

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